Retraites : les dépenses du système maîtrisées !

Selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), les dépenses du système de retraite seraient maîtrisées jusqu’à l’horizon 2070, malgré le vieillissement démographique…

(c) Adobe Stock
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Depuis 2014, le Conseil d’orientation des retraites (COR) produit un rapport annuel sur les perspectives du système de retraite. Pour ce faire, il analyse l’évolution de la part des dépenses de retraite dans le PIB et publie quatre scénarios économiques en fonction de la productivité du travail, en tenant compte, par ailleurs, des prévisions économiques élaborées dans le cadre du Programme de Stabilité 2022-2027, des comptes nationaux et du scénario démographique central publiés par l’Insee.

Dans un régime par répartition, les cotisations versées par les actifs sont, en effet, utilisées pour payer les pensions des retraités de la même année. Il en découle qu’à taux de cotisation inchangé, les ressources d’un tel système de retraite évoluent avec le PIB, d’où l’importance des hypothèses de croissance. Hélas, celles retenues par le gouvernement pour ses prévisions de dépenses publiques sur le quinquennat semblent tellement optimistes, que même le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a jugé important de s’en alarmer.

Les perspectives du système de retraite

En 2021, les dépenses du système de retraite équivalaient à 13,8 % du PIB. Selon le COR, cette part resterait stable jusqu’en 2027, quel que soit le scénario retenu. C’est entre 2027 et 2032 que ce ratio augmenterait fortement, en raison d’un recul du PIB. Et encore, cette hausse ne serait pas insupportable pour les finances publiques, puisque même dans le scénario défavorable (productivité du travail à 0,7 %), le ratio serait de 14,7 %. Mais à bien y réfléchir, ce fort recul du PIB anticipé sur cinq années consécutives semble extrêmement curieux. L’explication tient au fait que le COR est contraint de fonder son analyse sur l’hypothèse gouvernementale d’un taux de chômage à 5 % en 2027, alors même que tout le reste du rapport – c’est-à-dire après 2032 - est bâti sur un taux plus vraisemblable à 7 %. Il est alors nécessaire de simuler artificiellement une contraction du PIB entre 2027 et 2032 : « Il s’agit là d’un artefact lié à la méthode de projection : rien ne permet bien sûr d’anticiper que la conjoncture économique sera particulièrement déprimée sur la période 2027-2032 ». Dès lors, quel crédit peut-on accorder à la hausse du ratio sur cette période ?

Sur la période suivante, entre 2032 et 2070, la valeur des dépenses de retraite en pourcentage du PIB serait contenue, et ce, malgré le vieillissement de la population française ! Mieux, elle serait même en baisse dans les trois premiers scénarios (12,1 %, 12,8 % et 13,7 %) et resterait quasiment stable dans le scénario le plus défavorable (14,7 %). Une conclusion contre-intuitive et à rebours des propos alarmants tenus par certains décideurs économiques et politiques. C’est qu’en fait le rapport défavorable entre retraités et cotisants sera compensé par l’évolution de deux autres facteurs. D’une part, l’âge de départ à la retraite va augmenter, sous l’effet des réformes passées de la retraite. D’autre part, le niveau de vie relatif des retraités par rapport à l’ensemble de la population va diminuer, du fait notamment de l’absence d’indexation sur le niveau des salaires. En 2070, le niveau de vie des retraités relativement à l’ensemble de la population serait ainsi compris entre 75,5 % et 87,2 %, contre 101,5 % en 2019.

Faut-il réformer le système ?

Le COR, en sa qualité d’instance indépendante et pluraliste d’expertise et de concertation, n’a évidemment pas pour rôle de faire des préconisations d’ordre politique, ce qu’il rappelle clairement dans son 9e rapport de 2022 : « il ne revient pas au COR de se positionner sur le choix du dimensionnement du système de retraite. Selon les préférences politiques, il est parfaitement légitime de défendre que ces niveaux sont trop ou pas assez élevés, et qu’il faut ou non mettre en œuvre une réforme du système de retraite ».

Or, si en 2021, le système de retraite affichait un excédent de près de 900 millions d’euros, le COR prévoit un système déficitaire en moyenne sur les 25 prochaines années. Les dépenses de retraites, qui représentent près de 25 % des dépenses publiques, augmenteraient donc de 1,8 % en volume, d’où la nécessité, selon le gouvernement, d’une énième réforme des retraites pour équilibrer le système. Faut-il cependant rappeler que l’on dispose d’outils éprouvés (légère baisse des prestations versées, légère hausse des cotisations prélevées, endettement temporaire, report de l’âge de départ) pour gérer un déficit du système des retraites ? Alors, pourquoi se concentrer sur un levier plutôt que les autres ? À moins que le véritable but de la réforme soit plutôt de réduire — de manière plus ou moins avouée — la croissance des dépenses publiques, qu’Emmanuel Macron a pour ambition de limiter à 0,6 % en volume sur le quinquennat.

Quoi qu’il en soit, le COR précise bien que « les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ».