La location d’un logement pour de courtes durées peut être réglementée par les communes

Après Berlin d’abord, constatant les effets néfastes des plateformes de location de logements sur le parc immobilier, et donc sur le montant des loyers, de plus en plus de villes dans le monde ont commencé à réglementer, ou tout bonnement interdire ces plateformes : Barcelone, Los Angeles …Le droit français s’est lui aussi adapté à ce phénomène et permet aujourd’hui aux collectivités de réglementer ces locations. Explications.

(© Adobe Stock)
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Quels sont les « logements » visés ?

Pour éviter de viser clairement les logements mis en ligne par la célèbre plateforme Airbnb, le Code de la construction et de l’habitation évoque les « locaux meublés destinés à l'habitation de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ». Le Code voit large puisqu’il prend le soin de préciser que ces logements peuvent être constitués par des « annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location (…) ».

En revanche, ne sont soumis aux règles régissant la location de courte durée, que les locaux à usage d’habitation qui étaient déjà affectés à cet usage après le 1er janvier 1970. Le code indique à cet égard que « cette affectation peut être établie par tout mode de preuve ». En d’autres termes, et le code le précise lui-même, les locaux construits postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Le principe retenu par notre droit pour permettre la réglementation de ces locations est simple : le passage d’un logement à usage d’habitation à un local meublé « destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées » constitue un changement de destination, qui peut être soumis à autorisation de la commune.

Principale limite de ce système : cette procédure ne s’applique toutefois pas aux résidences principales louées au maximum 120 jours par année civile. Elle interdit en revanche la location, sans avoir obtenu l’autorisation de changement d’usage d’une résidence secondaire, quelle que soit la durée de cette location.

Réglementation et possibilités d’exiger une « compensation »

Dans les communes de plus de 200 000 habitants, mais également dans les communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, les propriétaires de logements secondaires souhaitant proposer ceux-ci à la location sur une plateforme sont tenus de déposer une demande d’autorisation de changement d’usage auprès de leur commune. La demande peut désormais être faite en ligne.

Dans toutes les autres communes, cette procédure doit être mise en œuvre par une délibération de l’EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme, ou, à défaut, du conseil municipal. De plus, une autorisation préfectorale est nécessaire dans les communes n’appartenant pas à des zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants, dont la liste est fixée par décret.

S’agissant d’une mise en œuvre facultative, cette délibération de l’EPCI ou de la commune doit préciser les raisons pour lesquelles l’exigence de demande de changement d’usage est mise en œuvre. De plus, comme l’a jugé la Cour de Justice de l’Union Européenne dans un arrêt du 22 septembre 2020, il est nécessaire que la mise en place d’un tel régime soit « proportionnée à l’objectif poursuivi » et que la commune procède par « paliers successifs », sans imposer un régime juridique prohibant trop drastiquement toute location à brève échéance.

Cette exigence de demande de changement d’usage peut se coupler avec une obligation de « compensation », fixée à l’article L. 631-7-1 du Code de la construction et de l’habitation : une personne souhaitant proposer un logement secondaire à la location sur une plateforme doit être en mesure de proposer la mise sur le marché d’un nouveau local à usage d’habitation, peu importe les modalités. Là encore, les modalités de cette compensation doivent être proportionnées à l’objectif poursuivi et leur sévérité doit suivre la logique de « paliers successifs ». Elles doivent être claires, intelligibles et non discriminatoires.

Sur la base de cette délibération, ou sur la base du Code de la construction et de l’habitation pour les communes de plus de 200 000 habitants et les départements précités, les décisions de refus d’autorisation de changement d’usage, qui sont des décisions individuelles, doivent être motivées, conformément au droit commun des décisions administratives.

Quelles conséquences en cas de location illégale ?

A l’encontre du propriétaire, l’article L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation prévoit une amende civile de 50 000 euros maximum , prononcée par le président du tribunal judiciaire du lieu de l’immeuble, statuant en référé, si des locaux ont été irrégulièrement transformés. L’assignation est faite par la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou par l'Agence nationale de l'habitat. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local.

S’il constate l’infraction, le président du tribunal judiciaire ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il peut également prononcer une astreinte d'un montant maximal de 1 000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Là encore, le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local concerné.

En outre, l’auteur d’une infraction à cette réglementation est également passible de peines pénales au titre de l’article L. 651-3 du Code de la construction et de l’habitation (amende de 80 000 euros et un an d’emprisonnement)

Nicolas TAQUET, avocat