Dix maîtres d'ouvrage normands sur les rails du réemploi de matériaux

L’Ademe et la Région Normandie lancent un programme de 24 mois auprès de 10 collectivités et bailleurs sociaux, pour les aider à intégrer le réemploi de matériaux dans leurs prochains projets. Une démarche qui doit ensuite faire boule de neige.

La loi anti-gaspillage place l’économie circulaire au cœur de la commande publique, notamment dans le bâtiment. (© Aletheia Press / B.Delabre)
La loi anti-gaspillage place l’économie circulaire au cœur de la commande publique, notamment dans le bâtiment. (© Aletheia Press / B.Delabre)

Réutiliser des matériaux pour la construction des déchets de chantier... L'idée est moderne, bien ancrée dans les problématiques environnementales, mais aussi économiques et géopolitiques du moment. Mais elle n'est pas si facile à mettre en œuvre qu'il n'y paraît. Pour accélérer cette évolution vers une économie plus circulaire, l'Ademe et la Région Normandie ont décidé d'accompagner 10 maîtres d'ouvrages normands dans cette démarche. Un accompagnement de 24 mois, qui vient de débuter et qui associe ateliers collectifs avec partages d'expériences et suivi individualisé. 10 collectivités et bailleurs sociaux ont donc été retenus, parmi lesquels figurent des poids lourds, comme l'Agglo Seine-Eure, Le Havre Seine Normandie, ou Manche Habitat... mais pas seulement.

« Nous étions plus soucieux de la diversité que de la taille de ces maîtres d'ouvrage, souligne Chloé Saint Martin, ingénieure économie circulaire à l'Ademe. Cela s’est trouvé comme cela, et c’est vrai que cela a un effet massificateur. Ces maîtres d’ouvrage qui auront testé quelque chose et mis en place, on l’espère, des pratiques pérennes pourront les diffuser auprès de leurs réseaux. »

Travailler en transversalité

Par l’importance de leurs opérations, les maîtres d’ouvrage publics peuvent influer fortement sur cette problématique en modifiant leur manière d’élaborer leurs commandes auprès des entreprises du BTP. De quoi lancer une dynamique, créer l'effet boule de neige. « Il y a beaucoup d'acteurs qui proposent des matériaux de réemploi, qui font de la dépose sélective, mais qui n'ont pas de demande, explique encore Chloé Saint Martin. Voilà pourquoi on a travaillé sur la demande auprès des maîtres d'ouvrage. »

Les représentants des maîtres d'ouvrage lors du premier atelier collectif : informations, échanges et partages d'expériences sont au programme. (© Ademe Normandie)

Le programme associe plusieurs approches en liant les questions d'approvisionnement, à l'architecture, les enjeux juridiques aux problématiques humaines. Et ce afin de lever un à un les freins à l'utilisation de matériaux de seconde vie. Qu’il s’agisse de sourcing, de couverture du risque assurantiel – l’utilisation de matériau réemployé pose des questions de réglementation au feu par exemple – ou même de blocage organisationnel. « Trois psychologues sociales interviennent sur la question du changement de comportement, explique l'ingénieure de l'Ademe. Après le premier atelier, on remarque déjà que beaucoup de ces maîtres d'ouvrage fonctionnent encore en silo dans leurs services. A nous de les amener à travailler en transversalité. »

Constituer une boîte à outils

A l’issue de cette opération expérimentale, les retours d’expérience seront synthétisés pour participer à la constitution d’une boite à outils en ligne au profit du Réseau des acheteurs Normands pour la commande publique éco-responsable et de tous les maîtres d’ouvrage publics ou privés ayant des chantiers de bâtiment. Cette démarche normande s’inscrit dans une dynamique nationale. Entrée en vigueur au début du premier trimestre 2022, la loi anti-gaspillage place l’économie circulaire au cœur de la commande publique, qu’elle émane de l’État ou de collectivités territoriales. En France, chaque année, les opérations de construction ou de déconstruction produisent 40 millions de tonnes de déchets. Et en Normandie c’est plus de 7 Mt (en 2018) qui auraient pu en grande partie être réutilisées dans d’autres constructions.

Pour Aletheia Press, Benoit Delabre