Consommation

Arnaques, fraudes : la DGCCRF affiche un lourd bilan

Chaque soubresaut de l'économie, chaque changement technologique, ou sociétal engendre son lot d'arnaques illustre le bilan 2022 de la DGCCRF.

Sarah Lacoche, directrice générale de la DGCCRF (au pupitre) et Olivia Grégoire, ministre déléguée aux PME, au Commerce et au Tourisme
Sarah Lacoche, directrice générale de la DGCCRF (au pupitre) et Olivia Grégoire, ministre déléguée aux PME, au Commerce et au Tourisme

Une liste à la Prévert, le tonneau des Danaïdes ... C'est ce qu'évoque, chaque année, le bilan de la DGCCRF, Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des Fraudes. Le 6 juillet dernier, à Bercy, Sarah Lacoche, directrice générale, nommée en mai dernier, a présenté le bilan de l'année passée.

En 2022, la DGCCRF a réalisé un total de 128 700 visites qui répondent à une multitude d'enjeux. Les comportements potentiellement nocifs générés par le contexte inflationniste et la hausse des prix de l'énergie ont figuré en bonne place parmi ses priorités. Ils touchent, en effet, deux sujets qui relèvent de sa compétence : la protection des consommateurs (via celle de leur pouvoir d'achat), et la garantie des conditions d'un fonctionnement équilibré des marchés. A ce titre, la DGCCRF a été particulièrement mobilisée pour faire respecter les dispositifs encadrant les négociations commerciales EGAlim 1 et 2. Le gouvernement a , en effet, imposé la renégociation des contrats conclus début mars entre distributeurs et fournisseurs, afin de tenir compte des tensions sur les approvisionnements et des hausses de prix liées à la guerre en Ukraine. 120 contrôles ont été réalisés afin de vérifier la bonne tenue de ces renégociations. La DGCCRF a aussi réalisé des enquêtes sur le respect des délais de paiement, particulièrement cruciaux pour la trésorerie des TPE et PME en ces temps de crise. Elle a contrôlé 1 219 établissements et prononcé des amendes pour un total de 19,1 millions d'euros.

Autre soubresaut économique, la déstabilisation des marchés de l'énergie a généré des hausses de prix qui ont impacté particuliers et entreprises, induisant de potentiels comportements « nocifs » à surveiller. Un phénomène auquel s'est ajoutée la nécessité de contrôler le respect par les opérateurs du marché des dispositifs d'aide mis en place par l’État. A ce titre, 8 000 contrôles ont été menés pour vérifier que la remise exceptionnelle sur les carburants, prévue par le dispositif public, était bien répercutée sur les prix à la pompe et les prix affichés. S’agissant de l’électricité et du gaz, la DGCCRF a intensifié ses contrôles pour protéger les consommateurs et les TPE dans leurs relations commerciales et contractuelles avec leurs fournisseurs d’énergie. Plusieurs enquêtes sont en cours, portant sur des modifications ou résiliations unilatérales de contrats par des fournisseurs. Et une enquête d'ampleur nationale a également été lancée afin de vérifier que ces fournisseurs n’imposent pas des révisions de prix ou clauses abusives aux TPE.

Un autre phénomène qui naît avec l'inflation concerne plus particulièrement le pouvoir d'achat des ménages : le développement de la « shrinkflation » dans le segment sensible des produits alimentaires. Il s'agit de la modification de la quantité de produit vendu, sans changement de prix. Une « pratique qui n’est pas interdite, mais qui nécessite une information claire des consommateurs », précise Bercy. L'an dernier, la DGCCRF a vérifié 5 700 références, dans plus de 300 supermarchés. Elle a également réalisé 31 contrôles chez les conditionneurs. L'enquête a conclu à une existence de la « shrinkflation », mais à une « absence de caractère généralisé » de la pratique.

« 100% naturel » et 100% arnaque

Parmi les nombreux autres sujets qu'elle a traités, la DGCCRF s'est aussi mobilisée sur les arnaques liés aux évolutions numériques du commerce et de la société et à la transition écologique. Dans ce domaine, elle a mené plusieurs enquêtes, notamment sur les pratiques commerciales en matière de rénovation énergétique ou sur l'utilisation des allégations environnementales. Employées de manière indue, celles-ci ont pour double conséquence de défavoriser les entreprises qui ne les pratiquent pas et de tromper le consommateur. Une enquête sur les fertilisants a, par exemple, montré la présence de la mention « 100 % naturel » sur l’étiquetage d’un engrais qui contenait des substances de synthèse. Ou alors l'affirmation « économise un arrosage sur deux » que le professionnel n’était pas en mesure de justifier...La DGCCRF a également réalisé des contrôles concernant l'affichage des performances énergétiques et l'indice de réparabilité des produits électroménagers. Bilan de l'opération, menée auprès de 384 fournisseurs et distributeurs ? Plus de 60% de non-conformité. L’organisme a également enquêté sur les pratiques commerciales des acteurs du marché de la rénovation énergétique, les dérives importantes observées les années précédentes l'ayant conduit à « maintenir une pression de contrôles dans ce secteur ».

Autre – vaste – champs d'investigation, les arnaques nées de la numérisation des pratiques commerciales qui occupent également beaucoup les enquêteurs de la DGCCRF. Un sujet a fait grand bruit cette année : celui des influenceurs. L’organisme a scruté les pratiques d'une soixantaine d'entre eux (et agences). Bilan : dans 60% des cas, des pratiques douteuses, à divers titres. Le caractère commercial des publications n'était pas affiché, ou encore il y avait tromperie sur les propriétés des produits vendus. Dans d'autres cas, les enquêteurs ont constaté la promotion de produits risqués, par exemple, dans le domaine des paris sportifs, des détournements de fonds liés à la formation ou la promotion de soins esthétiques pouvant avoir des conséquences sur la santé... Les procédures contre les contrevenants sont en cours.

Pouvoir « d'injonction numérique »


Autre pratique de commerce électronique examinée, celle du dropshipping, la vente en livraison directe. Plus de la moitié des sites contrôlés présentaient des manquements, comme une indisponibilité des produits ou un défaut récurrent de livraison. Un bilan qui révèle « la nécessité de maintenir cette pratique sous surveillance », pointe la DGCCRF. Pour la troisième année consécutive, elle a aussi enquêté sur les relations commerciales entre places de marché et professionnels qui y vendent leurs biens ou services. Et une astreinte de 3,3 millions d’euros a été prononcée à l’encontre d’Amazon pour retard dans la mise en conformité de ses conditions contractuelles, demandée par la DGCCRF. « C’est la première fois que ce nouveau pouvoir est utilisé », pointe le rapport. Régulièrement, en effet, la DGCCRF se voit attribuer de nouveaux pouvoirs. Celui « d'injonction numérique » avait été utilisé pour la première fois en 2021 à l'encontre de la plateforme Wish qui commercialisait des produits dangereux. Il s'agit d'un pouvoir de police administrative qui permet à la DGCCRF d'enjoindre aux principaux moteurs de recherche et magasins d’applications (Google, Microsoft, Apple) de déréférencer un site Internet et son application. En 2022, 86 injonctions numériques ont été mises en œuvre pour faire cesser rapidement des pratiques : 56 fois pour restreindre l’accès, 30 fois pour bloquer un nom de domaine.