Mobilité

Les bus urbains ne roulent plus assez vite

Complémentaire du métro et du tramway dans les grandes villes, le bus perd peu à peu de son efficacité. Une étude de la Fédération des usagers relève la baisse de la vitesse moyenne et regrette l’accaparement des couloirs réservés par d’autres usagers, automobilistes, livreurs, cyclistes. Un constat qui tombe mal, quand les municipalités cherchent à convaincre de délaisser la voiture au profit des transports en commun.

Bus « à haut niveau de service » à Nantes
Bus « à haut niveau de service » à Nantes

Que font les passagers dans un bus ? Comme tout le monde, ils scrollent leur téléphone. Et ils ont amplement le temps de découvrir les dernières nouveautés sur leurs réseaux sociaux préférés. Car les bus urbains, ces dernières années, sont de plus en plus lents. « Nos adhérents ressentent une baisse de la vitesse, et nous avons voulu vérifier cela », explique Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations des usagers des transports (Fnaut).

Les chiffres mis à disposition de la Fnaut par l’Union des transport publics (UTP), qui rassemble les opérateurs de transport, semblent confirmer ce déclin, au moins pour les réseaux des grandes villes. Ainsi, entre 2013 et 2021, la vitesse moyenne a chuté de 14,5 à 12,8 km/h à Strasbourg ou de 13,8 à 10,6 km/h à Nancy. A Marseille, les bus ne roulaient qu’à 12 km/h en 2021 et, à Paris, à 10,6 km/h en 2019. Pour l’ensemble des réseaux desservant plus de 250 000 habitants, la vitesse est tombée de 15,45 km/h en 2013 à 15,03 km/h en 2018. Il s’agit des vitesses d’exploitation, qui intègrent les temps de battement aux terminus. A l’inverse, dans les réseaux des villes moyennes, les bus ont tendance à rouler plus vite : la vitesse y progresse entre 2013 et 2018 de quelques dizaines de secondes.

Le bus « rapide » ne l’est pas tant que ça

Ce ne sont certes que des moyennes, et les différences peuvent paraître infimes. En outre, la Fnaut admet que les chiffres de l’UTP ne sont pas assez fiables. « On ne sait pas exactement comment ils sont calculés, et parfois les données communiquées ne varient pas d’une année à l’autre, comme si elles n’avaient pas été actualisées », confie un responsable de la Fédération.

Pour étudier le phénomène de manière détaillée, les représentants des usagers ont obtenu du réseau de Nantes Métropole les données récoltées à l’intérieur des bus circulant sur deux lignes choisies. Ces « Chronobus », selon la formulation nantaise, sont dits « à haut niveau de service » : ils disposent de couloirs réservés, passent très régulièrement, toutes les quatre ou huit minutes, offrant ainsi un service proche de celui du tramway. Or, là aussi, les observations font état d’une nette perte de vitesse, 2,1 km/h en moyenne, soit 9,5% de temps passé en plus dans les bus, entre 2014 et 2019, période pour laquelle les données sont disponibles. Selon Jean-Marie Beauvais et Benoît Oillo, auteurs de l’étude, le décrochage est « tendanciel », ce qui signifie qu’il s’aggrave chaque année, et il est « général », pour les deux sens de circulation de chaque ligne, les heures de pointe du matin comme celles du soir.

Alors que les municipalités cherchent, partout en Europe, à convaincre leurs habitants de délaisser la voiture au profit des transports en commun, ce constat tombe mal. D’autant que les métropoles françaises, après des investissements massifs dans des lignes de tramway jusqu’aux années 2010, préfèrent désormais aménager à moindres frais des lignes de bus rapides… qui ne le sont pas tant que ça.

Vélos et livraisons dans les couloirs réservés

Les auteurs de l’étude ont cherché à disséquer les pertes de temps subies par les passagers des lignes nantaises. Ils distinguent « le bon cholestérol », constituée des descentes et montées des voyageurs, signe d’une progression de la fréquentation, du « mauvais cholestérol », le temps de roulage, qui reflète les difficultés rencontrées par le conducteur. Or, sur ces deux lignes, c’est surtout le temps de roulage, la mauvaise graisse donc, qui s’allonge.

Mais quels sont les obstacles qui ralentissent les bus ? La Fnaut ne répond pas directement, mais constate que la « densité urbaine » des quartiers desservis a augmenté : des riverains mais aussi des usagers, quels que soient leurs modes de transport. Les voies en principe réservées aux bus sont très sollicitées, constatent les auteurs, aussi bien par les piétons qui les traversent, les cyclistes qui les empruntent, les automobilistes qui y voient un raccourci ou les camionnettes de livraison qui s’y arrêtent de manière illicite, pour apporter des marchandises aux commerces, mais aussi, de plus en plus, aux particuliers. Le diagnostic, réalisé avant la pandémie, a pu évoluer, en raison de la forte progression des déplacements à vélo et des livraisons depuis 2020.

Les préconisations de la Fnaut portent à la fois sur les véhicules, dont toutes les portes doivent être utilisées, la voirie, davantage aménagée pour les bus, et les contrôles, souvent négligés par la police municipale. Même si les représentants des usagers estiment que les vélos n’ont rien à faire dans les voies de bus, ils ne sont pas hostiles aux aménagements cyclables, mais seulement à cette condition : « adopter un partage de l’espace en faveur des vélos et des piétons au détriment des voitures, en circulation et en stationnement, et non pas au détriment des autobus ».