La France continue d’attirer les investissements étrangers

En 2022, la France est toujours en tête des pays européens qui attirent les investissements étrangers, notamment pour les projets industriels et de recherche et développement, d’après le baromètre du cabinet EY. La tendance est positive, mais la politique américaine qui vise à attirer les investisseurs étrangers sur son sol pourrait sérieusement la remettre en cause.

Photo d'illustration
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Les Pfizer, Skyborn, Interstellar Lab… Au total, les 28 annonces d’investissements étrangers en France annoncées lors du 6e sommet Choose France, organisé le 15 mai, sous l’égide du président de la République pour attirer les investisseurs importants, pèsent 13 milliards d’euros et 8 000 emplois. Les chiffres confirment la tendance constatée en 2022. L’an dernier, l’Hexagone est arrivé en tête du classement européen des destinations d’accueil des investissements directs étrangers (IDE), pour la quatrième année consécutive, selon le baromètre de l’attractivité du cabinet EY. 1259 nouveaux projets ont été recensés, soit 3 % de plus qu’en 2021. L’enjeu est de taille : les 16 800 entreprises à capitaux étrangers implantées en France emploient 2,2 millions de personnes (13% de l’emploi salarié) et contribuent à environ 20% du PIB, 25% de la R&D privée et 35% des exportations industrielles.

Autre constat, en 2022, la France a creusé l’écart avec ses deux concurrents principaux : le Royaume-Uni (929 projets, -6%) et l’Allemagne (832 projets, -1%). Et la suprématie française concerne plusieurs domaines : le pays reste en tête du classement pour les implantations et extensions d’usine avec 547 projets, très loin devant la Turquie (256 projets) et le Royaume-Uni (175 projets). L’Hexagone reste aussi la principale terre d’accueil des investissements de R&D (144 en 2022, +8% sur un an), en raison notamment de sa politique d’incitation à l’innovation symbolisée par le crédit impôt recherche (CIR). Dans ce domaine suivent le Royaume-Uni (127 projets, +14%), l’Allemagne (52, -31%) et le Portugal (39, -7%).

Et des territoires très différents tirent profit de cette tendance : près d’un projet sur deux concerne des zones rurales ou des agglomérations moyennes de moins de 200 000 habitants. Et pour la première fois depuis la mise en place du baromètre, l’Île-de-France prend la tête du classement des régions européennes les plus attractives, devant le Grand Londres. Pour l’avenir, « la volonté d’investir en France reste solide, même si ce désir s’atténue. En 2022, 61% des dirigeants internationaux interrogés envisageaient de s’implanter en France, en 2023 », note l’étude. Parmi leurs motivations, la disponibilité d’une énergie décarbonée, une main d’œuvre qualifiée et la qualité de vie.

Impossible attractivité nationale sans attractivité européenne

La performance française de l’année 2022 tient à des dynamiques diverses. L’attractivité du pays « est le fruit des vagues successives de réformes qui se sont enchaînées depuis 2007 », d’après l’étude. S’y ajoute la capacité récente de la France à « persuader des centaines d’entreprises et entrepreneurs du monde entier de miser sur elle pour dessiner le monde de demain » ( industrie décarbonée, énergie, santé, innovation…). Dans l’industrie, le nombre de projets à impact environnemental a augmenté ces cinq dernières années. Et le mouvement devrait s’accentuer : les dirigeants étrangers interrogés prévoient de dédier une part significative de leurs futurs investissements à la réduction de leurs émissions de CO2.

A l’inverse, plusieurs faiblesses de la France pourraient se révéler problématiques pour l’avenir. Ainsi, 65 % des projets y sont des extensions, Allemagne et Royaume Uni parvenant à mieux attirer de nouveaux entrants ( venus des États-Unis ou de l’Asie). Deuxième difficulté, le nombre d’emplois portés par les entreprises étrangères en 2022 a baissé de 15 % pour atteindre 38 100 emplois. Les projets en France créent moins d’emplois qu’en Allemagne. Autres faiblesses constatées, une moins bonne performance que le Royaume-Uni pour les centres de décision, une pénurie de foncier et des lourdeurs administratives qui entravent certains projets (logistique, notamment).

Mais surtout, l’une des dynamiques sur lesquelles repose la performance relative de la France en 2022 pourrait se révéler contre-productive pour l’avenir : il s’agit des difficultés rencontrées par ses principaux concurrents, Royaume-Uni (Brexit) et Allemagne (pénurie de talents, renouvellement du mix énergétique… ). Or, l’Europe entière partage un même sujet de préoccupation : le spectre des « délocalisations énergétiques », avec la concurrence des États-Unis, boostée par l’Inflation Reduction Act, même si, pour l’instant, le nombre de projets détournés reste limité. « Les prochains mois seront décisifs », pointe l’étude. Et déjà, la capacité européenne à attirer des IDE a été durement affectée en 2022, avec une croissance de 1% seulement l’année dernière. Une situation, qui, à terme, ne peut que se révéler délétère pour chacun de ses Etats membres, France comprise.