2023 : année du déménagement pour Waltersperger

À Blangy-sur-Bresle, les verreries-cristalleries Waltersperger, spécialisée notamment dans le flaconnage de luxe en petites et en moyennes séries en semi-automatique, devrait enfin investir son nouveau bâtiment à l’été. Une bonne nouvelle alors que son carnet de commandes est plein pour plusieurs mois.

Un travail minutieux. (Photo Isabelle Boidanghein)
Un travail minutieux. (Photo Isabelle Boidanghein)

 À Blangy-sur-Bresle, les verreries-cristalleries Waltersperger sont une institution. Fondées en 1916, elles étaient d’abord spécialisées dans les moules avant de devenir verreries-cristalleries après la Seconde Guerre mondiale. Depuis, son activité n’a pas changée. Elles fabriquent des flacons en petites et moyennes séries, d’une trentaine de pièces jusqu’à 20 000, en semi-automatique, ce qui les rend uniques en France et lui valent d’être labellisées "Entreprise du patrimoine vivant". Environ 300 000 sont produits ici chaque année. 10 % de l’activité est  consacrée aux bouteilles de spiritueux, cosmétiques, objets décoratifs… 

La seule verrerie fabriquant en semi automatique 

Chaque matin, de 5 heures à 13 heures, c’est un vrai ballet qui se met en place autour des fours. Le cueilleur va chercher le verre en fusion, surnommé la paraison, dans le four chauffé à 1 000 °C à l’aide d’une perche. Un ouvrier "presseur" coupe la paraison avec des des ciseaux. Elle tombe dans le moule ébaucheur. Un autre salarié vient se saisir de cette ébauche avec une pince. Il forme le verre qui est ensuite transféré dans le moule finisseur. Le moule est ouvert à la main au bout que quelques secondes laissant se libérer le flacon encore rouge. Très vite, il devient blanc et brillant tel du cristal. Si au cours de l’une des opérations, des défauts sont constatés. Le verre est mis au rebut. Déposés délicatement à plusieurs sur un présentoir, les flacons sont transportés à l’arche de recuisson avant de subir un tri - qualités physiques et esthétiques - à la sortie. Un contrôle dit fatidique est encore réalisé avant le départ des flacons. Très sensible à son empreinte carbone, Waltersperger refond jusqu’à 50 % du verre produit en interne.

L’entreprise a ouvert en 1916. (Photo Isabelle Boidanghein)

« C’est une fierté d’être à la tête d’une entreprise comme celle-là », confie Stéphanie Tourres, présidente des verreries-cristalleries Waltersperger. Elle et son époux ont repris l’entreprise en mars 2018 alors qu’elle était en dépôt de bilan : « La famille de mon mari était dans la verrerie sur Le Havre, raconte t-elle. Je suis toujours impressionnée par le savoir des ouvriers, leur capacité à s’adapter, la beauté du geste, la matière en fusion… C’est avant tout une aventure humaine. Je suis proche de mes collaborateurs. Je fonctionne comme à l’ancienne. J’aime leur montrer ce que devient les produits qu’ils fabriquent. »

« C’est une fierté de voir le résultat final »

Le bureau d’études, qui occupe un salarié, est un peu le "cerveau" de l’entreprise. C’est ici que sont réalisés en 3D les moules des futurs flacons d’exception. Après validation des clients, des moules sont réalisés chez des partenaires locaux privilégiés, connaissant bien les machines de l’entreprise : « Nous en devenons propriétaires avec les clients. Nous sommes dépositaires de ces moules, informe Stéphanie Tourres. Par exemple, nous avons réalisé un flacon géant de 1, 5 litre "L’Heure bleue" qui fête ses 110 ans pour Guerlain. Les 30 exemplaires recouverts de l'International Klein Blue (IKB) sont vendus 15 000 euros l’unité. C’est une fierté de voir le résultat final. Nous sommes flexibles au niveau design ce qui nous permet de répondre à des projets difficiles. Il y a trois ans, des salariés de Chanel sont venus fouiller dans nos moules afin de retrouver d’anciens moules du Numéro 5 et sortir un coffret avec plusieurs flacons de ce célèbre parfum. » 

Guerlain, Chanel, Dior, Gaultier, L'Oréal… La clientèle des verreries-cristalleries Waltersperger est prestigieuse. Des maisons moins réputées lui font aussi confiance pour offrir un superbe écrin à leurs nouvelles flagrances. Depuis la reprise par le couple, l’activité a augmenté de 25 %. Une ligne de production a été rajoutée, portant le total à 4 Les effectifs sont passés de 28 à 40 salariés : « Nous avons beaucoup de demandes et nous n’arrivons pas à suivre », précise t-elle. 

Le futur site de l’entreprise. (Photo Isabelle Boidanghein)

Des nouveaux locaux pour l’été 2023

Cet été, durant ses quatre semaines de fermeture, si tout va bien, l’entreprise, qui est hébergée dans un site enclavé en centre ville devenu vétuste et peu fonctionnel de 1 500 m2, commencera à investir ses nouveaux locaux en sortie de Blangy-sur-Bresle, sur la zone d’activités de la Gargatte en direction d’Eu, face de la caserne des pompiers : « Nous devions déjà avoir déménagé cet été mais avec les différentes pénuries notamment de matériaux, le chantier a pris du retard, poursuit-elle. Le nouveau bâtiment se développe sur 3 250 m2 dont 2 500 dédiés à la production. Un nouveau four plus grand sera construit in situ. Il nous permettra de tourner 24 heures sur 24. Nous allons continuer de moderniser le parc de machines. Deux nouvelles y seront installées. Le nouveau site nous permettra de répondre aux nouvelles exigences en terme de RSE. » 

Les sept fours et les machines seront transportés. Une partie de la collection de plus de 5 000 moules sera transférée. Le restant sera recyclé. Ce nouveau bâtiment représente un investissement total de 4, 5 millions d’euros pour la société qui réalisera environ 3 millions de chiffre d’affaires : « Nous avons pu compter sur les prêts du Crédit du Nord et de la BPI, informe t-elle. Nous avons reçu 130 000 euros d’aides de la communauté de communes interrégionale Aumale-Blangy-sur-Bresle, du département de la Seine-Maritime et de la région Normandie. Dans le cadre de France relance-Territoires d’avenir, nous avons obtenu 600 000 euros. Ce sont des aides bienvenues. » 

Seul bémol à cette belle histoire, l’augmentation des tarifs en gaz, énergie indispensable pour les fours qui tournent toute l’année comme pour les lignes de production. Ils pourraient être multipliés par trois à dix fois. L’entreprise espère bénéficier de "Pack Energie", un dispositif d’aides destinés aux entreprises et lancé par la région Normandie.