L’Élysée tente de transformer des PME en ETI

Emmanuel Macron, a lancé le dispositif ETIncelles destiné à lever les « freins administratifs » qui entravent la croissance des PME à fort potentiel. Pour le cabinet d'études Asteres, mieux vaudrait lever les freins de toutes les entreprises en simplifiant l'administration.

(c) Adobe Stock
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Après les guides de haute montagne, les guides de la haute administration ? Le 21 novembre, le président de la République a lancé le dispositif ETIncelles destiné à lever les « freins administratifs » qui entravent la croissance des PME. « Tout le temps passé sur l'administratif, c'est du temps qu'on vous fait perdre », a déclaré Emmanuel Macron devant une centaine de chefs d'entreprises invités à l’Élysée, rapporte l'AFP le jour même.

Le dispositif s'adresse aux PME qui présentent un fort potentiel de croissance. Il leur propose un accompagnement personnalisé et un interlocuteur unique, interface entre eux et les différentes administrations, afin de lever les obstacles en leur sein. Quelque 45 correspondants dans l'administration et les pouvoirs publics ont été mobilisés à cette fin. La durée de l'accompagnement est prévu sur une période de 12 à 18 mois. Au total, le plan ambitionne d'accompagner 500 entreprises d'ici à 2027. Il a déjà bénéficié à à 50 PME lors d'une phase pilote, et cinquante autres ont été sélectionnées.

Lors de la première étape, la démarche a permis de lever plusieurs types de freins auprès de différentes administrations, signale l’Élysée. Par exemple, une entreprise avait signalé sa volonté de participer à quatre salons professionnels à l'étranger, dans le domaine de l’industrie minière. Elle a été rapprochée des conseillers nationaux et régionaux de Business France pour évaluer les possibilités d’accompagnement sur ces quatre événements. Autre cas, celui d'une société qui souhaitait obtenir une meilleure visibilité sur le calendrier de recouvrement de son crédit impôt recherche (CIR) sur la période 2019 à 2022. Elle a bénéficié d’un accompagnement rapproché des services de la Direction départementale des Finances Publiques (DDFiP) pour accélérer l'étude du dossier, et par conséquent le versement du CIR.

Une démarche « louable » mais paradoxale

Le constat à la base du dispositif ETIncelles n'est pas nouveau : la France compte 5 600 ETI contre environ12 000 en Allemagne. Or, ces entreprises, qui emploient entre 250 et 4999 salariés ou réalisent un chiffre d'affaires d'au moins 50 millions d'euros sont très génératrices d'emplois sur le territoire, elles investissement beaucoup en R & D, et sont particulièrement exportatrices (33% de leur chiffre d'affaires à l'export, contre 12% pour les PME). Leur rôle d'entraînement dans l'économie est donc important.

Mais si les objectifs d’ETIncelles sont « louables », selon une note du cabinet d'études Asterès, publiée le 21 novembre, la démarche elle-même laisse septique les analystes. Tout d'abord, « ses résultats risquent d’être décevants.(...) . Accompagner 500 PME ne suffira pas à atteindre l’objectif fixé de faire naître en France autant d’ETI que dans les autres pays européens », explique Sylvain Bersinger, économiste, dans le document. En effet, même suivant un scénario extrêmement optimiste qui verrait la totalité des PME accompagnées dans le cadre du programme devenir des ETI, sur l'ensemble du quinquennat, leur nombre passerait à 6 300, un chiffre encore nettement inférieur aux autres grands pays européens.

Et surtout, souligne l'étude, « il semble paradoxal d’avoir identifié un frein à la croissance des entreprises (la lourdeur bureaucratique) et de ne chercher à le lever que pour un nombre réduit de PME (…). Le dispositif semble à ce niveau manquer d’ambition en ne s’attaquant pas à une difficulté récurrente à laquelle font face les entreprises de toute taille. Un « choc de simplification » général, comme l’a annoncé Bruno le Maire semble préférable à des mesures ciblées ».