Histoires d'Amérique

Dans la sélection de la semaine, deux romans situés aux Etats-Unis – le premier à New York, le second dans l'Amérique profonde –, et un polar jubilatoire.

New York au coeur du roman de Madeleine Assas, Le Doorman. © Tierney
New York au coeur du roman de Madeleine Assas, Le Doorman. © Tierney

Le Doorman

Premier roman de la comédienne Madeleine Assas, Le Doorman suit les pas de Raymond, immigré qui débarque à New York en 1965 à l'âge de 30 ans, devenu portier au 10 Park Avenue, l’une des adresses cossues de l’Upper East Side à Manhattan. Le récit entremêle les souvenirs de son enfance à Oran, les déambulations dans Big Apple, parfois en compagnie de Salah Waahli, précieuse guide dans cette jungle urbaine, et la fréquentation des résidents de l'immeuble – dont Hannah Belamitz, sa bienfaitrice, qui lui a permis d'occuper un studio exigu au 22e étage – qu'il écoute avec discrétion, empathie et intégrité. Au fil de quatre décennies, Ray assiste ainsi à la métamorphose d'une cité – tel Times Square, quartier rongé par la pauvreté et temple du sexe tarifé dans les années 1970 – qui ne cesse de se réinventer pour le meilleur mais aussi parfois pour le pire. Un roman délicat et mélancolique dont les deux personnages principaux, Raymond et New York, sont ici inextricablement liés, esquissant les contours d'une émouvante trajectoire intime enracinée dans une ville ouverte sur le monde.

Le Doorman de Madeleine Assas (Editions Actes Sud).

Les femmes n’ont pas d’histoire

Ce roman d'une beauté âpre se déroule au cœur de la Rust Belt, région désolée des Appalaches. Soit l'histoire familiale de Wren, la narratrice, dont le père, Briard, est un prêcheur charismatique. Avec Ruby, son épouse, et sa fille adolescente Wren, sur qui il veille jalousement, il a choisi de vivre dans les montagnes dans une modeste cabane. Ruby peut compter sur son amie Ivy, mariée et mère de quatre enfants, qui a choisi de vivre auprès d'elle dans un mobil-home loin de la petite ville de Trap. Leur vie austère s'écoule sur plusieurs années jusqu'au jour où Ivy se brûle gravement. Mais le père de Wren, connu pour ses dons de guérison, la sauve de ses brûlures avant qu'elle ne tombe gravement malade. Un événement qui va bouleverser le destin de Wren... Dans un pays d'hommes déchus gangrené par les secrets inavouables, les femmes sont réduites au silence, soumises malgré elles à un patriarcat rongé par l'alcool, la drogue et la religion. Cependant Wren, dans une quête féministe tumultueuse mais bouleversante, va s'émanciper du joug paternel pour prendre en mains son destin. Loin de tout manichéisme, Amy Jo Burns signe une œuvre inaugurale d'une puissance dramatique rare.

Les femmes n’ont pas d’histoire d'Amy Jo Burns (Editions Sonatine – Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Héloïse Esquié).

Huit crimes parfaits

Ce polar jubilatoire s'ouvre avec la visite inattendue de Gwen Mulvey, agent du FBI, à Malcolm Kershaw, libraire spécialisé en roman policier. La première enquête sur deux affaires étranges : une série de meurtres qui rappelle un roman d’Agatha Christie, et un «accident» qui fait écho au légendaire Assurance sur la mort de James M. Cain. Gwen espère ainsi que l’avis d’un spécialiste du genre lui permettra de déchiffrer les quelques indices récoltés. En outre, elle apprend que Malcolm, quinze ans plus tôt, a publié sur son blog une liste intitulée «Huit crimes parfaits», où figuraient ces deux intrigues. Serait-il possible qu’un tueur s’en inspire aujourd’hui ? Brillant hommage aux grands maîtres du suspense, ce thriller ludique ponctué de références chemine avec virtuosité sur la crête d'un suspense truffé de rebondissements jusqu'au «whodunit» final. Découvert avec l'excellent thriller psychologique Vis-à-vis, Peter Swanson confirme sa place dans le paysage du roman policier anglo-saxon.

Huit crimes parfaits de Peter Swanson (Editions Gallmeister - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christophe Cuq).