Terres hostiles

Quatre polars scandinaves, venus d'Islande et du Danemark, devraient satisfaire les afficionados du genre.

© Frankix
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La Secte

Troisième tome de la série addictive des enquêtes de l’ex-inspecteur Thomas «Ravn» Ravnsholdt, La Secte s'ouvre sur son retour à Copenhague après une enquête pleine de rebondissements à Berlin. Ferdinand Mesmer, un puissant homme d’affaires, lui demande de retrouver son fils Jakob, adolescent dépressif puis jeune cadre prometteur au sein de l’entreprise familiale, qui a disparu des radars une dizaine d’années auparavant. Ce dernier avait fondé la secte Les Élus de Dieu, juste avant qu’il ne coupe les ponts. Une étrange disparition à laquelle s’ajoute celle du détective dépêché sur cette affaire, dont le rapport s’achève sur une note sérieusement angoissante. Ravn finit par localiser Jakob, installé sur l’île de Lolland avec ses disciples, et s'immisce dans ce monde hermétique et oppressant, où le mutisme règne, afin de comprendre les événements passés et tenter de déjouer les drames qui s’annoncent... Sur les pas de son héros torturé, l'auteur signe une intrigue suffocante qui, à travers les différents protagonistes, peint sans fard un tableau sombre de la société danoise.

La Secte de Michael Katz Krefeld (Editions Actes Sud - Traduit du danois par Frédéric Fourreau).

Le Mur des silences

Après avoir conquis des millions de lecteurs avec les douze enquêtes d’Erlendur Sveinsson, inspecteur de la police de Reykjavík, Arnaldur Indridason a entamé depuis quelques années un nouveau cycle consacré à Konrad, un commissaire à la retraite qui n’a jamais vraiment raccroché. Ce quatrième volet mène de front deux intrigues. Le première se déroule dans une maison dans laquelle les familles n’y sont jamais restées longtemps. Une médium dit même y avoir perçu une sensation d’étouffement. Pendant des travaux de modernisation, le mur de la cave s’écroule et un corps apparaît... Konrad décide de s'intéresser à cette énigme tandis que, dans le même temps, il presse la police d’élucider le meurtre de son père. Mais il a oublié qu’à l’époque, l’enfant qu’il était avait menti, et les soupçons se portent sur lui... Baigné d'une atmosphère à la Simenon, ce roman noir magistral dépeint avec finesse un héros ambivalent, noyé dans l’alcool et la solitude, confronté à un passé trouble, zone grise dans laquelle il patauge à tâtons.

Le Mur des silences d'Arnaldur Indridason (Editions Métailié - Traduit de l'islandais par Éric Boury).

Le Papillon de verre

Découverte en 2021 avec L’Enfant étoile, Katrine Engberg publie une nouvelle enquête de l’inspecteur Jeppe Korner et de son équipière Anette Werner. L'intrigue se déroule dans l'univers feutré de l'hôpital, censé être un lieu sûr. Sauf quand une infirmière décide d’entrer dans la chambre d’un patient âgé avec une seringue contenant une surdose d’un médicament pour le cœur. La même semaine, un livreur de journaux fait une macabre découverte : le corps nu d’une femme aux bras striés de petites incisions. La cause de la mort ? Le drainage de tout le sang de la victime. L’inspecteur Jeppe Korner, encore touché par son divorce douloureux, est chargé de l’enquête, tandis que son équipière Anette Werner, en congé maternité, décide néanmoins d'opérer des recherches de son côté. Deux personnages qui, à mesure d'une enquête plutôt classique mais parfaitement rythmée, prennent de l'épaisseur grâce au soin de l'auteur de nous plonger au cœur de leur vie privée parfois compliquée. Sans oublier naturellement de tisser les liens ténus d'un suspense prégnant.

Le Papillon de verre de Katrine Engberg (Editions Fleuve Noir - Traduit du danois par Catherine Renaud).

Dix Âmes, pas plus

Loin des canons en vogue dans le polar scandinave, le chef de file de la nouvelle école du polar islandais Ragnar Jónasson publie une nouvelle enquête qui s'éloigne des sentiers (re)battus du genre. Son héroïne, Una, en quête d'un emploi stable à Reykjavík, tente d’échapper à la morosité de son quotidien en décrochant un poste d’enseignant dans le minuscule village de Skálar. Cependant, une fois sur place, la jeune femme se rend compte que rien dans sa vie passée ne l’a préparée à ce changement radical. Skálar n’est pas seulement l’un des villages les plus isolés d’Islande, il ne compte que dix habitants. Les seuls élèves dont Una a la charge sont deux petites filles de sept et neuf ans. Les villageois sont hostiles, le temps maussade et, depuis la chambre grinçante du grenier de la vieille maison où elle vit, Una est convaincue d’entendre le son fantomatique d’une berceuse. Est-elle en train de perdre la tête ? Quand survient un événement terrifiant : juste avant Noël, une jeune fille du village est retrouvée assassinée. Il ne reste désormais plus que neuf habitants. Parmi lesquels, fatalement, le meurtrier... Un polar glaçant, à l’atmosphère oppressante, intense jusqu'à son dénouement.

Dix Âmes, pas plus de Ragnar Jónasson (Editions de La Martinière - Traduit de l’islandais par Jean-Christophe Salaün).