Budget 2024 : le rééquilibrage des comptes reporté

Le budget de l’État français pour 2024 devait être celui du retour au sérieux budgétaire, mais l’inflation et les autres urgences du moment sont venues compliquer l’équation, laissant peu de marge pour réduire le déficit et la dette…

(c) Adobe Stock
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Le projet de loi de Finances (PLF) pour 2024 fait de l’écologie, de la défense et de l’éducation ses priorités. Mais après avoir martelé pendant des mois l’impératif de renouer avec le « sérieux budgétaire », le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, en a rabattu de moitié. Ce budget n’est plus que « la première marche vers le rétablissement ambitieux de nos finances publiques ». Il est vrai que la lutte contre les conséquences néfastes de l’inflation, pour indispensable qu’elle soit sur le plan de la survie politique du gouvernement, a un coût important…

Des économies en trompe-l’œil, mais un déficit bien réel

Il a été question de trouver 25 milliards d’euros d’économie. Hélas, entre les promesses de baisses d’impôts faites aux uns, partiellement tenues (étalement de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises…), et les dépenses supplémentaires (primes et hausses de rémunérations pour certains fonctionnaires, indemnité carburant…), les économies sur les dépenses de l’État ne s’élèveront finalement qu’à 16 milliards d’euros. Et encore, elles sont en trompe-l’œil, dans la mesure où elles correspondent, pour l’essentiel, à la non-reconduction des dispositifs de crise (bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité, aides aux entreprises énergivores). Le rabotage des politiques de l’emploi (apprentissage, emplois aidés…) et la réforme de l’assurance-chômage complètent à la marge ces économies. Sur le versant des recettes, même si l’inflation les fait mécaniquement gonfler, le compte n’y était pas et le gouvernement a dû opportunément créer une taxe nouvelle sur les concessions d’autoroutes et les plus grands aéroports.

Mais peut-on se réjouir de ce qui est d’ores et déjà qualifié par le gouvernement « d’effort remarquable », lorsque 511,6 milliards d’euros de dépenses nettes sont financés par seulement 372,1 milliards d’euros de recettes nettes ? Confiant, Bruno Le Maire affirme sans ciller que « ces économies nous permettront de continuer la baisse des impôts sur les entreprises et de dégager des marges de manœuvre pour investir, créer de la croissance et préparer l’avenir de la France ». Dont acte.

Il n’en demeure pas moins que le solde général du budget de l’État devrait être en déficit de 144,5 milliards d’euros, contre 172,1 milliards, un an auparavant. Et si l’on élargit la focale au solde public, qui inclut les dépenses et recettes de toutes les administrations (État, collectivités, Sécurité sociale et administrations publiques diverses), le gouvernement prévoit un recul du déficit public à 4,4 % du PIB en 2024, contre 4,9 % en 2023, toujours loin des 3 %, limite des critères de Maastricht. La menace d’une procédure pour déficit excessif de la part de la Commission européenne plane donc toujours au-dessus de la France…

Des hypothèses peu réalistes

Certes, l’environnement socio-économique actuel est complexe et incertain. Mais l’on demeure assez pantois devant certaines hypothèses. Ainsi, un taux d’inflation à 2,6 % en 2024, après 4,9 % en 2023, semble tout autant surprenant qu’un taux de croissance de 1,4 % en 2024, après 1 % en 2023, dans la mesure où ces estimations diffèrent parfois beaucoup de celles de l’Insee et de la Banque de France. Bercy est donc dans l’incantation. Mais la construction du budget n’est-elle pas avant tout un périlleux exercice de communication politique durant lequel le gouvernement se doit d’afficher un optimisme digne du Pangloss de Voltaire ?

Toujours est-il que le Haut Conseil des finances publiques trouve nombre de ces hypothèses « optimistes » et remarque qu’il y a en fin de compte « peu de mesures d’économies structurelles ». C’est maintenant entre 2025 et 2027 que le gouvernement souhaite réduire structurellement les dépenses, au rythme de 12 milliards d’euros par an, tout en espérant engranger les fruits tant espérés de ses réformes.

Soutenabilité de la dette publique

En 2024, le taux de prélèvement obligatoire se stabiliserait autour de 44 % du PIB, mais l’on ne voit pas trop comment le gouvernement pourra encore longtemps éviter les hausses de prélèvements, au vu de tous les chantiers réputés prioritaires : transition écologique, éducation, santé, etc. Ce d’autant plus que baisser indistinctement les dépenses publiques (55,9 % du PIB en 2023) peut avoir un effet récessif puissant sur l’économie française. Pendant le premier quinquennat, il suffisait de s’endetter davantage puisque les taux d’intérêt étaient proches de zéro, voire négatifs. Mais en 2023, l’État au sens large s’endette en moyenne à 3 %, ce qui soulève la question de la soutenabilité de la dette publique dont le niveau serait proche de 110 % du PIB en 2024 ! Le Haut Conseil des finances publiques estime que « l’inflexion visée de la trajectoire de dette est modeste et tardive » et que les hypothèses retenues rendent « cette trajectoire particulièrement fragile ».

Dans ce contexte, pour éviter des discussions interminables et enflammées au Parlement, le gouvernement a d’ores et déjà d’annoncé le recours au 49-3 pour passer en force. Fermez le ban !