L’agriculture seinomarine paye cher le prix de Lubrizol


Crédit : BeDe pour Aletheia Press. 
« En Seine-Maritime, 112 communes sont concernées par l’arrêté préfectoral de restriction sanitaire. »
Crédit : BeDe pour Aletheia Press. « En Seine-Maritime, 112 communes sont concernées par l’arrêté préfectoral de restriction sanitaire. »

Image de marque abîmée, risque de pénurie de fourrages… Outre les restrictions de vente, les agriculteurs de la zone survolée par le nuage pourraient payer longtemps le prix de la catastrophe.

Toute la presse s’en est fait l’écho : l’agriculture sur le plateau nord-est de Rouen est depuis l’incendie de l’usine Lubrizol placée en quarantaine. Et si les restrictions de vente, qui ont notamment conduit certains éleveurs à jeter leur lait, sont particulièrement médiatisées, elles ne sont que la face visible de l’iceberg. L’impact sur l’agriculture locale pourrait en effet être beaucoup plus lourd. Ainsi, les producteurs qui pratiquent la vente directe voient leur image de marque fortement impactée. Au point que beaucoup, bien que très sollicités, ne souhaitent plus répondre aux questions des journalistes. « Voir notre marque ou notre nom associé à ce problème impacte directement nos ventes, explique ainsi un éleveur bio. Même les produits que nous avons sortis avant la catastrophe ne se vendent plus. »

Voulant rassurer, certains magasins de la métropole ont ainsi annoncé avoir retiré les produits provenant de la zone, sans distinction de la date de production, ni même parfois de la réalité des restrictions sanitaires. « Notre image de marque est directement et durablement impactée ! » Ceux qui sont en bio,  voient leur image santé et nature grandement écornée. Et la crainte de perdre l’agrément plane… Sur les marchés ou dans les Amap, les consommateurs multiplient les questions, assurent les producteurs de leur soutien… mais freinent leurs achats. « Une cliente m’a pris des tomates parce qu’elles sont produites sous serres, mais a préféré aller acheter ses poireaux au supermarché », constate, amer, un maraîcher.

Un statut de victime pour les exploitants agricoles.

Chez les éleveurs, aussi la crainte dépasse largement le court terme. Si les maïs, qui étaient en court de récolte, devaient ne pas être utilisables pour l’alimentation des vaches, l’année à venir pourraient être difficile à surmonter. La sécheresse est passée par là, deux ans de suite… « Nos maïs sont prêts. Si on ne les récolte pas dans la semaine qui vient, ils sont foutus, s’inquiète un éleveur du pays de Bray. Déjà qu’il n’y a pas beaucoup de foin… »  Certains font donc le choix de récolter malgré tout… Le dernier arrêté préfectoral du 2 octobre les y  autorise, à condition de stocker à part la récolte, et de ne pas l’utiliser ou la commercialiser avant que les restrictions sanitaires aient été levées.

Ces mesures de consignation, ne choquent personne dans le monde agricole. La manière dont elles sont mises en œuvre, en revanche, agace profondément. Victimes, comme tous les habitants du territoire, les agriculteurs refusent d’être mis sur le banc des accusés. Aussi, par la voix de la Chambre d’Agriculture et de la FNSEA, ils poussent à ce que les prélèvements réalisés sur les produits végétaux et animaux dans la zone concernée soient analysés le plus vite possible. Et ils attendent que les aides annoncées soient aussi rapidement mobilisées.

Benoit Delabre