Avis de brouillard sur l'automobile

Flou sur les réglementations, changement de paradigme sur l'énergie qui remet en cause le modèle de la voiture électrique... Les automobilistes européens, et plus particulièrement les Français sont « en plein brouillard », selon l'Observatoire Cetelem

(c) Adobe Stock
(c) Adobe Stock

« Ce qui est très important pour nous, Français, c’est qu’on est attaché à la bagnole. On aime la bagnole. Et moi je l’adore », déclarait Emmanuel Macron, président de la République, le 24 septembre, lors de son interview télévisée. L'affirmation contraste paradoxalement avec les résultats de l'étude de l'Observatoire Cetelem, « L'automobiliste en plein brouillard. Réglementation, motorisation, tarification ». Réalisée par les sociétés d'étude Harris interactive et C-Ways, elle a été présentée le 7 novembre, à Paris. Conclusion ? « incertitude », « scepticisme », répond Flavien Neuville, directeur de l'Observatoire Cetelem . Le constat, valable au niveau européen, est encore plus net en France, et il s'applique aux trois thèmes explorés par l'étude : le comportement d'achat prévisionnel des consommateurs, leur vision de la voiture électrique, leur avis sur les réglementations concernant les véhicules. Sur ce sujet, l'interdiction à venir de la vente des véhicules thermiques prévue pour 2035 dans l'Union Européenne et les ZFE, Zones à faibles émissions mobilité, déjà en vigueur dans de nombreux pays, suscitent globalement des réponses comparables.

Premier constat, les Européens -et les Français- appréhendent moins bien le sujet de l'interdiction des véhicules thermiques que celui des ZFE. Les trois quarts des Européens connaissent l'existence de ces dernières, mais ils ne savent pas précisément en quoi elles consistent. Seuls 39% d'entre eux ont une connaissance précise du sujet (48%, en France). Quant à la mesure d'interdiction des moteurs thermiques, 52% des Européens ne savent pas si un règlement de ce type existe dans leur pays (et 53% des Français). Mais les opinions des automobilistes sur les deux dispositifs sont très semblables. Pour les sondés, « ZFE égale inégalités », relève Flavien Neuville. En effet, 82% des Européens estiment que cette mesure va impacter les ménages les plus modestes qui ne pourront pas s'équiper de véhicules autorisés à rouler dans ces zones. Dans le même sens, concernant l'interdiction des véhicules thermiques, « la première dimension qui apparaît est celle de l'injustice », pointe Flavien Neuville qui rappelle les potentielles conséquences pour les consommateurs : certains ne seront pas en mesure d'acheter un autre véhicule, d'autres ne pourront pas revendre le leur. « La mesure fait perdre du patrimoine aux ménages, en particulier les plus modestes », commente-t-il.

Autre sujet sur lequel ces deux réglementations appellent des commentaires similaires : l'évaluation compliquée de leur potentielle efficacité sur le plan écologique et le degré de probabilité de leur application. Ainsi, une proportion quasi identique d'européens (62 et 61%) considèrent que la ZFE est « une bonne mesure qui s'impose » et que c'est « inefficace pour lutter contre la pollution » ! La seconde mesure réglementaire obtient des résultats comparables. Par ailleurs, une majorité d'Européens (56%) considèrent que la ZFE est une mesure « irréaliste », destinée à ne pas être appliquée. D'ailleurs, 19% de ceux qui sont équipés d'un véhicule qui n'est pas autorisé à y circuler n'ont pas encore réfléchi à la manière dont ils allaient aborder le sujet. Dans le même sens, 71% des Européens jugent que le calendrier de mise en œuvre de l'interdiction des moteurs thermiques est trop serré, et 62% que la mesure est irréaliste et ne verra pas le jour...

La voiture électrique n'a plus la cote

L'étude explore aussi le sujet de la voiture électrique. Car si les ventes de ces dernières continuent d'augmenter, l'adhésion des consommateurs européens à ce véhicule suit la courbe inverse, montre l'étude. Et la tendance est particulièrement nette en France. C'est dans l'Hexagone que l'on trouve le plus de consommateurs persuadés que dans cinq ans, la place de la voiture électrique sera moins importante qu'actuellement (29%, contre 22% au niveau européen). Et 17% seulement des Français considèrent que cette part va augmenter, contre 26% des Européens. Pourtant, 81% d'entre eux croient que les progrès techniques pourront améliorer le bilan environnemental de la voiture (contre 72% des Français, le plus bas score d'Europe). Mais la voiture électrique n'incarne le progrès que pour 60% des Européens ! Et le score est encore plus bas chez les Français (41%), le deuxième plus faible d'Europe, après l'Autriche (37%). « La voiture électrique a pris un petit coup en termes d'image », commente Flavien Neuville. Résultat : 50% des Européens, et seulement 38% des Français – à nouveau deuxième plus bas score européen après l'Autriche- pensent que la voiture électrique va, à terme, complètement remplacer celle thermique. A l'origine de ce scepticisme, « les hausses de prix de l'énergie, au sens large, ont ouvert une brèche dans la promesse de la voiture électrique : un prix à l'achat plus élevé, et une consommation peu chère », commente Flavien Neuville. Pour les trois quarts des sondés, l'évolution des prix de l'électricité pourrait rendre ce type de véhicule trop cher à l'utilisation par rapport aux voitures à essence ou diesel. Autre difficulté potentielle perçue, celle de la disponibilité même de l'électricité : 71% des Français (et 62%des Européens) estiment qu'on ne saura pas produire assez d'électricité pour répondre à tous les besoins des voitures électriques. On peut y lire le résultat de l'expérience de l'hiver dernier au cours duquel les citoyens ont été invités à faire preuve de sobriété énergétique. Et peut-être, aussi, pour les Français, un manque de confiance dans le potentiel national du nucléaire.

Quoi qu'il en soit, « les consommateurs se posent des questions qu'ils ne se posaient pas auparavant avant d'acheter une voiture électrique. Cela peut générer un phénomène d'attentisme chez ceux qui avaient décidé d'acheter », pointe Flavien Neuville. Pour 2024, « les intentions d'achat d'un véhicule dans les 12 mois qui viennent ne sont pas spectaculaires, mais elles ne s'effondrent pas non plus », poursuit-il. 19% des Européens sont concernés, et 21% des Français. Parmi les types de véhicules privilégiés par les Européens, ceux électriques arrivent en tête ( 27%), juste devant ceux à essence ( 26%) et diesel (15%). La voiture à hydrogène atteint 9% des intentions d'achat ! Et les consommateurs qui ne veulent pas d'un véhicule électrique expliquent leur choix de plusieurs façons : le prix d'achat trop élevé (51%), les difficultés de recharge ( 35%), la faible autonomie (33%) et le prix de électricité (27%). « C'est la première fois que ce critère apparaît comme un frein à l'achat », souligne Flavien Neuville. Autre information du sondage, la plutôt bonne image des constructeurs chinois (pour l'électrique) : 44% des Européens en ont une bonne opinion, et 39% des Français. « On en parle beaucoup, ils occupent le terrain médiatique », observe Flavien Neuville. De nombreux consommateurs sont prêts à acheter leurs marques (34% en Europe et 28% en France).