Transport public : La Région Normandie et Transdev vont expérimenter le retrofit hydrogène

C'est une première mondiale. La Région Normandie et Transdev vont transformer un autocar roulant au diesel en autocar alimenté en hydrogène. Le prototype sera expérimenté avec des voyageurs en 2022 sur la ligne régionale Nomad Car express Evreux-Rouen.

Photo d'illustration Région Normandie
Photo d'illustration Région Normandie

Après l'expérimentation de trains roulant au colza sur la ligne Paris-Granville, une première nationale, la Région Normandie continue d'innover sur la plan de la mobilité. Avec Transdev, la Région va expérimenter un autocar "retrofité" à l'hydrogène.

Cette expérimentation est permise par un décret de mars 2020 relatif au rétrofit de véhicules thermiques. Concrètement, le moteur diesel de l'autocar va être remplacé par un moteur électrique à hydrogène via une pile à combustible. Cette transformation sera exécutée par l'entreprise IBF H2.

Illustration Région Normandie

C'est sur la ligne Evreux – Rouen que le premier car "retrofit" hydrogène circulera. « La ligne d'expérimentation est liée au choix du Siège 27 (syndicat de l’électricité et du gaz de l’Eure) qui dispose d'une borne de recharge hydrogène EAS-Hymob sur le Vieil Evreux pouvant aller jusqu'à 700 bars, évoque Sylvain Picard, directeur régional de Transdev Normandie. C'est le seul endroit en Normandie où le véhicule peut faire le plein. » Les voyageurs devraient pouvoir monter à bord d'un premier prototype en 2022, qui aura la même jauge de voyageurs qu'un car classique. Le véhicule transformé n'a pas été choisi par hasard non plus. Il s'agit d'un Iveco Crossway, « le véhicule le plus présent dans notre flotte mais aussi celle de nos concurrents », précise Sylvain Picard.

« Le retrofit rend l'hydrogène abordable »

L'hydrogène apparaît comme l’énergie de demain, notamment pour ses avantages sur le plan environnemental. Les véhicules alimentés en hydrogène n'émettent pas de CO2 (lire l'encadré ci-dessous) ni de polluants atmosphériques, mais uniquement de la vapeur d'eau. Contrairement à l'électrique, l'hydrogène permet une autonomie de 450 km par jour et une recharge assez rapide. « Nous utiliserons de l'hydrogène bleu pour cette expérimentation, du gaz craqué mais un craquage au cours duquel le CO2 est capté », précise Jean-Baptiste Gastinne, vice-président à la Région Normandie en charge des transports.

Mais, le principal inconvénient de cette énergie est son coût pouvant aller jusqu'à 6 000€/tonne pour l'hydrogène fabriqué à partir d'énergies renouvelables. Un car neuf roulant à l'hydrogène peut coûter jusqu'à 800 000 euros, un véhicule hors de portée pour les collectivités. C'est là que le retrofit apparaît comme la solution sur le plan économique. « Un autocar diesel coûte environ 200 000 euros et un autocar H2 "retrofité" est aux alentours de 350 000 euros », précise Fernand de Sousa, de la société IBF H2. « Ça rend l'hydrogène abordable et il n'y a pas plus développement durable que le retrofit », note Hervé Morin, président de la Région Normandie. 

Ce projet, intitulé "Nomad Car Hydrogène", est estimé à près d’1M€, financé par la Région Normandie à hauteur de 408 000 €, par Transdev avec 466 000 €, le Crédit Agricole Normandie Seine et Engie à hauteur de 100 000 €.

Un écosystème scientifique
au service de l'innovation

Le projet intègre de nombreux partenaires comme le Siège 27 ou encore le Crédit Agricole Normandie Seine, mais aussi un certain nombre d'acteurs scientifiques pour répondre à diverses problématiques au sujet de l'hydrogène.

Le CERTAM (Centre d'étude et de recherche technologique en aérothermique et moteurs) réalisera des mesures concernant l'émission de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques. L'INSA (Institut national des sciences appliquées) analysera les émissions de CO2 liée à la façon dont est produit l'hydrogène (noir, bleu, vert, jaune). « Selon la façon dont est fabriquée l'hydrogène, selon l'énergie qu'on utilise, on peut avoir des émissions de CO2 très faible mais aussi très forte, voire équivalente ou plus importante que ce que rejette le diesel », explique Frédéric Dionnet, directeur du CERTAM. Et d'ajouter : « De l'hydrogène fabriqué à partir de charbon peut être emetteur, de façon assez importante, de CO2. » L'hydrogène vert est la plus vertueuse puisqu'elle est fabriquée à partir d'énergie renouvelable, comme les éoliennes.

L'IDIT (Institut du droit international des transports) se chargera d'étudier le volet fiscalité et la partie réglementaire et juridique. « Les réglementations européennes sont complexes et en pleine évolution donc c'est indispensable d'avoir des juristes qui suivent cette réglementation », note le directeur du CERTAM. Les sociologues du Dôme vont lancer une étude pour estimer l'acceptabilité de l’utilisation de l'hydrogène dans le transport. « L'hydrogène a un historique important qui peut engendrer des réticences », constate-t-il. Le Campus des métiers et des qualifications interviendra dans la formation des conducteurs de bus. Par ailleurs, le conseil régional actuel a pour projet de mettre en place des formations pour les métiers de l'hydrogène sur le site universitaire du Madrillet, à Saint-Etienne-du-Rouvray et à Vernon, en partenariat avec le CNAM.