Univers parallèles, virtuels : le metavers tiendra-t-il ses promesses ?

En dehors des jeux vidéo toujours plus réalistes, que peut apporter le concept de ‘meta-univers’ ? Qui s’y intéresse et pour quels usages ?

Crédit photo : Pixabay
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Le terme ’metaverse’ (contraction de l’anglais ‘meta universe’, en français ‘metavers’) ressurgit depuis quelques mois à la faveur du changement de nom de la société Facebook, rebaptisée Meta, le 18 octobre 2021. Explication : la société fondée par Mark Zuckerberg, cotée en bourse, comme Google qui s’était rebaptisée Alphabet, a voulu marquer les esprits au moment où elle traverse des difficultés structurelles liées au rachat successif des réseaux sociaux WhatsApp, Instagram et des casques virtuels Occulus VR - difficultés révélées par une ex-employée. Ce fut un bon prétexte pour rassurer les marchés sur une diversification de ses axes de développement, hors du seul domaine des réseaux sociaux.

L’époque de la pandémie semblait bien choisie avec la banalisation de la visioconférence et des évènements virtuels, mais aussi des jeux en ligne collaboratifs relancés par les périodes de confinement. Mark Zuckerberg a longuement parlé d’une « stratégie différenciante » en donnant sa vision du ‘metaverse’, et promis la création de 10 000 emplois dans l’Union Européenne…

A l’origine, un jeu vidéo

Le concept d’univers parallèle virtuel existe depuis des décennies dans la science fiction, (cf le roman Simulacron 3 de l’américain Daniel Galouye (1964), porté à l’écran par Fassbinder en 1973). Le terme « meta-univers » , devenu « metaverse » est attribué à l’américain Neil Stephenson, qui publia en 1992 Snow Crash (traduit par le Samourai virtuel ), mettant en scène un millionnaire créant un univers parallèle où l’on se défie à des duels à l’épée pour l’emporter sur ses adversaires. Sa tentative d’en faire un jeu vidéo en 2010, avec le soutien du milliardaire Jeff Bezos (Amazon) et une levée de fonds 500 000 dollars, a échoué. Mentionnons un autre flop : Second Life, qui, en 2003, avait permis à une start-up, LindenLab, d’encaisser en six mois des millions de dollars, en vendant des espaces de rencontre fictifs à 3,5 millions à de personnes physiques ou morales (dont IBM, Cisco…). Tout a disparu.

Un monde parallèle, virtuel ou cyber espace

Un méta-univers est un monde parallèle, virtuel, parfois accessible par un casque de vision 3D ou des lunettes de réalité augmentée ou une interface homme/ machine bio-intégrée. Dans un tel « cyber espace », coexistent des avatars ou des hologrammes qui interagissent dans un environnement virtuel avec divers objets fictifs.

Depuis 2017, c’est encore le jeu qui a souri à la start-up The Sandbox, cofondée par Sébastien Borget, ingénieur de Telecom SudParis, éditeur de jeux sur smartphones. Basée depuis peu à Hong Kong, elle est devenue une licorne, ayant levé 93 millions de dollars en novembre 2021, et ainsi valorisée 2 milliards. Sa réussite tient à l’application de la blockchain, dans le jeu multiplateforme CryptoKitties, permettant d’acheter des produits à l’aide de jetons non interchangeables dits NFT (non-fongible tokens). Les créateurs de jeux virtuels en 3D en « blockchain gaming » peuvent ainsi être rémunérés. Ils détiennent leur propre ‘map’ ou terrain virtuel (virtual land) et leur monnaie. C’est le royaume du « play to earn» (jouer pour gagner). Cette plateforme ‘open source’ est ouverte, à la différence de celles, dites « propriétaires », de Facebook (« Horizon Worlds »), Microsoft ou Roblox - et elle court-circuite les plateformes de chargement GooglePlay et AppStore.

Une nouvelle économie

Il se crée ainsi une nouvelle économie numérique avec des acheteurs d’« assets » (actifs) permettant de développer les expériences de jeux et de les monnayer sur des places de marché. Pour cela, il faut créer, dessiner des méta-univers - des cités - bâtiments, musées, galeries d’art, etc. - des règles de jeu, donc des contenus captivants, avec des personnages de fiction, des scénarios… Divers talents sont ainsi sollicités : architectes, designers, illustrateurs, développeurs, aménageurs, scénaristes… Leur réussite se mesure à l’audience qu’ils suscitent.


Deux cibles : le marketing et la formation

Côté marketing, les grandes marques y voient un canal pour se rapprocher des clients et suivre leur « expérience » de consommateur, les fidéliser en les récompensant et en soutenant des communautés. Citons les Galeries Lafayette qui, fin 2021, avec 50 marques, ont invité les clients à jouer les artistes de street art, par immersion dans un « pop-up store ». Ou encore la marque de luxe Gucci qui a mis en scène, puis vendu un sac à main Dionysus ‘collector’ à plus de 4 000 dollars. Autre cas édifiant : Nike a fait l’acquisition de RTFKT, un créateur de vêtements virtuels et d’avatars 3D. Ou encore Samsung qui, pour lancer son smartphone Galaxy S22, a sollicité une star du réseau social TikTok pour animer un univers centré sur son personnage Zero.

Dans le monde de la formation et de l’enseignement, il est aussi raisonnable d’imaginer des retombées concrètes, avec ou sans réalité augmentée. Apprendre en jouant se révèle efficace depuis longtemps !

Pierre MANGIN