Conjoncture

Vers une reprise économique « poussive » en 2024, selon l'Insee

L'économie française devrait connaître une croissance du PIB de l'ordre de 0,2% sur chacun des deux premiers trimestres de 2024, d'après l'Insee. L'inflation continuerait à décroître, mais les ménages restent prudents sur leurs consommation et investissements.

(© Adobe Stock)
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Le « creux de la vague » de l'économie européenne devrait être derrière nous. Le 14 décembre 2023, l'Insee, a livré ses prévisions pour le premier semestre de l'année 2024, dans sa nouvelle « Note de conjoncture ». En début d'année, « l'économie française accélérerait en douceur », prévoit Julien Pouget, chef du département de la conjoncture de l'Insee en 2023. L'institut table sur une hausse du PIB de l'ordre de 0,2 % au premier trimestre, ainsi qu'au deuxième. Une hypothèse qui semble difficilement compatible avec l'ambition affichée par Bercy (+ 1,4 % du PIB sur l'ensemble de l'année).

Autre prévision de l’Institut national de la statistique, l'inflation devrait continuer de décroître en 2024, pour atteindre 2,6 % fin juin. Ce niveau est très nettement inférieur au pic atteint en février 2023 (+ 6,7%). Il reste néanmoins supérieur au rythme enregistré en moyenne entre 2010-2020 (+1,1 %). Dans le détail, en juin 2024, les prix des biens manufacturés devraient augmenter de 0,3% sur un an et ceux agroalimentaires de 1,9%. Cette dernière hypothèse reste toutefois conditionnée au résultat des négociations entre industriels et distributeurs, rappelle l'Insee. Et de manière générale, l'évolution de l'inflation dépend de nombreux facteurs, dont d'éventuels soubresauts géopolitiques et les politiques monétaires.

Par ailleurs, ce n'est pas le commerce extérieur qui va nourrir la « petite » croissance de 2024, prévient l'Insee : au total, ces échanges devraient commencer par peser un peu sur la croissance du PIB au premier trimestre (-0,2 point), pour y contribuer ensuite positivement au deuxième (+0,3 point). L'export serait essentiellement porté par des livraisons aéronautiques et navales. A rebours, les importations devraient progresser en lien avec la demande intérieure (+0,6 % prévu au premier trimestre, puis +0,5 % au deuxième).

C'est donc, comme à l’accoutumée, sur la consommation des ménages que devrait reposer l'activité économique. D'après l'Insee, celle-ci devrait progresser de 0,6 % au premier trimestre 2024, puis de 0,4 %, les trois mois suivants.

Les ménages en toute petite forme

Dans le détail, sur le semestre, la consommation alimentaire se redresserait suivant le rythme du reflux de l'inflation sur ces produits, tandis que celle des services devrait croître avant de ralentir. Quant à la consommation d’électricité et gaz , elle pourrait rebondir en début d'année, suite à la nette baisse du dernier trimestre 2023. Ce léger regain de la consommation repose sur l'amélioration du pouvoir d'achat dont bénéficieraient les Français cette année : en juin 2024, il devrait progresser de +1,2%, en acquis de croissance, après une hausse de 0,8% pour l’ensemble de 2023. L'an dernier, les salaires ont commencé à augmenter plus vite que l'inflation à partir du dernier trimestre 2023, en raison de la prime de partage de la valeur à laquelle va succéder la revalorisation du Smic de 1,13%, au 1er janvier 2024. Ils devraient néanmoins rester quasiment stables au premier trimestre et n'augmenter que de manière très modérée au second. « Nous n'observons pas de boucle salaire-inflation », précise Julien Pouget.

En fait, l'évolution du pouvoir d'achat est davantage soutenue par les revenus du patrimoine que par ceux de l'activité. Et la situation financière des ménages demeure fragile, montrent plusieurs indicateurs. En 2024, leurs investissements devraient diminuer, restreints par le haut niveau atteint par les taux d'intérêt. Par ailleurs, l'Insee ne prévoit pas de baisse du taux d'épargne des Français : celui-ci resterait proche de 18 % du revenu disponible brut. A ce sujet, l'Institut de statistique constate que le solde d'opinion des ménages les plus modestes sur leur capacité d'épargne est plus dégradé que celui des ménages les plus aisés, par rapport à avant la crise sanitaire.

Autre signal inquiétant, l'Insee n'anticipe la création que de 25 000 créations d’emplois sur le premier semestre 2024. Ce qui signifie que le taux de chômage devrait repartir à la hausse pour atteindre 7,6% de la population active, en juin prochain. Au total, le climat économique peu encourageant et les taux d'intérêts élevés explique le faible entrain des entreprises. Leur taux de marge devrait certes augmenter pour atteindre 32,8 % au printemps 2024, un peu au-dessus donc de son niveau d’avant la crise sanitaire. Mais leurs investissements ne feront au mieux que se maintenir.

Anne DAUBREE