Les demandes de redressement en augmentation au tribunal de commerce de Dieppe

Si l'activité judiciaire en 2022 est encore en-deça des procédures avant Covid, le président du tribunal de commerce de Dieppe, Jacques Flutre, constate une augmentation régulière des demandes de redressement depuis septembre 2022. 

L'audience solennelle du tribunal de commerce de Dieppe a eu lieu vendredi 27 janvier. (Photo Gazette Normandie)
L'audience solennelle du tribunal de commerce de Dieppe a eu lieu vendredi 27 janvier. (Photo Gazette Normandie)

En 2022, l'activité judiciaire du tribunal de commerce de Dieppe n'a pas retrouvé son niveau d'avant crise. Les jugements de contentieux sont passés de 49 en 2021 à 58 en 2022. Le nombre d’immatriculations reste stable à 1 120 en 2022 contre 1 106 en 2021. 

Les injonctions de payer en augmentation

"Pour les procédures collectives, nous avons ouvert 3 sauvegardes, 21 redressements judiciaires, 46 liquidations", énumère Jacques Flutre, le président du tribunal de commerce à l'occasion de l'audience solennelle. Il alerte notamment sur l'augmentation des demandes de redressement depuis septembre 2022. "Pendant ce mois de janvier, à chaque audience c’est 6 à 8 ouvertures de procédure que nous avons effectuées", alerte-t-il. La fin d'année 2022 a également été marquée par l'augmentation des injonctions de payer, qui sont passées de 152 en 2021 à 270 en 2022. 

"Les affaires que nous avons eu à traiter concernent en général de petits commerçants, des artisans, qui, ayant des difficultés de trésorerie, demandent souvent une liquidation directe", note Jacques Flutre. Le président du tribunal de commerce de Dieppe a également cité deux liquidations qui a concerné un nombre important de salariés, dont Sival à Eu qui employait une soixantaine de personnes. "Je voudrais saluer l’implication des représentants de l’état et des politiques pour avoir essayé de trouver des solutions à sa sauvegarde, mais l’entreprise était très malade et le travail acharné de l’administrateur judiciaire pour trouver un repreneur n’a pu aboutir", rappelle Jacques Flutre.

Anticiper les difficultés

Quant aux prévisions pour 2023, elles ne sont pas "optimistes". L’avalanche de déclarations de cessation des paiements attendue n’a pas eu lieu, notamment grâce aux aides de l'Etat. Mais, les récentes hausses de l’énergie et des matières premières font craindre le pire pour cette année. Le président du tribunal de commerce a notamment cité comme exemple les entreprises du bâtiment. "Leurs clients ont signé des devis avec des prix de matériaux d’avant l’inflation, si ces devis ne peuvent être renégociés, le travail se fera à perte", s'inquiète-t-il. Et d'ajouter : "Nous avons un afflux d’injonctions de payer dont certaines proviennent des caisses de retraite ou des caisses de congé du bâtiment. Ceci est le reflet des difficultés que certaines entreprises ont à payer leurs charges et leurs fournisseurs."

Alors pour anticiper une affluence d’ouvertures de procédures, l'une des réponses est la prévention selon Jacques Flutre. "Lorsque la trésorerie ne permet plus de payer les fournisseurs ou les caisses d’assurances maladies, un mandat ad hoc ou une conciliation peuvent permettre d’étaler la dette, et ce, en totale confidentialité", rappelle-t-il. Et d'ajouter : "Dans 70% des cas, lorsque ces procédures sont mises en place, les entreprises s’en sortent." Ce chiffre tombe à 30% pour les entreprises allant jusqu'au redressement judiciaire. 

"Une année judiciaire 2023 intense"

À l'instar des présidents des tribunaux de commerce de Rouen et du Havre, Jacques Flutre a également fait état des changements à venir pour les tribunaux de commerce, annoncés par le ministre de la Justice le 5 janvier dernier. Après avoir abordé l'expérimentation des tribunaux d'activités économiques (TAE), le président du tribunal de commerce du Havre a déclaré : "Ces grands changements qui vont se faire selon un calendrier pas encore connu, vont bouleverser certaines de nos pratiques, mais nous les appliquerons comme nous avons toujours su le faire lors des diverses transformations qui nous ont été imposées au fil de ces dernières décennies." Avec également la mise en place du guichet unique des entreprises et le nouveau statut d'entrepreneur individuel, "ces perspectives promettent une année judiciaire 2023 intense".

En chiffres 

- Les jugements de contentieux sont passés de 49 en 2021 à 58 en 2022.

- Le nombre d’immatriculations au registre du commerce et des sociétés reste stable à 1 120 en 2022 contre 1 106 en 2021.

- Le nombre d'ouvertures de procédures collectives (sauvegardes, redressements judiciaires, liquidations judiciaires) est de 78 en 2022 contre 48 en 2021.

- Les injonctions de payer sont en hausse, passant de 152 en 2021 à 270 en 2022.