L’autocar cherche son conducteur

La Fédération des transports par autocar peine toujours à recruter des conducteurs. Le secteur s’inquiète aussi des normes environnementales qu’il juge trop strictes. Même si, par définition, un car plein pollue moins que trente voitures individuelles.

Chaque jour, en France, 392 « cars Macron » prennent la route ( ici, à Lyon)
Chaque jour, en France, 392 « cars Macron » prennent la route ( ici, à Lyon)

Comment s’est passé votre dernier voyage en autocar ? Avez-vous pu dormir, lire, travailler ? Et comment qualifieriez-vous l’ambiance dans l’habitacle ? Ces questions, la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), qui rassemble les autocaristes, aurait pu les poser au millier d’adhérents et partenaires participant à son congrès annuel, à Paris, le 15 novembre dernier. Car le voyage en car, qui se distingue du bus de ville par des trajets longs, souvent interurbains, dans des véhicules comprenant seulement des places assises, correspond à une diversité de situations.

La fédération y place à la fois les transports scolaires, les lignes interurbaines régionales qui remplacent, ou non, des trains régionaux, les voyages culturels ou linguistiques, les départs en vacances en groupe, les services nationaux ou internationaux privés, surnommés « cars Macron » ou encore le transport « à la demande », desservant les communes éloignées et qu’il faut réserver la veille. Le secteur compte, selon la FNTV, 2 050 entreprises employant au total près de 100 000 salariés, et s’appuie sur plus de 66 000 autocars.

Chaque jour, en France, 392 « cars Macron » prennent la route, pour un trajet moyen, par voyageur, de 299 kilomètres. Les trois liaisons les plus fréquentées sont Lille-Paris, Paris-Rouen et Grenoble-Lyon, toutes trois très bien desservies par le train. Le chiffre d’affaires total annuel du secteur dépasse les 11 milliards d’euros. Les expériences vécues peuvent être contrastées, de l’ambiance survoltée, que garantissent les supporters dans l’habitacle avant un match à l’atmosphère pesante, à un car régional presque vide, dans lequel le chauffeur impose sa radio préférée aux passagers.

Le secteur a répertorié, à l’occasion de son congrès, plusieurs motifs d’inquiétude. Le recrutement des conducteurs, qui constituent 83% de l’emploi du secteur, continue à préoccuper sérieusement les employeurs. 79% des entreprises « rencontrent des difficultés à recruter des conducteurs », souligne Ingrid Mareschal, déléguée générale de l’organisation. La FNTV a consacré une demi-journée de débats à « l’attractivité des métiers », s’interrogeant sur « ce que veulent les jeunes » et sur la manière de « se réinventer pour séduire de nouveaux profils ». Les transporteurs sont parfois confrontés à des obstacles administratifs, et à des délais dans la délivrance des documents de conduite aux nouveaux titulaires du permis. Clément Beaune, dans un discours d’une vingtaine de minutes, reconnaît, face aux congressistes, « des procédures complexes et longues » et promet « un guichet unique ». La simplification des normes apparaît, d’après ce qu’en dit le ministre des Transports, à la fois absolument indispensable et immensément compliquée.

Les cars roulent au diesel

Les autocaristes s’interrogent également sur le sens de la transition écologique. Pour certains professionnels, cette préoccupation semble se résumer à la motorisation des véhicules et aux contraintes des zones à faibles émissions (ZFE), chargées de protéger les grandes agglomérations contre la pollution atmosphérique. Les entreprises sont régulièrement soumises à de nouvelles normes de motorisation, toujours plus propres que les précédentes, et ont le sentiment de devoir remplacer des véhicules qui n’ont pas beaucoup servi. Cette impression est toutefois démentie par les statistiques délivrées par la fédération elle-même : 98% du parc de véhicules circule encore au diesel, un carburant qui alimente même 86% des cars tout neufs, immatriculés en 2022, contre 14% pour le gaz naturel pour véhicules (GNV). Les motorisations alternatives peinent à s’imposer.

L’augmentation des prix du gaz, notamment depuis le début de la guerre en Ukraine, pèse sur la transition, au point que professionnels réclament « un soutien de l’Etat ». Pour Jean-Sébastien Barrault, président de la société Bardhum, installée dans le Val d’Oise, et de la FNTV, « tout miser sur l’hydrogène et l’électrique serait une erreur ».

Face à ces réticences, Clément Beaune commence par rappeler que « les transport lourds comptent pour un quart des émissions de CO2 du secteur du transport », qui constitue lui- même un tiers des émissions en France. Même s’il se dit favorable à « l’électrification des flottes », il estime que la date fixée par la Commission européenne, 2030, est « trop proche ».

La profession s’inquiète aussi de la matérialisation des ZFE. Les autocaristes craignent de se voir interdire l’accès aux périmètres définis autour des métropoles. Le risque semble toutefois mineur. Des 43 agglomérations initialement concernées dès 2025, il n’en reste plus que cinq, après un assouplissement des conditions et des calendriers décidé par le gouvernement, en juillet.

Mais l’autocar présente un autre atout : « il remplace 30 voitures individuelles », rappelle la FNTV, et contribue donc mathématiquement à la transition écologique. Cela ne vaut toutefois que si le car est plein. Pour attirer les passagers, rien ne vaut un voyage confortable et silencieux. L’ambiance qui règne dans l’habitacle n’est finalement pas si anecdotique.