Dématérialisation des services publics : ces usagers qui restent à l’écart

Alors que la dématérialisation des services publics a doublé en dix ans, un Français sur trois a déjà renoncé à accomplir une démarche administrative en ligne, d’après une récente étude de l’Insee.

© Pixabay.
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Refaire ses papiers, déclarer ses revenus et payer ses impôts, accéder à ses droits sociaux...en 2021, 67% des Français ont effectué au moins une démarche administrative en ligne, selon l’étude publiée en mai dernier par l’Insee. Mais si la dématérialisation des services publics est censée simplifier la vie des usagers, des difficultés subsistent. Les blocages et les pannes d’Internet restent en tête des problèmes relevés. Les jeunes et les personnes les plus défavorisées se heurtent à plus d’obstacles pour remplir leurs déclarations administratives en ligne.

Les problèmes techniques pointés du doigt

Les données dévoilées par l’Institut de statistique révèlent que près d’un tiers des personnes interrogées en 2021(32%) affirment avoir déjà renoncé au moins une fois à effectuer une

démarche en ligne sur les 12 derniers mois. Les trois quarts d’entre elles ont pu faire aboutir la démarche en question via d’autres moyens, notamment par téléphone ou en se rendant sur place, tandis qu’un quart, soit 8 %de la population totale, a renoncé définitivement à cette idée.

Parmi les personnes ayant renoncé à effectuer une démarche dématérialisée, 30,2% évoquent un problème lié à leur connexion Internet, 29,1% dénoncent la complexité du procédé et 25,7% se jugent incapables de mener à bien ce type d’opérations. Si les femmes sont plus nombreuses que les hommes à abandonner les démarches en ligne, celles-ci trouvent plus souvent d’autres manières d’effectuer ces formalités et renoncent moins souvent définitivement.

Un Français sur trois ne recourt pas à la dématérialisation

Malgré ces obstacles, la dématérialisation a nettement progressé au cours des dix dernières années, souligne l’Insee. Ainsi, 67% des majeurs vivant en France métropolitaine confirment avoir réalisé, en 2021, au moins une démarche administrative en ligne sur les 12 mois précédents, contre 33% en 2011. À titre d’exemple, 60% des adultes ont effectué leur déclaration de revenus en ligne, contre seulement 24% il y a dix ans. Cette tendance favorable concerne toutes les tranches d’âge, mais elle demeure particulièrement faible chez les plus de 75 ans, dont seuls 26,6% ont effectué une démarche en ligne sur l’année écoulée.

En revanche, sur la totalité des personnes sondées, un tiers déclare n’avoir réalisé aucune formalité administrative en ligne, notamment, par manque des connaissances informatiques nécessaires (24 %) et 40% d’entre elles affirment ne pas avoir utilisé Internet tout au long de l’année 2021.

Fracture sociale

Début 2021, 40% des personnes déclarent avoir été confrontées à des difficultés au cours de leurs démarches en ligne. L’organisme explique que le degré des problèmes rencontrés change en fonction de l’objet de l’opération. Aussi, les obstacles ne sont pas toujours en lien avec la dématérialisation. Par exemple, les personnes concernées par des demandes de logement social ou de place en crèche estiment les délais d’attente trop longs. A ce motif, s’ajoutent plusieurs autres, comme le fait de ne pas avoir obtenu le «bon interlocuteur» ou le jugeant «incompétent», évoqués par 36% des interrogés. Egalement, la complexité des procédures est relevée par 30% des personnes, notamment pour la déclaration des revenus. De même, le grand nombre de pièces justificatives à fournir et l’absence des services administratifs à proximité du domicile sont aussi dénoncés.

Par ailleurs, la situation financière des personnes sondées influence leur capacité à réaliser des démarches en ligne : « 11% de la population se trouve en situation de privation matérielle et sociale, mais c’est le cas de 18% des personnes ayant déclaré des difficultés dans leurs démarches administratives », note l’Insee. D’autre part, les jeunes de 18 à 29 ans concentrent aussi près de 20% des personnes confrontées à des difficultés, alors qu’ils ne représentent que 16% de l’ensemble de la population.

AÏcha BAGHDAD et B.L