Eté olympique : un vivier d’emplois non pourvus

Plusieurs secteurs économiques peinent encore à recruter du personnel dans la perspective des Jeux olympiques de Paris. Dans la restauration, le turn-over reste élevé, tandis que la sécurité ne parvient pas à convaincre les candidats à l’embauche.

Eté olympique : un vivier d’emplois non pourvus

« Rejoignez l’équipe ! ». L’annonce s’affiche au beau milieu du site Internet de France Travail, l’établissement public chargé de l’emploi. Sous une image représentant des mains qui semblent se préparer à attraper un ballon, l’annonce vante « 3 000 missions de sécurité à prévoir pour les JOP », les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, et promet aux étudiants « une formation gratuite et accélérée ». Accélérée, on ne saurait dire mieux. Car, à moins de deux mois de l’événement, dont les différentes séquences vont durer au total plus d’un mois et demi, les secteurs concernés n’ont pas encore fait le plein. Kyu associés, un cabinet de conseil en management, a publié le 23 mai, son deuxième « baromètre de l’emploi », basé sur les offres publiées et sur les estimations des structures spécialisées.

Alors que « les besoins en recrutement sont estimés à 95 000 emplois », le consultant a étudié l’état des forces dans six secteurs d’activité : la restauration, la sécurité privée, le transport de voyageurs, la propreté et la gestion des déchets, le spectacle vivant et l’audiovisuel, et enfin, le transport de marchandises. Plusieurs secteurs semblent prêts. Ainsi, les entreprises du nettoyage affichaient, début 2024, des recrutements « en hausse de 115% » par rapport à l’année dernière. Certes, observe le cabinet de conseil, les éboueurs parisiens se sont mis en grève une journée, le 14 mai, mais « le mouvement a pris fin le lendemain », grâce à une négociation. Le spectacle vivant et l’audiovisuel ne semblent pas non plus en difficulté. Kyu associés constate « un rebond des offres d’emploi publiées en ce début d’année », notamment porté « par les principaux sites de compétition », en région parisienne, comme ailleurs.

Les opérateurs de transport public ont, eux aussi, « anticipé les besoins en emploi plusieurs mois avant le début des JOP ». En conséquence, les objectifs de recrutements fixés « semblent être atteints ». La SNCF a ainsi recruté 4 900 personnes dans toute la France, dont 1 350 pour l’Ile-de-France. Mais le défi, pour les transporteurs, consistera à conserver leurs employés après la période estivale. Depuis la pandémie, le secteur peine à recruter.

La logistique, moins connue que la mobilité des personnes, nécessite de nombreux employés, qui doivent être formés et connaître le terrain. Le « baromètre » constate « des recrutements en hausse de 113% », entre décembre 2023 et avril 2024, preuve d’une intense préparation. Mais Audrey Ferreira, manager chez Kyu associés, s’interroge sur « les complications logistiques en Ile-de-France », qui pourraient nécessiter de nouvelles embauches.

La situation est également mitigée dans le secteur de la restauration, qui demeure, de loin, le principal pourvoyeur d’emplois au moment des Jeux. L’offre est en forte hausse, mais les professionnels se heurtent à « d’importantes difficultés de recrutement ». Le diagnostic est connu : ces métiers se caractérisent « par des conditions de travail contraignantes, de fortes contraintes horaires et de faibles niveaux de rémunération », rappelle Kyu associés.

Le risque du « no-show »

Enfin, un secteur semble durablement à la peine, celui de la sécurité privée. « Malgré la formation de 20 000 personnes, la mobilisation des agents de sécurité reste le sujet de préoccupation majeur du Comité d’organisation de Paris 2024 », rappellent les spécialistes. Selon eux, « entre 8 000 et 9 000 personnes manqueraient à l’appel ». Le secteur connaît des « difficultés structurelles ». Ainsi, « 71% des 8 000 entreprises ne comptent aucun salarié » et reposent donc sur leur seul fondateur. Ces employeurs potentiels, souvent autoentrepreneurs, « dépendent du secteur événementiel et ne disposent pas de la visibilité nécessaire pour accroître et fidéliser leurs effectifs ». Enfin, plus encore que d’autres secteurs, la sécurité privée se caractérise par un taux élevé de « no-show », qui désigne, dans le jargon, ces salariés absents le jour J alors qu’ils s’étaient engagés à travailler. Le gouvernement évoque désormais ouvertement la possibilité de faire appel à des policiers et gendarmes pour la période olympique.

Au total, depuis janvier, pas moins de 137 000 offres d’emploi ont été publiées pour les six secteurs confondus. Il s’agit pour l’essentiel de contrats à durée indéterminée, malgré la nature éphémère de la fête olympique. Le « baromètre » constate même une régression des propositions de contrats à durée déterminée, de 22% fin 2023 à 15% début 2024.

Si 21% des emplois des secteurs affectés par les Jeux sont proposés en Ile-de-France, Kyu associés observe que l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine en offrent respectivement 13% et 11%. Entre la fin 2023 et le début de cette année, le nombre d’offres a logiquement progressé en Ile-de-France (+13%), où se déroule la majorité des épreuves, mais aussi à Lyon (+17%) ou Lille (+7%), qui accueilleront des compétitions de football ou de basket et handball, à Marseille (+10%) où se joueront les épreuves de voile et à Châteauroux (+9%), capitale du tir olympique.