Série été. Portraits de femmes entrepreneuses (1/6)

Françoise Bourdon, fondatrice des crèches Liberty : une entrepreneuse en avance sur son temps

Cet été, nous faisons la rencontre de femmes entrepreneuses. Aujourd'hui, Françoise Bourdon nous raconte son parcours, de la création des crèches Liberty dans les années 1970 jusqu'à son engagement associatif.

En 2015, Françoise Bourdon (avec le bouquet de fleurs) fêtait les 40 ans des crèches Liberty. (Photo DR)
En 2015, Françoise Bourdon (avec le bouquet de fleurs) fêtait les 40 ans des crèches Liberty. (Photo DR)

Françoise Bourdon fait partie de ces personnes en avance sur leur temps. Avec la volonté de devenir indépendante dans les années 70, à l'époque où le droit des femmes connaît des évolutions majeures, la jeune maman de trois enfants décide de trouver la solution à son problème : la garde d'enfants. « À l'époque, il n'y avait aucun lieu où je pouvais confier mes enfants pour leur plaisir. Il n'y avait pas la notion de crèche pour les personnes qui travaillent ou pour des raisons d'épanouissement de l'enfant. » À l'écoute cette société qui change, la jeune femme de 28 ans et son amie britannique Jane Fitte créent Liberty. Avec ce nom, c'est tout un concept qui naît : accueillir les enfants dans de jolis lieux et leur permettre un éveil artistique et culturel, avec une véritable relation de confiance avec les familles.

Les deux amies ouvrent le premier établissement Liberty, rue aux Ours à Rouen en 1975. Et, le succès est immédiat du côté des familles. « Le jour même de l'ouverture, une première personne passait la porte, se souvient Françoise Bourdon. On nous disait "mais c'est exactement ce que l'on cherche". » Désormais, Françoise Bourdon est à la tête d'un réseau de 20 crèches, dont 18 sont des crèches interentreprises, toutes en Seine-Maritime.  « On a un projet pédagogique qui implique des formations, une concertation et de la proximité. Si on fait un établissement ailleurs, ce n'est pas pareil », précise-t-elle. Deux nouveaux établissements devraient voir le jour au 1er janvier 2023, un à Fondeville-Saint-Pierre et un à Duclair.

De l'engagement et de la reconnaissance

Mais, cette idée novatrice ne fait pas mouche dans les instances administratives. Liberty connaît des difficultés financières durant plusieurs années. « Je suis allée voir un journal à Paris, Enfants Magazine, et il y a eu un article dithyrambique de quatre pages, après ça a été l'avalanche de coups de fil », rit-elle. L'association est agréée par la Caf, reçoit des fonds de la Fondation de France, du ministère de la Santé... Aujourd'hui, 35 000 enfants ont été accueillis au sein des établissements Liberty. « On a eu les enfants des premiers, maintenant on a même les petits-enfants », sourit-elle.

Engagée sur ce sujet qui la touche, elle amène les problématiques de la petite enfance dans les plus hautes instances. Pendant de nombreuses années, Françoise Bourdon participe à des commissions nationales sur la petite enfance. « On avait l'impression de faire bouger les choses », se félicite-t-elle. Et d'ajouter : « On continue d'amener ce sujet [...] Je n'arrête pas de râler, j'ai fait des lettres, interpellé les députés sur des problématiques autour de la petite enfance », indique-t-elle évoquant la recherche de profit de certaines structures au détriment du bien-être des enfants. Et, dans le même temps, « nous avons eu beaucoup de reconnaissance », estime-t-elle, évoquant une lettre de félicitations de Brigitte Macron récemment reçue.  En 2021, elle reçoit l'Ordre national du mérite pour son action économique.

Etre utile aux autres

« Ma vie professionnelle et ma vie sociale sont assez liées », résume la présidente du réseau de crèches. Le fil conducteur : être utile aux autres. Au delà de la petite enfance, Françoise Bourdon s'engage dans la vie économique. Dans les années 80, elle est vice-présidente de la Jeune chambre économique et représente la structure à l'international, à l'Unesco. « J'ai participé à de formidables manifestations : l'organisation de l'année internationale de la jeunesse, un congrès sur le désarmement nucléaire à Hiroshima ou encore la ratification de la charte des droits de l'enfant par les Etats membres de l'ONU », énumère-t-elle. 

Et la liste de ses engagements ne s'arrête pas là. Françoise Bourdon a également été présidente d'un club d'entreprises Association Progrès Management (APM). Son goût pour l'architecture, qu'elle partageait avec son époux architecte, l'a conduit à devenir vice-présidente de la Maison de l'architecture. Elle fait partie de la Biennale de la langue française et part aux quatre coins du monde animer des conférences. « Je n'aurais pas pu tenir si longtemps en étant enfermée dans la gestion de crèches », souffle-t-elle. 

Ces "pas de côté", comme elle aime les appeler, lui ont permis de faire tout ce qu'elle a voulu faire, sans regret et avec le soutien sans faille de sa famille. « J'ai eu des opportunités aux Nations Unies, mais j'ai fait le choix de refuser car je ne voulais pas faire déménager ma famille et c'est un milieu particulier », déclare-t-elle. Et d'ajouter : « J'ai beaucoup travaillé mais je me suis fais plaisir. C'est de la richesse humaine, de la connaissance, de la prise de conscience... »

La seule corde qu'il manque à l'arc de Françoise Bourdon : la politique. « J'aurais pu mais je n'ai pas voulu, j'aime faire des choses concrètes », lance-t-elle. Et c'est sur le terrain que la présidente des crèches Liberty agit. Elle prépare actuellement un nouveau livre à destination des enfants de Madagascar, en partenariat avec une professeure des universités de Rouen, qu'elle doit présenter cet été.