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L’IA appliquée à la bureautique : atouts et limites des assistants virtuels

Qu’apporte réellement l’IA (intelligence artificielle) à des tâches bureautiques ? A quel prix et pour quel investissement en temps passé ? Eléments de réponse autour d’un test de l’offre Copilot Pro de Microsoft.

(© Adobe Stock)
(© Adobe Stock)

Adopter l’Intelligence artificielle pour des tâches bureautiques revient aujourd’hui à s’approprier un assistant virtuel qui génère automatiquement des textes, construit des tableaux et suggère des formules dans un tableur (Excel), crée des présentations (PowerPoint). Il peut également faciliter l’utilisation des e-mails, accélérer la rédaction de rapports financiers (BI ou ‘business Intelligence’).

L’offre Copilot de Microsoft permet de s’en faire une idée assez précise en cernant les limites actuelles. C’est une sorte de ‘chatbot’ ou assistant virtuel reposant sur le moteur d’IA générative ChatGPT 3.5 d’OpenAI (generative pre-trained transformer) puis ChatGPT 4 (sur Android et iPhone). Introduit début 2023 sous le nom Bing Chat (comme extension d’Edge), il continue de se perfectionner avec GPT-4 Turbo, puis GPT-4o. Il se greffe à la suite bureautique Microsoft 365 (Word, Excel, PowerPoint, Outlook, Teams, Power BI…). Dans 50 langues, il peut combiner les grands modèles de langage (LLM) avec des données qu’on lui fournit, complétant ainsi celles délivrées notamment par GitHub (univers Open source) sur lesquelles il a été pré-entraîné. Il répond donc à des ‘prompts’ (requêtes) de manière contextuelle et conversationnelle.

Pour intégrer Copilot Pro dans la suite bureautique Microsoft 365 (ex- Office 365), il suffit de… payer 22 euros par mois, le premier mois de test étant gratuit. Ou 99 euros par an, jusqu’à six utilisateurs pour Word, Excel, PowerPoint et OneNote ainsi qu’une capacité de stockage de 1 To par personne (sur OneDrive). Dès la licence obtenue, une icône « Copilot » vient s’ajouter à droite dans le menu « Accueil » de vos applications ‘Office’.

Génération automatique de texte

Dans Word, nous avons tenté ce ‘prompt’ : « Comment bien utiliser Copilot professionnellement ? ». En 20 secondes, on obtient la rédaction d’un guide d’utilisation, plutôt clair, de 1 100 mots. Il apporte des suggestions. Ainsi, la fonction « Modifier », permet de demander des précisions, de développer ou expliciter un paragraphe ou, à l’inverse, de résumer à la longueur souhaitée (nombre de mots) - ce qu’il fait toujours, par défaut, dans un paragraphe de conclusion. SI vous rédigez une partie, l’IA rectifiera l’orthographe et la syntaxe, et s’adaptera à votre écriture ; il fera des suggestions en fonction de votre ajout de « contexte ». On est donc au-delà des fonctions de rédaction assistée comme Writesonic ou Jasper. Ici, le ‘prompt’ peut être très long - jusqu’à un paragraphe.

Pour affiner le résultat, il est souvent opportun d’inverser la requête (‘reverse prompting’) en demandant de poser des questions à partir d’un paragraphe de contexte bien ciblé.

L’IA sait être autocritique et modeste. A notre ‘prompt’ suivant : « Quelles sont, en toute franchise, les limites et erreurs possible de Copilot dans Word », il répond en quatre points : « Oui, l’outil a ses limites et peut faire des erreurs (…) ; 1- il peut parfois mal interpréter le contexte ou le sujet, ce qui peut entraîner des suggestions inappropriées ou hors sujet ; 2- des erreurs factuelles: informations inexactes ou obsolètes, en particulier dans des domaines en constante évolution ; 3 - style et ton : il peut parfois ne pas correspondre exactement au style et au ton souhaités, en particulier dans des situations complexes ou nuancées ; 4 - originalité : il peut parfois générer du contenu qui manque d'originalité ou qui ressemble à du contenu existant ». Et de conclure : « Il est important de garder à l'esprit que Copilot est un outil conçu pour aider les utilisateurs dans leur processus d'écriture, mais il ne remplace pas le jugement humain et la relecture attentive ». Rien à ajouter, nous voici prévenus.

