Économie circulaire : où en sont les entreprises françaises trois ans après la loi anti-gaspillage ?

Stabilité de la réglementation, cohérence des règles françaises et européennes, financement de la transition… Telles sont, selon le Medef, les principales attentes des entreprises tenues de s’engager sur le chemin de l’économie circulaire.

(c) Adobe Stock
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Trois ans après l’adoption de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi AGEC) et alors que plus de 90% des textes d’application ont été publiés, « la grande majorité des entreprises sont engagées dans cette voie parce que les chefs d’entreprise sont des citoyens et parce que leurs salariés et leurs actionnaires ne leur laissent pas le choix », a déclaré le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, lors d’une matinée d’échanges dédiée à l’économie circulaire, le 16 février dernier. Reste que si le mouvement est bel et bien lancé, « il y a toujours des pionniers et des retardataires », a-t-il ajouté.

Constance des règles et cohérence avec la législation européenne

Au 21e siècle, la croissance « doit intégrer » l’économique circulaire, et il faut que celle-ci soit « un accélérateur et non un frein » pour les entreprises, a poursuivi le président de l’organisation patronale. Or, si le Medef « n’est pas opposé à ce que l’État donne le signal » en imposant de nouvelles réglementations, « ce qui nous importe, c’est la constance des règles parce que l’entreprise a besoin de se projeter pour investir : il ne faut pas que l’arbitre change constamment les règles du jeu, il faut les stabiliser ». Autre attente des entreprises : « une cohérence » entre les règles nationales et la stratégie européenne en matière d’économie circulaire. « La France part souvent en premier et les entreprises françaises s’adaptent. Et cinq ans après, l’Europe s’y met, mais avec des règles différentes. »

Qui va payer le coût de la transition ?

En matière d’économie circulaire comme en matière de transition écologique en général, « il y a un éléphant au milieu de la pièce : qui va payer ? », a demandé le patron du Medef. « Le consommateur veut aller vers la transition mais il ne veut pas payer plus cher », alors que « le verdissement de la production entraîne des coûts, même si dans certains cas on peut produire plus vert sans que cela coûte plus cher, grâce notamment au recyclage ». L’économie circulaire, « on ne peut la développer qu’avec les consommateurs », a-t-il déclaré, avant de conclure : « nous sommes face à un défi collectif – un sujet complexe avec souvent des injonctions contradictoires – et il faut trouver des solutions ensemble ».

Un tiers des entreprises « se préparent », un tiers « suivront » et un tiers « s’opposent »

« Nous changerons de modèle de consommation quand nous aurons changé de modèle de production » et la loi anti-gaspillage « montre le chemin », a déclaré la secrétaire d’État à l’Écologie, Bérengère Couillard. Mise en place de nouvelles filières de gestion des déchets, développement de produits plus durables qui s’appuient sur de nouveaux modèles économiques... La loi AGEC « va accompagner la transformation de notre société jusqu’en 2030 au moins », et « cela nécessite de donner du temps et surtout de la visibilité aux entreprises ». Les parlementaires ont d’ores et déjà prévu de procéder à une première évaluation de la mise en œuvre de la loi en 2023.

Aujourd’hui, un tiers des entreprises « anticipent et se préparent », un tiers « suivront le mouvement » et le dernier tiers « s’opposent et résistent », a poursuivi la secrétaire d’État. « Soyez de ceux qui anticipent et innovent », et « notre rôle sera d’inciter les plus réfractaires à vous suivre ». En parallèle, le gouvernement va se mobiliser pour que les dispositions de la loi AGEC soient reprises dans les différents projets de textes européens sur l’économie circulaire.

Pionnière, la France doit influencer la stratégie de l’UE

« Vu de Bruxelles, la France est clairement un État membre pionnier », mais « nous sommes sur la même longueur d’onde au niveau européen », a déclaré la cheffe de l’unité Économie circulaire et Croissance Verte de la Commission européenne, Emmanuelle Maire. « A de nombreux égards, la France va plus vite que l’UE », ce qui pose la question de « la cohésion » des règles nationales et européennes. Pour limiter les risques d’incohérence, il faut « tabler sur l’expertise et l’expérience françaises et en tirer partie pour influencer ce qui se passe au niveau européen : il y a des moments de la procédure [législative européenne] où les acteurs français peuvent et doivent intervenir ».

Le paquet législatif sur l’économie circulaire, présenté par la Commission fin mars 2022, comprend une proposition de Règlement sur l’écoconception pour des produits durables. De portée très large, ce dernier vise notamment à réglementer les secteurs dépourvus de législation spécifique dans ce domaine (à commencer par celui du textile). Le paquet inclut également des propositions de texte concernant les produits de construction, les batteries, les emballages, les terminaux téléphoniques et informatiques (smartphones, tablettes, ordinateurs portables…), ainsi que des projets de textes concernant les droits des consommateurs et la lutte contre l’écoblanchiment. Des propositions sur les matériaux critiques sont attendues très prochainement.