Neufchâtel AOP : un marché qui peine à s’élargir

Crédit : Samuel Maïon-Fontana pour Aletheia Press. 
« Pierre Villiers a repris la ferme familiale en 2018 avec son frère. Ils ont investi 1 million d’euros dans un outil de transformation. »
Crédit : Samuel Maïon-Fontana pour Aletheia Press. « Pierre Villiers a repris la ferme familiale en 2018 avec son frère. Ils ont investi 1 million d’euros dans un outil de transformation. »

Face à un marché local saturé, la fromagerie Villiers à Illois diversifie sa production et tente de gagner le marché extérieur, voire international.

Le Fromage de Neufchâtel a officiellement 50 ans… du moins appellation d’Origine, car le fromage, lui, est millénaire. Mais s’il franchit les siècles avec toujours autant de succès dans sa région d’origine, le fromage au grand cœur peine encore à structurer son marché. Pourtant, Pierre Villiers, gérant de la Fromagerie éponyme à Illois (76), n’en démord pas, le fromage Neufchâtel est un trésor qui n’a pas encore été totalement découvert. « C’est une filière d’avenir, même si les pâtes fleuries ne sont pas vraiment à la mode en ce moment. » Par ailleurs président du syndicat, le jeune homme gère avec son frère une exploitation agricole et une fromagerie qui produit 115 t de fromage AOP et 15 t d’autres produits laitiers (beurre, crème et autres fromages). Pour ce faire, il emploie 6 personnes qui transforment le lait des 85 vaches laitières de l’élevage, ainsi que celui acheté à une autre ferme du village.

De quoi faire fonctionner l’outil de transformation qui représente un investissement de plus d’1 million d’euros. Un outil qui ne tourne qu’à 50 % de sa capacité, mais pour lequel la famille Villiers espère atteindre 80 % à l’horizon 2025. Un objectif ambitieux. En effet, malgré son AOP, le fromage de Neufchâtel peine à grandir autant qu’il le devrait. La majorité de la production est encore écoulée en local, créant une concurrence importante entre les producteurs. De quoi tirer les prix vers le bas. « C’est la seule AOP dans laquelle le fromage fermier est moins cher que le laitier et que l’industriel », se désole Pierre Villiers.

Segmenter le marché pour capter de la valeur

Alors le jeune homme mise sur d’autres atouts. Il segmente son marché en proposant de nouveaux produits en dehors de l’AOP. Fromages au lin, à la ciboulette, au safran, aux noix, à l’échalote… ne pouvant s’aligner dans une course aux prix bas, il élargit sa gamme afin de fidéliser sa clientèle. « Et c’est aussi des produits sur lesquels on va chercher de la valeur ajoutée, alors même que les charges sont plus importantes. » A cette segmentation, Pierre Villiers veut ajouter une nouvelle carte. Il espère notamment élargir son aire de vente et sortir du marché saturé de la Seine-Maritime.

La fromagerie est déjà largement ouverte sur la région parisienne. Et elle profite de ce positionnement pour aussi se développer à l’export via notamment un exportateur de Rungis. Belgique, Allemagne, Autriche et Suède sont ainsi des marchés qu’il touche. Pour le reste, la fromagerie reste aussi sur les marchés traditionnels locaux : marchés, grossistes, grandes surfaces et Restauration Hors Foyers…

Mais, reprenant sa casquette de président du syndicat du Neufchâtel, Pierre Villiers insiste aussi sur la nécessité de conserver un réseau de producteurs dense. L’objectif étant de développer collectivement le marché pour gagner en valeur. « Nous restons une petite zone géographique, mais nous avons encore de la marge. Et notre rapprochement avec les autres fromages AOP de Normandie nous apporte une force de communication nouvelle que nous devons exploiter. »

Benoit Delabre