Un même contenu peut être rendu très formel ou familier voire chaleureux, lyrique ou incisif. Il peut transformer du texte en tableau, il peut aider pour le choix de style de mise en page et de mise en forme, y compris en intégrant des images, des tableaux. Le contenu proposé est souvent pertinent ; cela peut permettre de dégrossir le travail, de gagner du temps, a priori - si on maîtrise suffisamment bien la rédaction des ‘prompts’. La fonction « Inspire moi », permet de compléter une première ébauche en générant les paragraphes suivants. Les résumés ou synthèses sont généralement clairs et équilibrés, même lorsque la matière est complexe. Mais dans un cas sur dix, il faut s’attendre à des erreurs, à des contresens ou incohérences. Une vérification s’impose toujours.

Copilot Pro n’est pas très armé, pas encore, pour contrer un argument, débloquer un problème ou déceler une contradiction ou construire un plan stratégique… En revanche, il est capable de signaler des points faibles ou contre-arguments que l’on peut ignorer. L’intérêt des résumés est de pouvoir demander à l’IA de consulter des pages et des pages, afin de sélectionner l’essentiel, de choisir un angle, sans être obliger de tout lire, même en diagonale.

Pour créer et insérer des illustrations graphiques ou images de toutes pièces, Copilot Pro donne accès au nouveau service d’IA de Microsoft Copilot Designer (jusqu’à 15 images par semaine, en version gratuite et 100 en version payante) et au générateur d’images DALL-E 3 d’OpenAI.

Améliorer ses présentations PowerPoint

Copilot Pro permet de créer très vite des présentations à partir de modèles de ‘diapos’ existants, avec du vrai contenu. Par itération (affinement des ‘prompts’), on peut améliorer une présentation existante pour la rendre attrayante et pertinente. L’IA propose des visuels symboliques (libres de droits). Elle sait résumer les contenus, extraire les points clés et les structurer de façon cohérente. A noter qu’elle fonctionne aussi sur smartphone. Il n’est pas encore possible de convertir automatiquement un document externe (texte, pdf…) en une présentation.

Dans Excel, les prémices…

Dans le tableur Excel, Copilot Pro n’existe qu’en « pré-version », donc encore peu exploitable même s’il est désormais en français. Les fonctions sont encore limitées. Il fonctionne essentiellement comme assistant virtuel sur des feuilles de calcul ; une aide pour créer automatiquement des macro-commandes et des graphiques. Il met en exergue certaines données et peut aider à la création de formules complexes (moyenne, écart type) ; il peut suggérer des tableaux croisés dynamiques, générer des graphiques de façon automatique.

Sur les emails et la ‘BI’ de Microsoft

Jusqu’ici, Copilot Pro ne peut être « greffé » que sur des messageries Microsoft (@hotmail, @outlook, @msn, @live). Il peut résumer divers emails reçus de plusieurs boites email. Il peut chaîner des séries d’emails avec les divers contacts concernés et en faire une synthèse. Il aide à créer des brouillons ou à reformuler des courriels pour les améliorer.

Comme Gmail, il propose des réponses automatiques. La fonction « coach » évalue vos brouillons et propose des corrections et améliorations. Le lien avec l’agenda est prévu.

Copilot Pro peut également se greffer à l’application de reporting ou ‘business intelligence’ Power BI Pro de Microsoft : possibilité de créer des rapports et des tableaux de bord (‘dash boards’) plus pertinents, plus explicites.

Améliorer la productivité

En résumé, nous avons là, avec Copilot Pro une IA sous forme d’assistant virtuel, effectivement capable d’améliorer la productivité, la créativité, les connaissances, notamment dans le traitement de texte Word. A condition d’être vigilant sur les vérifications. Elle est encore loin d’être aboutie. Du reste, Chat GPT-4o s’annonce prometteur. Rien n’empêche de suivre la concurrence : chez Meta, Google (Gemini 1.5), Mistral AI ou encore Anthropic (Claude 3)… L’enjeu actuel, dit AGI (Artificial general intelligence), vise à perfectionner le traitement du langage naturel conversationnel – à améliorer encore l’écoute et la compréhension, notamment à l’oral (mode vocal).

Pierre MANGIN