Entretien avec Georges Clerc, greffier associé au tribunal de commerce de Rouen

« Je n'avais jamais vu une baisse aussi significative des procédures collectives »

L'année 2021 a été exceptionnelle pour les entreprises à plusieurs niveaux : hausse des créations d'entreprises, hausse des radiations et baisse des procédures collectives. Décryptage du dernier bilan départemental du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce avec M. Georges Clerc, greffier associé au tribunal de commerce de Rouen. 

Photo d'illustration Adobe Stock
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Depuis 2018, le conseil national des greffiers de tribunaux de commerce réalise le bilan départemental et régional de l'économie du territoire à travers trois données : le nombre de créations d'entreprises, les radiations et l'ouverture de procédures collectives.

Qu'est-ce qui vous a marqué dans ce bilan départemental de l'année 2021 ?

« 2021 a été une année assez spectaculaire avec la hausse significative de créations d'entreprises et de radiations mais surtout, ce qui m'a le plus surpris, la baisse inédite du nombre d'ouvertures de procédures collectives, après une année 2020 déjà record. Je n'avais jamais vu ça de ces trente dernières années. Pour Rouen, nous sommes descendus à 177 ouvertures de procédures collectives alors que, lors d'année d'activité normale, nous nous situons entre 450 et 500 »

Parlons des créations d'entreprises, la Seine-Maritime enregistre 8 367 immatriculations, soit 30,9% de plus qu'en 2020, quelles sont-elles ?

« Ce sont massivement des entreprises individuelles, dans les secteurs du transport (+76%) comme les livreurs des plateformes type Deliveroo. Ce sont des personnes qui sont enregistrées comme micro-entrepreneur, car elles n'ont pas de statut de salarié, et pour lesquelles les activités et le chiffre d'affaires sont limités. On retrouve également les activités immobilières (+20,5%), dans lesquelles sont comptabilisées les SCI. À Rouen, nous avons enregistré un nombre record de création de SCI l'an dernier, qui est un statut à la portée de tous. Quant aux activités industrielles (+33,5%), on peut l'expliquer par une spécificité territoriale. La Seine-Maritime est un territoire qui est resté industrialisé avec un certain nombre de sous-traitants dans l'automobile et l'aéronautique par exemple ».

"Pour un certain nombre de chefs d'entreprises,
la radiation a été une porte de sortie honorable
"

En pleine reprise économique, on constate une envolée des radiations d'entreprises (+52,3%), comment peut-on l'expliquer ?

« Cela a été dit lors du bilan national et je partage cet avis : pour un certain nombre de chefs d'entreprises, la radiation a été une porte de sortie honorable, dans une période où l'Etat versait de nombreuses aides. Ces dernières ont pu permettre de payer les dettes et de cesser une activité, déjà à la limite, sans trop de casse. »

La baisse des procédures collectives peut-elle s'expliquer par la hausse des radiations ?

« C'est certain que ce que nous n'avons pas eu en procédures collectives a pu se traduire par des radiations. Mais cela s'explique aussi par les aides de l'Etat qui ont été maintenues durant l'année 2021, les délais de paiement des Prêts garantis par l'Etat reportés et l'Urssaf qui n'a pas totalement repris son activité d’assignation des débiteurs de charges sociales. »

"Le commerçant physique traditionnel que l'on a connu
il y a 20-30 ans n'existe quasiment plus"

Le commerce semble le secteur le plus touché à la fois par les radiations et les procédures collectives, est-ce le résultat de dispositifs peu efficaces sur ce secteur ? 

« Non, je ne pense pas que les aides aient été insuffisantes sauf pour des cas particuliers comme les entreprises très récentes. Mais, ce secteur a été le plus impacté par la crise avec les fermetures répétitives et durant de longues périodes, allant jusqu'à 8 mois lors du deuxième confinement. Le commerçant physique traditionnel que l'on a connu il y a 20-30 ans n'existe quasiment plus. Désormais, dans les commerces de proximité, les créateurs s'installent en SAS, SARL, plus en commerçants physiques. En chiffres, cela se traduit par 2 221 immatriculations commerçants physiques, dont 2 038 sous le statut de micro-entrepreneur, soit de toutes petites structures avec une activité très limitée.»

En 2022, attendez vous une reprise significative des ouvertures de procédure collective ?

« Vu comment cela part, nous n'aurons pas le niveau d'avant crise sanitaire. On devrait cependant retrouver un niveau supérieur à celui de 2020 (252) mais qui n'a rien d'un niveau normal. »