Exxon Mobil Chemical annonce l’arrêt de ses activités à Port-Jérôme

Jeudi 11 avril le groupe pétrochimique Exxon Mobil, l’un des plus gros employeurs du territoire, a annoncé l’arrêt à très court terme de 70 % des activités chimiques du site de Notre-Dame-de-Gravenchon.

L’activité de raffinage du pétrole est présente depuis près de cent ans à Port-Jérôme. (© Creative Commons / G.Janot)
L’activité de raffinage du pétrole est présente depuis près de cent ans à Port-Jérôme. (© Creative Commons / G.Janot)

Un coup de tonnerre. Ce jeudi 11 avril au matin, le groupe Exxon Mobil Chemical France a annoncé avoir programmé l’arrêt de plusieurs de ses activités de pétrochimie sur son site de Notre-Dame-de-Gravenchon (commune de Port-Jérôme-sur-Seine) dès la fin 2024. 677 emplois sont directement concernés. Selon les informations de l'AFP, le groupe pétrolier américain prévoit « l'arrêt définitif du vapocraqueur, des unités de polyéthylène, de polypropylène, d'adhésifs et des facilités logistiques associées ». Cela représenterait 70% des activités chimiques du site.

Exxon Mobil, évoque 500 M€ de perte sur ce secteur de la chimie, et pointe les coûts opératoires des outils de Notre-Dame-de-Gravenchon qui les rendraient non compétitifs. Un chiffre d’ores et déjà contesté par les syndicats, sous le choc de cette annonce. « La chimie a effectivement connu une perte de 300 millions en 2023 mais le profit du pétrole c'est un milliard sur la même période », a réagi Pierre-Antoine Auger, élu (FO) du CSE sur le site de Port-Jérôme.

Reclassement et perspectives

Les réactions politiques ont évidemment été nombreuses à cette annonce. Virginie Carolo-Lutrot, présidente de la communauté de communes Caux Seine Agglo et maire de Port-Jérôme, a ainsi admis : « On ne va pas se mentir, on entre dans une période de crise. 677 emplois, ça n’est jamais arrivé sur notre territoire. Ca va secouer fort et je pense d’abord aux salariés et à leurs familles, y compris à ceux des sous-traitants. » Roland Lescure, ministre de l’Industrie, ainsi que la préfecture de la Seine-Maritime, ont d’ailleurs surtout pointé les obligations d’Exxon Mobil Chemical sur ce point : « Le groupe a une obligation absolue de proposer des perspectives de reclassement pour les salariés et de valorisation pour le site », a insisté Roland Lescure. Exxon Mobil Chemical promet d'engager une « recherche de solutions individuelles et collectives » pour les salariés concernés, précisant que « aucun départ n'est envisagé avant 2025 ».

Bien sûr, tout le monde voit aussi derrière cette annonce fracassante, une conséquence de la décarbonation de l’industrie… Une sorte de fatalité face au train de l’histoire. Virginie Carolo-Lutrot y voit même une preuve, du bien-fondé de la politique de transition engagée à Port-Jérôme-sur-Seine. Hasard du calendrier, l’entreprise Futerro confirmait d’ailleurs le jour même son souhait de construire à Port-Jérôme, une usine de polylactique acide (du plastique fait à base d’amidon de céréales) en partenariat avec le site Tereos de Lillebonne. Cela pourrait éclaircir un peu le ciel de l’emploi… « On ne pensait toutefois pas que le timing serait aussi serré, souffle, un peu effarée, la maire de Port-Jérôme… Il va falloir mettre les bouchées doubles pour faire la jonction ».

Beaucoup de questions en suspens

De son côté, le président de la CCI Normandie, Vincent Laudat, espère « un cri d’alarme » de la part du pétrolier, plutôt qu’une décision définitive. Une sorte d’alerte sur le pétro-bashing. « La décarbonation, c’est un objectif. Mais attention à ne pas vouloir aller trop vite. Beaucoup de secteurs dépendent de la pétrochimie, prévient l’élu consulaire. Et on a déjà beaucoup diminué nos capacités de raffinage en Europe. L’énergie reste un enjeu majeur. » Il espère encore une voie de sortie. « Nous sommes tout prêts à discuter avec eux de leurs objectifs et voir comment nous pouvons les accompagner. » D’autant qu’Exxon Mobil, une institution à Port-Jérôme, est aussi fortement impliquée dans de nombreux projets collectifs sur le territoire. Le développement de l’hydrogène, notamment…

Pour Aletheia Press, Benoit Delabre