Rupture de parcours professionnel pour les réfugiés en France

L’Insee a dévoilé le 30 mars dernier une somme d’études démographiques sur la situation des réfugiés au moment de leur arrivée en France. Morceaux choisis.

(© Adobe Stock)
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Les réfugiés semblent moins bien lotis en termes d’emplois que les autres primo-détenteurs d’un titre de séjour (ou primo-arrivants). Ainsi, en 2020, moins de 3 % des réfugiés étaient cadres et 38 % ouvriers, contre respectivement 13 % et 31 % des autres primo-détenteurs. L’Insee qualifie les premiers d’« étranger persécuté dans son pays et qui ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de ce pays » et les seconds comme des personnes originaires d’un pays tiers à l’Union européenne (UE) . Son étude « Immigrés et descendants d'immigrés en France » a dévoilé les caractéristiques géographiques et sociologiques des réfugiés en France et leur accès au marché du travail.

Pour Samuel Ettouati du service statistique ministériel de l’immigration, « la migration des réfugiés implique une rupture de leur parcours professionnel ». Avant leur arrivée en France, la situation sur le marché du travail des réfugiés était similaire à celle des autres primo-arrivants ( avec des taux d’emploi respectifs de 57 % et 59 %). Mais à leur arrivée dans l’Hexagone, seuls 19 % des réfugiés déclarent être en emploi, contre 35 % pour les autres primo-arrivants. Néanmoins, l’institut de statistique observe un rattrapage progressif des réfugiés sur le marché du travail. En 2020, 52 % des réfugiés occupaient un emploi, contre 61 % pour les non-réfugiés. A noter que leur statut face à l’emploi diffère fortement selon le sexe : ainsi en 2019, parmi les réfugiés, 53 % des hommes se déclarent en emploi, contre seulement 22 % des femmes, soit respectivement 20 points et 15 points de moins que pour les non-réfugiés.

Difficile maîtrise de la langue française

Ces difficultés d’insertion dans l’emploi peuvent s’expliquer en partie par le fait que les réfugiés présentent des difficultés marquées lors de leur arrivée, notamment dans la maîtrise de la langue française. Ainsi, en 2019, un an après l’obtention de leur premier titre de séjour, ils sont deux fois plus souvent en extrême difficulté à l’écrit ou à l’oral que les autres primo-détenteurs et plus de 35 % d’entre eux ont d’extrêmes difficultés dans la compréhension du français. En cause, le fait que ces « réfugiés » ou bénéficiaires de la « protection subsidiaire » (temporaire, pour des motifs humanitaires, comme les ukrainiens, par exemple) sont moins souvent originaires de pays francophones (30 % contre 67 % pour les non-réfugiés) – en 2018 quatre sur dix venaient de Syrie, d’Afghanistan ou du Soudan– et sont également présents depuis moins longtemps en France.

Conditions de logement dégradées

Autre enseignement de l’étude, en conséquence de ces difficultés d’accès au marché du travail à leur arrivée en France, les réfugiés ont dû faire face à une dégradation significative de leurs conditions de logement par rapport à celles qu’ils connaissaient dans leur pays de naissance. Néanmoins, celles-ci s’améliorent les années suivant l’obtention de leur protection. Ainsi, ils sont 39 % à être hébergés en logement collectif, squats, chambre d’hôtel ou à être à la rue à leur arrivée en France. Sachant qu’avant leur arrivée, les conditions de logement pour les réfugiés et les autres immigrés étaient similaires. Heureusement, le rattrapage progressif en termes d’emploi permet d’améliorer leurs conditions de logement : en 2020, près de 60 % des réfugiés résident dans un logement « autonome ». A noter que trois réfugiés sur dix ont recours à des associations pour les aider à trouver un logement.

L’étude fait également le point sur leur état de santé mental. En 2019, 45 % des réfugiés déclaraient dans les douze derniers mois s’être déjà sentis tristes, cafardeux, déprimés ou avoir perdu de l’intérêt pour des choses qui leur plaisent habituellement. Néanmoins, leur état de santé mental serait en progrès avec, en 2020, moins de 35 % d’entre eux qui déclaraient avoir une santé mentale fragile.

Charlotte DE SAINTIGNON