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Les entreprises réservées sur la qualité de services de la médecine du travail

Dans le cadre de sa convention nationale sur la médecine du travail de demain, GST (Groupement Santé au travail), un service de santé au travail interentreprises (SPSTI) a réalisé un sondage avec l'Ifop sur le thème « La médecine du travail, regards croisés salariés et dirigeants »*. Zoom sur l'état de la médecine du travail en France.

© Adobe Stock
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Près d'une entreprise sur cinq (19%), émet des réserves vis-à-vis des services dispensés par la médecine du travail. Pour autant, 64% n’ont pas l’intention de prendre de mesures particulières afin de remédier à cette insatisfaction. Les entreprises insatisfaites tendent ainsi à faire preuve d’attentisme : seules 36% ont pris des mesures ou comptent le faire ; à peine 16% déclarent avoir effectué un signalement auprès de leur branche professionnelle et seulement 20% souhaitent prendre des mesures, mais ne savent pas encore lesquelles. « Elles ne savent pas comment dialoguer avec la médecine du travail, lorsqu’il y a une insatisfaction », relève ainsi Enora Lanoe-Danel, chargée d'études à l’Ifop au sein du département Opinion et stratégies d'entreprise. Cette insatisfaction repose sur un suivi médical jugé insuffisant pour 19% d’entre elles et des délais de prise de rendez-vous trop importants (pour 29%). Près des trois quarts des entreprises (30%) jugent que la médecine du travail ne fournit pas « une bonne qualité de services au regard des cotisations payées par l’entreprise » et 13% n’ont pas identifié un interlocuteur auquel elles peuvent se référer. Ces entreprises ont également le sentiment de ne pas être suffisamment accompagnées par la médecine du travail : 67% se sentent mal accompagnées, contre 21% qui se disent satisfaites. De fortes disparités dans la perception des différents services dispensés qui « laissent à penser que certaines entreprises ont une expérience fortement dégradée de la médecine du travail au sein de leur organisme », commente GST.

Un tiers des entreprises mal accompagnées sur les RPS

Sur les risques professionnels psychosociaux( RPS), qui apparaissent comme « une vague de plus en plus puissante », « une nouvelle catégorie de risques et de pathologies liées au travail, difficiles à cerner, à mesurer, à objectiver », juge Jean-Paul Thonier, expert en santé au travail, « le sentiment de se sentir mal accompagné » monte à 29 %. Même si, pour l’heure, les RPS ne figurent pas au tableau des maladies professionnelles.

Côté salariés, ils attribuent très largement à la médecine du travail des missions comme l’évaluation et la prévention des risques professionnels, le suivi des salariés exposés à des risques professionnels, ou encore la prévention de la consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail. Au final, si les salariés ont conscience des nombreuses actions portées par la médecine du travail, ils sont peu nombreux à appréhender l’exact périmètre de ses missions (4%). Près d’un sur deux (49%) juge ses connaissances de la médecine du travail mauvaises. Interrogés sur leurs connaissances, ils ne sont plus que 14 % à n'avoir que de bonnes réponses. Pour Enora Lanoe-Danel, il y a ainsi « une méconnaissance de la médecine du travail en France ».

Dans les faits, seuls 55 % des salariés disent avoir eu une visite d’information et de prévention (anciennement visite d’embauche), ce dans le délai légal des trois mois suivant la date d’embauche. Par la suite, ils sont 78% à ne pas avoir effectué de visite médicale non obligatoire et 36% à ne pas savoir comment contacter la médecine du travail. Si celle-ci est citée comme un interlocuteur privilégié par un salarié sur deux en cas de questions sur la santé au travail, les résultats « prouvent que le lien ne se fait pas en cas de difficulté, de situation d’addiction ou de harcèlement, par exemple », constate Enora Lanoe-Danel.

Suivi médical personnalisé et accompagnement des services RH

Trois quarts des entreprises ayant embauché au cours des 12 derniers mois estiment avoir effectué l’ensemble des visites d’information et de prévention nécessaires, et ce dans les trois mois après l’arrivée du salarié. Celles qui n’ont pas effectué la visite médicale en conformité évoquent plusieurs raisons : 86% des RH et dirigeants citent au moins un défaut de la part de la médecine du travail – cette dernière ne leur a pas proposé de rendez-vous dans les temps pour les salariés, les créneaux proposés n’étaient pas possibles à honorer pour les salariés ou encore ils n’ont pas réussi du tout à la joindre. 10% citent au moins une forme de méconnaissance des chefs d'entreprise, soit qu’ils n’étaient pas au courant de l’obligation concernant cette visite ou des délais légaux.

Pour les RH et les dirigeants, une médecine du travail efficace consisterait en un suivi médical personnalisé pour le salarié (58%), une visite médicale dans les 30 jours après l’arrivée d’un nouveau collaborateur (52%), un accompagnement des services RH ou du chef d’entreprise sur la santé de leurs salariés (37%), ou encore une présence plus fréquente d’un médecin du travail dans les locaux de leur entreprise (28%).

S’il y a à la fois un enjeu de connaissance, de pédagogie et d’organisation, in fine, Jean-Paul Thonier se réjouit du fait que « Les entreprises s’éloignent progressivement de la vision réductrice, voire punitive, qu’elles avaient de la santé au travail, longtemps vécue comme une contrainte réglementaire, telle qu’elle avait pu être véhiculée par la médecine du travail, pour intégrer la prévention des risques professionnels dans la sphère de la gestion des risques , aborder ces thématiques sous l’angle de Responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) » et « rejoindre la sphère de la performance, le bien-être au travail ».

*Questionnaire réalisé en juillet 2023, en ligne, auprès d’un échantillon de 1004 salariés et par téléphone, auprès d’un échantillon de 402 personnes chargées de la médecine du travail dans des entreprises de 10 salariés ou plus (DRH ou dirigeants).

Charlotte DE SAINTIGNON