Agriculteurs : la crise ne fait que commencer

Le monde agricole poursuit sa mobilisation en dépit du « sursaut agricole » promis par Gabriel Attal. Car les causes de la crise sont nombreuses.

(© Adobe Stock)
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L'image était spectaculaire ; elle n'a pas suffit. Le 26 janvier au soir, sous l’œil des caméras et au milieu des bottes de paille, Gabriel Attal, Premier ministre applaudissait et était applaudi par Jérôme Bayle, éleveur de Haute-Garonne. Celui-ci acceptait de mettre fin au blocage de l’autoroute A64 à Carbonne, qui avait fortement contribué à lancer le mouvement de protestation, ensuite répandu dans le pays entier. Ce 26 janvier, en effet, le Premier ministre a promis un « sursaut agricole », fait d'un changement de méthode de long terme et de mesures immédiates. La plus concrète : l’annulation de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR) agricole qui devait augmenter progressivement jusqu’en 2030. Gabriel Attal a aussi promis un « choc de simplification », avec dix premières mesures concernant notamment les curages des cours d’eau, les obligations de débroussaillement et délais de recours contre les projets agricoles. D'autres mesures, de cette première série annoncée, concernent les finances des agriculteurs, et en particulier une plus grande rigueur dans l'application de la loi Egalim supposée protéger leur revenu, dans le cadre des négociations avec les industriels et les supermarchés. Plus de contrôles, des sanctions à venir a promis Gabriel Attal. Pour l'urgence, le gouvernement prévoit aussi un soutien renforcé aux éleveurs confrontés à la maladie hémorragique épizootique (MHE), ainsi que 50 millions d'euros supplémentaires pour la filière bio, en difficulté, à laquelle le gouvernement s’était déjà engagé, en 2023, à verser 94 millions d’euros. Et enfin, a assuré Gabriel Attal, la France « s’oppose » à la signature de l’accord commercial controversé entre l’Union européenne et les pays latino-américains du Mercosur.

Une crise profonde

Le « sursaut agricole » de Gabriel Attal n'a convaincu ni la FNSEA, principal syndicat du monde agricole, ni la Coordination rurale, ni les Jeunes agriculteurs, ni la Confédération paysanne... Et encore moins les agriculteurs en colère qui ne se reconnaissent pas dans ces organisations, comme le montre l'incendie d'un bâtiment de la Mutualité sociale agricole à Narbonne, le 26 janvier.

En fait, les causes du mouvement de protestation des agriculteurs sont profondes et nombreuses. A commencer par les préoccupations liées à la baisse de leurs revenus, déjà très bas. Ils risquent d'être ultérieurement remis en cause dans le cadre des négociations commerciales actuelles, les distributeurs pesant de tout leur poids pour faire baisser les prix dans un contexte où les Français, touchés par l'inflation, rognent sur leurs dépenses alimentaires. Mais plus largement, c'est un malaise généralisé qui s'exprime dans le monde agricole, remis en cause dans ses pratiques et son identité. Il subit des crises environnementales de plus en plus fréquentes et violentes- inondations, comme récemment dans les Hauts-de-France, épidémies, sécheresse, pénuries d'eau qui mettent en péril les récoltes, notamment en Provence-Alpes-Côte d'Azur ou en Occitanie.

A ces crises, les réponses à apporter sont loin d'être évidentes, comme l'a montré celle liée aux méga-bassines d'eau, dans les Deux-Sèvres. Victimes des changements climatiques, certains agriculteurs se voient aussi accusés de contribuer au désastre écologique, par exemple sur la question de l'utilisation des produits phytosanitaires employés par les betteraviers ou les céréaliers. Et dans ce monde agricole où des modèles très différents- productiviste, bio ...- cohabitent, l'Europe, alors que les élections se tiennent en juin prochain, fait figure d'enjeu majeur. A cause des traités de libre-échange, et aussi, du Pacte vert de 2019 qui engendre des contraintes environnementales.