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Contrats Cloud : faut-il signer pour plusieurs années ?

Recourir à une solution Cloud est de plus en plus courant. Avec une concurrence de plus en plus vive, les fournisseurs de plateformes ou services en ligne proposent des rabais importants. A certaines conditions : s’engager pour au moins deux ou trois ans, voire cinq ans. Que faire ?

© Adobe Stock.
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Plusieurs études le confirment : le prix des services Cloud a beaucoup augmenté en 2022. Et la tendance ne s’inverse pas cette année. Pour obtenir des remises, les clients, quand ils peuvent négocier ou renégocier, doivent accepter de s’engager sur plusieurs années. Juridiquement, on parler alors de contrats pluriannuels. Et le client peut se sentir verrouillé. Est-ce la bonne voie ?

Ce genre de négociation peut faire penser aux offres de téléphonie mobile. En fait, non. Comme pour les offres de cybersécurité - antivirus, anti-malwares, etc. - les « cloud providers » proposent des réductions, non pas dès la première année, mais si vous vous engagez sur deux ou trois ans, au minimum. Pour un particulier ou une petite entreprise, il n’y a pas d’interlocuteur en ligne ou au téléphone ou rarement (il faut savoir patienter, rappeler et rappeler... Notez que c’est néanmoins possible, à partir d’un courriel, parfois). L’offre est souvent « à prendre ou à laisser »… avec prélèvement automatique.

Service peu complexe ou non ?

S’il s’agit d’un service peu complexe - par exemple un stockage des données (tableaux, textes, images, vidéos…) ou une sauvegarde de sécurité (back-up) sur un « drive » (cf. iCloud chez Apple ou des équivalents chez Google, Microsoft, Dropbox, Box, pCloud…). Il peut également s’agir d’accéder à une seule application en ligne. Dans ces cas-là, la décision est relativement simple à prendre. Car si au bout d’une année, vous voulez changer de fournisseur, il faut s’assurer de bien récupérer toutes vos données… sans qu’il en coûte.

En revanche, s’il s’agit d’applications plus lourdes - ensemble d’applications bureautiques, gestion commerciale, comptabilité ou plateforme de développement informatique (Python, Java, Ruby, etc) sur Amazon AWS, Google Cloud Platform, Microsoft Azure, OVHcloud (France), Salesforce, etc. - mieux vaut se préparer à négocier, en ayant une bonne vision de ce que l’on souhaite à deux ou trois ans, sans oublier un point important : les conditions de sortie.

L’expertise « FinOps »

Si le contrat pèse lourd financièrement et si le volume des données traitées et placées sur le Cloud est important (plusieurs centaines de gigas voire 1 péta-octet et plus), il faut alors recourir à une expertise dite « FinOps » (finance et operations). Certes, les connaissances peuvent s’acquérir en interne, après formation, certification chez les fournisseurs ou auprès de spécialistes. Mais il peut être préférable de faire appel, ponctuellement, à un prestataire spécialisé, un intégrateur, etc. qui connaisse les arcanes des contrats - souvent léonins et peu lisibles. Il doit savoir ce qui est négociable. Car les opérateurs de Cloud peuvent être plus flexibles qu’on ne croit. Leurs offres commerciales, très diversifiées, sont vite complexes. Elles peuvent inclure des rabais très importants pour un laps de temps, à certaines époques de l’année, à l’occasion de l’ouverture d’un nouveau centre d’hébergement, etc. Pour pouvoir jongler avec toutes ces clauses négociables, mieux vaut avoir un minimum d’expertise. Il s’agit de comprendre les modalités de facturation et de contrôler, expliquer les écarts a posteriori. Car après six mois ou un an de montée en charge à l’échelle (scalability), la facture peut enfler, voire exploser, sans qu’on l’ait vu venir. Ce peut être l’occasion de faire le ménage sur le nombre de licences effectivement utilisées, sur le nombre de machines virtuelles (VM) activées, etc.

Renégociations et conditions de « réversibilité »

Un contrat Cloud pluriannuel permet de budgéter sans risquer de dérives financières : paiement forfaitaire par mois ou par trimestre, licence et maintenance à l’année, etc.

En principe, on peut obtenir des niveaux de services plus élevés (SLA, service level agreement), avec des performances garanties (disponibilité du service, temps de réponse…) et une meilleure réactivité en cas d’incidents.

En contrepartie, il faut donc accepter un certain « verrouillage » par le fournisseur. Autre retombée négative possible : passer à côté d’innovations ou solutions de dernière génération (cf. l’IA). Cela doit rester négociable. D’où l’importance de bien « ficeler » le contrat juridiquement, jusqu’à la clause de sortie dite de « réversibilité » : comment récupérer ses données et à quel prix - surtout si l’on veut dénoncer le contrat avant échéance (pas recommandé). La clause de sortie de contrat est donc primordiale.

Pierre MANGIN