Conjoncture

En 2023, les défaillances et créations d’entreprise ont renoué avec leurs niveaux habituels

Le mouvement initié en 2022 s’est poursuivi l’an dernier avec une forte augmentation du nombre d’entreprises en difficulté et un ralentissement des créations, jusqu’à retrouver des niveaux proches de ceux d’avant la pandémie.

(© Adobe Stock)
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C’est la fin de la parenthèse Covid pour l’économie française. Les grandes tendances du Baromètre national des entreprises 2023 réalisé par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) et l’institut d’études Xerfi montrent, en effet, que les défaillances d’entreprise ont fortement augmenté en 2023 par rapport à 2022, du fait de l’arrêt des dispositifs d’aide gouvernementaux et d’une conjoncture économique moins favorable. Cette dernière se traduit également par une baisse des créations d’entreprises par rapport aux années Covid.

Nette hausse des défaillances d’entreprises

Sur le terrain des défaillances d’entreprise, « il aura fallu deux ans pour revenir à des niveaux d’avant Covid », période au cours de laquelle « l’économie française a été mise sous perfusion », a résumé Laurent Frelat, vice-président de Xerfi Spécific, lors de la présentation à la presse des grandes tendances du Baromètre sur les onze premiers mois de l’année 2023. Soit « un retour à la normale », amorcé en 2022, avec une nette augmentation des ouvertures de procédures collectives (+35% par rapport à 2022), liée à l’arrêt des mesures d’aide et « aux répercussions des crises actuelles – énergie, matières premières, inflation… – qui contribuent à fragiliser les entreprises ».

La hausse de la sinistralité des entreprises concerne tous les secteurs, mais certains sont plus durement touchés. C’est le cas de l’hébergement et de la restauration (+44 %), de l’information et de la communication (+43 %), la construction (+38 %) et des activités immobilières (+35%). À noter, « la situation très particulière des secteurs de l’immobilier et du bâtiment » du fait du contexte actuel, « avec des risques de faillites qui vont rester très élevés en 2024 ». Pour la construction, « le pire est devant nous », en raison du recul des mises en chantier et des permis de construire sur la construction neuve. Toutes les régions françaises sont touchées par cette hausse du nombre d’entreprises en difficulté, mais elle est particulièrement forte à la Réunion (+48,3%), la Martinique (+55,3%) et La Corse (+57,4%).

Baisse du nombre des radiations

Le Baromètre fait état, à l’inverse, d’un net recul du nombre des radiations d’entreprises en 2023 par rapport à 2022 (-19 %), après deux années de forte augmentation. « Les radiations sont retombées quasiment au niveau d’avant-Covid », a précisé l’analyste économique, en pointant « le changement d’attitude des chefs d’entreprise, qui prennent plus souvent les devants en demandant une radiation volontaire ». 55 % des radiations étaient volontaires en 2023, et les radiations d’office ou faisant suite à une procédure collective ont fortement reculé.

Le recul des radiations a été observé dans tous les secteurs, mais la plus forte baisse a été enregistrée dans le transport et l’entreposage, qui avait été très impacté durant la pandémie. A noter que 40 % des radiations recensées sur les 11 premiers mois de l’année 2023 concernent de jeunes entreprises créées depuis 2020, et notamment les activités de livraison, de vente en ligne et de restauration rapide, témoignant d’une forme de « dégonflement » de la bulle des créations liées à la crise Covid.

Repli de la création d’entreprise par rapport aux années Covid

Le Baromètre fait également apparaître un ralentissement des créations d’entreprise sur les 11 premiers mois de 2023 (-5 % par rapport à 2022), après plusieurs années de hausse. « Un tassement des créations d’entreprises » qui traduit « la fin de la bulle des créations d’entreprises liées à des opportunités nées pendant la pandémie », aussi l’impact négatif de la conjoncture « morose » sur les nouveaux projets entrepreneuriaux. Le recul des créations touche particulièrement les secteurs de l’immobilier (-26 %) et de l’enseignement, la santé et l’action sociale (-15 %).

« La dynamique régionale confirme cette année le renforcement de l’Ile-de-France », avec 29% du total des créations d’entreprises, alors que certaines régions, telles que l’Occitanie, la Bretagne et les Pays de la Loire, ont connu une plus forte baisse du nombre d’immatriculations d’entreprises.

Ce repli des créations d’entreprise est toutefois « à nuancer » puisque leur nombre total est supérieur au niveau pré-Covid, et ce, en dépit du ralentissement de l’économie à l’échelle mondiale et de la pression inflationniste qui a un impact sur le pouvoir d’achat et la consommation. « Malgré ce tableau en demi-teinte, la dynamique entrepreneuriale résiste. »

Pas assez de recours aux dispositifs de prévention des difficultés

Quelque 80 % des procédures collectives ouvertes aboutissent à une liquidation judiciaire, un chiffre en augmentation de 31 % par rapport à 2022. Et « 50% des procédures ouvertes partent en liquidation directe », regrette Sophie Heurley, greffière associée au tribunal de commerce de Narbonne, en charge des statistiques du Conseil national. « On pourrait trouver d’autres solutions de prévention », a-t-elle ajouté, en appelant les professionnels à « être vigilants » et les chefs d’entreprise à « ne pas faire l’autruche ». Des regrets que partage le vice-président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, Victor Geneste. « Les sauvegardes sont peu utilisées », « on a un potentiel énorme » sur ce terrain, a-t-il relevé, avant d’interpeller les entrepreneurs : « anticipez les difficultés, venez nous voir ! »

Miren LARTIGUE