Logement

Fiscalité du logement : les préconisations de la Cour des comptes

Le Conseil des prélèvements obligatoires a émis plusieurs recommandations en matière de fiscalité du logement pour améliorer la « cohérence » de l’ensemble des impositions et des dispositifs d’aide financière et d’incitations fiscales.

(© Adobe Stock)
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Dans son dernier rapport consacré à la fiscalité du logement, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) – institution adossée à la Cour des comptes – émet plusieurs préconisations visant à mieux répondre aux nouveaux défis auxquels le marché immobilier est confronté. À commencer par les enjeux environnementaux, et en particulier la rénovation énergétique et la lutte contre l’artificialisation des sols, qui « donnent la priorité à la mobilisation du parc existant, en rupture avec les dispositifs existants tournés principalement vers la construction neuve », a expliqué le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, lors de la présentation du rapport à la presse, en décembre 2023. Second grand défi : la concentration du patrimoine immobilier chez les ménages les plus aisés et dans le centre des grandes aires urbaines, qui « pose la question des effets de la fiscalité du logement sur la répartition des patrimoines ».

Une réforme d’ampleur, progressive, en maintenant le niveau des prélèvements obligatoires

Pour répondre à ces enjeux, le rapport du CPO propose « une révision de la structure de la fiscalité du logement, en maintenant globalement inchangé le niveau des prélèvements obligatoires, compte tenu de la situation des finances publiques, qui rend compliqué de le baisser, et du consentement à l’impôt, qui rend difficile de l’augmenter », a poursuivi Pierre Moscovici. Il ne s’agit donc pas de réponses de court terme aux difficultés rencontrées par le marché immobilier, même si « ces recommandations permettraient de rendre le marché immobilier plus résilient à l’avenir face aux variations conjoncturelles ». Ce que le CPO préconise c’est « une réforme d’ampleur qui ne peut être que progressive » et qui implique « de neutraliser complètement ses effets sur les finances publiques locales et de lisser dans le temps ses conséquences pour les ménages ».

Réviser l’assiette de la taxe foncière et généraliser la taxe sur les logements vacants

La première réforme préconisée consiste à renforcer l’équité devant l’impôt foncier et faisant en sorte que la fiscalité du logement reflète mieux la valeur économique des biens. Faute de mise à jour, l’assiette de la taxe foncière est devenue obsolète (les coefficients de calcul datent de 1970) et tend à sous-évaluer la valeur réelle de l’immobilier dans les communes les plus favorisées, au détriment des propriétaires les moins aisés. Le CPO recommande donc de revoir la méthodologie de calcul de l’assiette de la taxe foncière, pour qu’elle soit plus en phase avec la valeur locative et la valeur vénale des logements. Une proposition qui a déjà été formulée et repoussée à plusieurs reprises « du fait de difficultés techniques et de forts enjeux redistributifs », selon la Cour des comptes, qui pense que cette réforme « devrait néanmoins intervenir en 2028 », « ce qui laisse le temps de réfléchir sur la méthodologie de cette révision ». Le CPO propose également de généraliser la taxe sur les logements vacants, sauf pour les territoires en déficit.

Ne pas prolonger le dispositif Pinel et orienter le PTZ vers l’ancien

Le rapport relève aussi que les dispositifs d’incitations fiscales sont rarement un bon outil pour répondre aux difficultés auxquelles est confronté le marché immobilier. Des dépenses fiscales « qui devraient être bornées dans le temps et systématiquement évaluées », a pointé le président de la Cour des comptes. « Nous avons une tendance fâcheuse dans ce pays à créer des dépenses fiscales à horizon indéfini et dont on ne regarde jamais l’efficacité. »

Pour mieux répondre aux enjeux en termes d’accès à la propriété et en matière environnementale, le CPO recommande de ne pas prolonger le dispositif Pinel (incitations fiscales à l’investissement locatif), de mobiliser la taxe sur la plus-value de cession des terrains nus rendus constructibles et la taxe sur les logements vacants pour limiter l’artificialisation des sols, et d’orienter le prêt à taux zéro (PTZ) vers l’acquisition et la rénovation dans l’ancien, dans les zones tendues.

TVA à 10% pour les travaux de rénovation dans l’ancien

Dans le prolongement de son précédent rapport, le CPO estime que les taux réduits de TVA ne sont pas les outils les plus efficients pour la rénovation énergétique, cela ne permettant pas de cibler les logements énergivores et les travaux les plus performants. C’est pourquoi, il préconise d’appliquer le taux intermédiaire de TVA de 10% (au lieu de 5,5%) pour les travaux de rénovation dans l’ancien, et de favoriser les aides financières directes (MaPrimeRénov’), jugées plus efficaces, pour les ménages qui en ont le plus besoin.

Réduire les DMTO et remplacer les abattements pour durées de détention par un barème

Autre proposition, déjà formulée par le CPO : taxer davantage la détention – la rente immobilière – que l’acquisition d’un logement. Le rapport préconise donc de diminuer les droits de mutation sur l’acquisition d’un bien immobilier (DMTO), qui ont un effet négatif sur les transactions, la mobilité résidentielle et l’accès à la propriété, et de compenser progressivement cette baisse par une hausse de la taxe foncière et une compensation intégrale pour les départements (qui perçoivent les DMTO). Et si le CPO ne recommande pas de revenir sur l’exonération des plus-values de cession de la résidence principale, il considère que les abattements pour durées de détention incitent à la rétention immobilière ou foncière, et il propose de les remplacer par un barème prenant en compte l’érosion monétaire et, éventuellement, les travaux de rénovation réalisés par le propriétaire.

Supprimer la distinction entre meublé et non meublé, entre professionnel et non professionnel

Enfin, une dernière recommandation porte sur l’imposition des revenus issus de la location. « Le régime actuel est d’une très grande complexité » et, « au sein des locations meublées, les locations non professionnelles bénéficient, en dessous d’un certain seuil de chiffre d’affaires, d’un régime particulièrement avantageux, qui se cumule avec des possibilités d’amortissements et de déductions des charges ». La loi de Finances pour 2024 prévoit déjà de modifier le régime applicable aux meublés de tourisme en modifiant les seuils permettant de bénéficier du régime microfoncier et en réduisant l’abattement dont ils bénéficient (hormis dans des zones non tendues). Le CPO propose d’aller plus loin en supprimant progressivement la distinction entre location meublée et non meublée, ainsi que celle entre location meublée professionnelle et non professionnelle. Un régime microfoncier pourrait alors s’appliquer en deçà d’un seuil de chiffre d’affaires, dans tous les cas, et le niveau des abattements être réduits à 30 ou 40%.

Miren LARTIGUE

La fiscalité du logement en chiffres

On dénombrait plus de 38 millions de logements en France en 2022 et la dépense courante des agents économiques pour le logement s’élevait à environ 581 milliards d’euros, soit 22% du PIB. L’activité de ce secteur est donc déterminante pour l’ensemble de l’économie. La fiscalité du logement représentait 92 milliards d’euros en 2022, prélevés tout au long du cycle de vie du logement, de sa construction à sa cession.

Les collectivités locales sont bénéficiaires de près de la moitié des impôts et taxes sur le logement : les départements perçoivent les droits de mutation à titre onéreux et les communes la taxe foncière, la taxe sur les résidences secondaires et celle sur les logements vacants (communes en zones tendues). En parallèle, les nombreux dispositifs d’aides et d’incitations fiscales – il en existait 70 en 2022 – représentent une perte de recettes de presque 15 milliards d’euros pour l’État et les collectivités territoriales.