Le bruit, un fléau mal combattu

Le bruit coûte 156 milliards d'euros par an à la société, d'après une étude présentée par le Conseil national du Bruit. La pollution sonore est encore insuffisamment combattue. Enjeu majeur : la réduire à la source, en baissant la vitesse sur une voie de circulation, par exemple.

Photo d'illustration
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Qui ne se sent pas concerné par le problème du bruit ? Nuisance au quotidien, celui-ci représente aussi un coût social exorbitant : 156 milliards d'euros par an. Telle est la conclusion d'une étude présentée par l'Ademe, l'Agence de la Transition écologique et le Conseil national du Bruit, lors d'une conférence de presse en ligne, le 22 juillet dernier.

Mais que recouvre cette notion de « coût social » du bruit ? L'étude distingue deux types de coûts chiffrables. Les premiers, marchands, correspondent à des dépenses directement quantifiables. Ils peuvent être liés à la santé (hospitalisation, accidents) ou non (dépréciation d'un actif immobilier...). Les seconds, non marchands, relèvent d'une estimation : les chercheurs ont valorisé les années de vie en bonne santé perdues et la mortalité prématurée du fait du bruit. Cette seconde catégorie concentre l'essentiel du coût social du bruit (86%). Par ailleurs, d'après l'OMS, Organisation mondiale de la Santé, le bruit représente le deuxième facteur environnemental provoquant le plus de dommages sanitaires en Europe, derrière la pollution atmosphérique : environ 20% de la population européenne (soit plus de 100 millions de personnes) se trouve ainsi exposée de manière chronique à des niveaux de bruit préjudiciables à la santé humaine. En France, d'après l'étude du Conseil national du Bruit , le bruit provient principalement de trois sources : le voisinage, le milieu du travail, et surtout, les transports. Ces derniers représentent 68,4% du coût évalué (dont plus de la moitié lié aux routes). Le coût lié au voisinage est estimé à 26,3 milliards d'euros par an, soit près de 17% du total. En cause : les bruits émis par les particuliers, mais aussi celui des chantiers voisins...Et enfin, le coût social en milieu du travail est estimé à 21 milliards d'euros par an (13,5% du total).

Des politiques publiques encore limitées

L'Agence de la Transition écologique développe des initiatives pour lutter contre le fléau. A la base, ce dernier est souvent associé à d'autres problèmes, à commencer par une mauvaise isolation thermique, par exemple. A ce titre, l'Ademe s'efforce de promouvoir des actions efficaces contre plusieurs maux, dans son accompagnement des entreprises et des collectivités, dans leur démarche de décarbonation. « Nous cherchons des ‘co-bénéfices’ », précise Johan Ransquin, directeur Adaptation, Aménagement et Trajectoire bas carbone à l’Ademe.

Par ailleurs, il est possible de mener des opérations pour limiter l'impact des bruits existants, par exemple en réalisant la rénovation acoustique d'une façade. Toutefois, « l'un des grands enjeux réside dans le fait de réduire le bruit à la source », explique Johan Ransquin. Il s'agira alors de baisser la vitesse de déplacement sur une voie de circulation, plutôt que d'édifier un mur acoustique... Pour l'Ademe, les solutions pour réduire le bruit existent, et elles ne sont pas nécessairement complexes. Y compris dans le bâtiment, où la question dépendrait plus de l'organisation des chantiers que de l'équipement. « La décision de mise en œuvre de ces mesures est d'ordre politique et sociétal », pointe Johan Ransquin.

Depuis, 2019, la loi d'Orientation des mobilités (LOM) reconnaît à chacun le droit de vivre dans un environnement sonore sain. Le texte a aussi imposé la notion de « pollution sonore ». Mais d'après René Gamba, consultant acoustique et développement durable, membre du Conseil national du Bruit, ce droit demeure largement « théorique ». Pour le faire respecter, les citoyens doivent affronter un véritable « dédale » de procédures. « Il y a une responsabilité politique de réengagement dans ce domaine » conclut René Gamba. En matière de nuisances sonores, « le chemin à parcourir reste long », reconnaît Laurianne Rossi, présidente du Conseil national du Bruit et députée des Hauts-de-Seine (LREM). Laquelle regrette que le plan France Relance ait mis l'accent sur la rénovation thermique, sans inclure la problématique de l'acoustique.

Des radars sonores pour les deux-roues

Une expérimentation a lieu dans plusieurs villes, pour enregistrer les nuisances sonores émanant des deux-roues motorisés dont le niveau de décibels émis dépasse celui autorisé. Premiers visés, les deux-roues dont le pot d'échappement a été débridé... Un radar spécial, équipé d'une caméra, a été mis au point. A terme, le dispositif devrait être étendu au niveau national, et les motards trop bruyants, verbalisés.