Rentrée en bulles

Aux prémices d'une rentrée BD extrêmement prolifique, petite sélection des premiers ouvrages publiés.

Quelques planches de la BD "11 septembre 2001".
Quelques planches de la BD "11 septembre 2001".

11 septembre 2001

Cette BD à la trame historique débute à notre époque, à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle, alors que Juliette embarque à bord d’un vol à destination de New York. Au moment où elle s’assied dans l’avion, le souvenir des attentats du World Trade Center lui revient en mémoire. Le 11 septembre 2001, dix-neuf pirates de l’air, membres du réseau terroriste al-Qaida, détournaient quatre avions de ligne. Deux d’entre eux furent projetés contre les tours jumelles, tandis qu’un troisième s’abattait sur le Pentagone, à Washington. Âgée de 14 ans à l’époque, Juliette avait assisté au spectacle hypnotique de l’effondrement des tours. Elle se souvient que les images avaient tourné en boucle «jusqu’à la nausée» dans les bulletins d’information télévisés, provoquant chez elle un mélange d’effarement et d’incompréhension… Dans cette BD-reportage aux ambitions didactiques, Baptiste Bouthier (scénario) articule son récit en deux temps. Après avoir rappelé les faits, il passe en revue leurs conséquences sur la situation géopolitique internationale, remettant en perspective les événements qui en ont découlé : depuis les premiers bombardements en Afghanistan, la guerre en Irak en 2003, jusqu'à la mort de Ben Laden et la naissance de Daech, en passant par l’ouverture du centre de détention de Guantanamo et les révélations d’Edward Snowden. Associé au trait plutôt "ligne claire" d'Héloïse Chochois, cet album permet de mieux comprendre l’impact de cette tragique journée de septembre 2001 sur nos existences.

11 septembre 2001. Le jour où le monde a basculé (Dargaud).

Fatty

Auteurs du remarqué Avec Edouard Luntz, biographie romanesque du cinéaste français oublié, Nadar (dessins) et Julien Frey (scénario) plongent à nouveau dans l'histoire méconnue du 7e art avec la trajectoire de Roscoe «Fatty» Arbuckle, icône hollywoodienne du cinéma muet. Le récit s'ouvre en 1960, aux Studios MGM, alors que Buster Keaton tourne un épisode de la Quatrième Dimension. Andrew, un assistant, vient le chercher dans sa loge pour des essais lumière. Amusé par le jeune homme, Keaton lui parle alors de Roscoe «Fatty» Arbuckle. Quand Buster le rencontre en 1917, «Fatty» est déjà une immense star, mieux payée que Charlie Chaplin. Keaton joue au théâtre, mais il n’a encore jamais fait de cinéma. Roscoe Arbuckle l’encourage et le fait travailler puisqu'ils vont tourner ensemble une quinzaine de court métrages. Jusqu’à la mort de Roscoe, en 1933, Keaton sera pour lui un ami indéfectible. Même quand «Fatty» sera accusé du meurtre d’une jeune starlette après une soirée mondaine. En pleine prohibition, l’Amérique puritaine souhaite moraliser Hollywood. Avec son physique, «Fatty» est le coupable idéal et le bon gros comique devient le monstre. En faisant de «Fatty» le héros de ce récit passionnant et de Keaton son narrateur, les auteurs nous invitent dans le premier âge d’or hollywoodien : celui de son premier grand scandale et de l’hypocrisie de la société du spectacle de l'époque.

Fatty. Le premier roi d'Hollywood (Futuropolis).

Voyage autour de ma chambre

Libre adaptation du roman éponyme de Xavier de Maistre, écrit en 1794, cette BD suit la trajectoire de Franck, un homme qui s’est laissé emporter par la vague digitale sans s’interroger... Jusqu’au jour où son téléphone et son ordinateur cassent accidentellement. Franck se voit alors contraint d’attendre chez lui pendant dix longues journées l’appel du S.A.V... Pendant toute cette période, il ne peut plus accéder à cet espace numérique où les pensées s’occupent sans être stimulées. La rupture est brutale, et le manque d’abord sévère. Coincé entre les quatre murs de son appartement, il cherche désespérément à s’occuper et finit par s’atteler à une minutieuse visite de cet endroit dans lequel il vit quotidiennement, mais qu’il ne regardait plus. Franck va vite réaliser qu’il lui suffit d’un mouvement de la pensée pour s’évader et que les seules limites sont celles de son imagination. Au cours de ses voyages immobiles, Franck visite un bouge de la Renaissance, s’invite à une soirée de la Fashion Week ou revit de manière nuancée les derniers instants d’une relation amoureuse passée... Alors que le monde a découvert la réalité du confinement depuis l'an dernier, Voyage autour de ma chambre évoque aussi le bonheur d'un imaginaire sans frontières. En transposant l'histoire originelle à notre époque et en l’illustrant savoureusement, Aurélie Herrou (scénario) et Sagar (dessins) signent une plaisante odyssée immobile.

Glénat.

Flic à la PJ

Ce premier volet – sous-titré Go Fast ! – d'une trilogie s'inspire des témoignages de Ludovic Armoët, un inspecteur de police judiciaire qui a co-écrit le scénario avec le prolifique Corbeyran. Résolu à endosser le costume de flic dès son plus jeune âge, alors qu’il habitait alors sur l’île de la Réunion, Ludovic se retrouve trente ans plus tard en poste au SRPJ d’Evry. Sa nouvelle enquête est plutôt insolite : le vol la BMW Cabriolet millésimé 1955 de Pierre Perret ! Quelques semaines plus tard, la BMW est découverte dans un garage de Malaga, en Espagne, à côté d'une Passat de location flashée récemment à plus de 200 km/h. Deux voitures utilisées pour des «go fast», des transports hyper rapides de drogue entre l’Espagne et la région parisienne. L’enquête se poursuit alors à Evry par un été caniculaire… Solidement charpenté et idéalement rythmé, le récit nous plonge dans le quotidien d’une équipe de la PJ pour le moins hétéroclite mais néanmoins efficace. Ponctué de flashbacks éclairant l'enfance et la jeunesse du héros, l'histoire se révèle comme la qualité première d'une BD certes classique – comme l'atteste le dessin réaliste de Luca Malisan – mais divertissante.

Delcourt.

Oscuro en Rosa

Ce nouvel album du dessinateur et scénariste mexicain Tony Sandoval s'ouvre au crépuscule d’une journée printanière, sur les rives sauvages d’un marécage où Gloria s’abandonne à une étonnante rêverie érotique. Un homme étrange, albinos, lui est apparu, comme émergeant des flots, arrivant nu. Ensemble, ils ont fait l’amour et de cette relation éphémère n’est resté à Gloria qu’un souvenir brumeux ainsi qu’une étrange excroissance au niveau de l’entrejambe. Cette métamorphose éveille en elle de nouveaux désirs, transforme sa relation au monde et ouvre ses horizons… Brillant créateur d'un nouvel univers visuel et poétique pour chacune de ses œuvres, Tony Sandoval entrecroise avec délicatesse et finesse langage érotique, métaphores initiatiques et délires surréalistes. Un ouvrage surprenant, évoquant parfois La Forme de l’Eau, le beau film de Guillermo Del Toro.

Glénat.