Les salariés à l’épreuve de la crise et du travail à distance

A travers son programme d’assistance aux employés, le cabinet Stimulus, spécialisé en santé psychologique au travail et politiques de qualité de vie au travail constate une forte augmentation du nombre d’appels sur ses lignes d’écoute et de soutien psychologique.

Photo d'illustration
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64%. C’est l’augmentation du nombre d’appels sur les lignes d’écoute et de soutien psychologique de son programme Stimulus Care Services , en 2020, par rapport à l’année précédente ( soit 37 000). « Une augmentation jamais vue auparavant » constate Emmanuel Charlot, directeur général de Stimulus France. Passé la phase d’inertie des deux premières semaines après l’annonce du premier confinement, où les salariés ont d’abord jonglé entre surprise et sidération, le cabinet a enregistré un pic d’appels, concentré entre avril et juin avec 13 000 entretiens réalisés (vs. 5 632 en 2019, sur la même période), soit une augmentation de 130 %.

Les autres pays européens semblent avoir connu des dynamiques similaires puisque la ligne a enregistré une augmentation de 109 % des appels en Italie et de 117 % en Espagne, où est aussi présente l’entreprise. Parmi les principaux risques psychosociaux liés au télétravail à temps plein, un sentiment d’isolement, des difficultés à couper entre vie privée et vie professionnelle, des tensions entre les équipes… Les maux sont divers et variés.

De la peur de la maladie aux troubles liés au confinement

Au départ, « les appels de détresse étaient essentiellement liés à la crise sanitaire. Ainsi, lors du premier confinement, les salariés ont principalement fait part de leur anxiété face au virus et de leur sentiment d’isolement en télétravail. Une fois l’effet de surprise passé, les entreprises ont pu adapter leurs modes de travail pour permettre une meilleure communication, ce qui a permis d’anticiper le choc du deuxième confinement. Cela se ressent sur l’augmentation du nombre d’appels, en novembre 2020 (+39 % comparé à 2019), là où le pourcentage d’augmentation sur le mois d’avril a été de 149 % », résume Emmanuel Charlot. Les principales thématiques abordées étaient le confinement (32 %), le télétravail (27 %), la peur de la maladie (22 %) et le déconfinement (19 %).

À travers les verbatims recueillis lors des appels téléphoniques, des situations de grande anxiété se découvrent, cristallisées autour des peurs liées à la pandémie, aux mesures qui en découlent et à leurs conséquences sur le long terme : « Je dois reprendre mon travail à la crèche et j’ai peur d’être exposée au virus de la Covid 19 à travers des enfants que nous accueillons. J’ai surtout peur de contaminer mes proches ». Ces anxiétés peuvent être classées en quatre grandes catégories. La première, la peur de la maladie, les risques de contamination et les incertitudes concernant la dangerosité du virus, l’angoisse de la mort ou de la perte d’un proche. Deuxième catégorie, les troubles liés au confinement : inquiétude pour ses proches, notamment les plus âgés, sentiment de privation de liberté, isolement, tensions et agressivité liées à la promiscuité exacerbée.

Incertitudes sur le plan professionnel et crainte de l’avenir

Les appels traduisent aussi les craintes liée cette fois aux incertitudes sur le plan professionnel avec des managers impuissants et sans ressources pour faire face à ce type de situation : anxiété vis-à-vis de la sécurité sanitaire au travail, ressenti d’un manque de soutien de la part de l’employeur, sentiment que le confinement est mal géré par l’entreprise, isolement pesant, poids de la solitude liée au télétravail, peur de la perte de son emploi.

Dernière catégorie : la crainte de l’avenir, en lien avec une potentielle dégradation de la situation sociale et financière du foyer, des tensions intra-familiales grandissantes pouvant mener à de l’agressivité et même à des situations de violence. « Les salariés se sont légitimement interrogés sur la manière dont leur entreprise allait être capable de traverser la crise et sur leur impact sur leur quotidien, voire sur leur emploi. »

Du côté des collectivités locales, si les agents ressentent une plus grande sécurité de l’emploi, les maux se sont essentiellement concentrés sur « le climat et la charge de travail ressentie comme plus forte, due à la baisse des temps morts et des temps de pause et de respiration, notamment, et sur des problématiques d’ordre plus personnel. »

En Europe, les principales thématiques évoquées lors de ces appels sont semblables à celles relevées en France, à savoir : l’anxiété liée à la peur de la maladie, les tensions familiales liées à la promiscuité, et la gestion de la charge de travail pouvant générer des problèmes d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Parmi les bonnes pratiques à mettre en place avec le travail à distance, le directeur général encourage les managers à faire passer des messages de confiance aux collaborateurs et à leur réserver des temps d’échange, décorrélés des points professionnels, pour s’assurer de leur bien-être et de leur bonne santé, et non plus uniquement pour contrôler leur activité. Aussi, leur apporter des perspectives : « On souffre tous de l’effet tunnel qui est très pesant pour le moral des collaborateurs. »

Charlotte DE SAINTIGNON