Mobilité : deux milliards d’euros pour le vélo

L’Etat s’est engagé à débloquer 2 milliards d’euros d’ici 2027 pour aider les collectivités locales à construire des aménagements cyclables et les particuliers à acheter une bicyclette. La politique pro-vélo apparaît comme la chasse gardée de la Première ministre, en mal d’image positive dans l’opinion publique.

© photos de Lyon, Olivier Razemon pour DSI
© photos de Lyon, Olivier Razemon pour DSI

« Désormais, on compte en milliards ». Annie-Claude Thiollat, vice-présidente de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), qui rassemble 500 associations locales, ne boude pas son plaisir, après la présentation du « plan vélo et marche 2023-2027 » par le gouvernement, le 5 mai. Cette militante chevronnée plaide depuis des années en faveur de l’usage du vélo, dans sa ville, à Nantes, comme au niveau national. Et tant pis si la répartition exacte de ces 2 milliards, dont une partie ont déjà été promise lors de précédentes annonces, n’est pas si claire. « Il va falloir décrypter ; nous nous y perdons un peu », admet la vice-présidente.

Le 5 mai, six ministres, dont Elisabeth Borne, se sont succédé au ministère de la Transition écologique pour dire tout le bien qu’ils pensent des « mobilités actives », marche et vélo. Dans la salle, les responsables de la FUB, ainsi que des représentants des élus ou de la « filière du vélo », industriels, consultants ou urbanistes, se réjouissaient, sans trop en faire. Ils commencent à avoir l’habitude : en septembre, déjà, les mêmes étaient réunis, cette fois dans la cour de l’hôtel Matignon, pour écouter la Première ministre expliquer qu’un « plan vélo » serait bientôt décidé.

Le vélo, arme anti-crise

Manifestement, la communication sur le thème de la bicyclette est un exercice qui plaît à Elisabeth Borne. Le sujet est plutôt consensuel, et lui donne l’occasion de se forger une image plus sympathique que l’usage répété du 49.3 à l’Assemblée nationale. Son appétence pour le sujet est ancienne. En 2015, le cabinet de Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, qu’elle dirigeait, avait reçu Olivier Schneider, tout juste élu président de la FUB. « Elisabeth Borne était la seule qui m’écoutait avec intérêt », se souvient aujourd’hui le responsable associatif. En 2017, après sa nomination au ministère des Transports, les relations avec les associations se sont renouées. Elles ont perduré jusqu’à aujourd’hui. Olivier Schneider et la FUB ont su adapter leurs propositions aux enjeux de chaque époque.

Face aux coûts de la voiture individuelle lors des manifestations des « gilets jaunes », comme « geste barrière » au plus fort de l’épidémie, exempté des hausses du prix du carburant en période d’inflation, le vélo apparaît comme un « outil anti-crise ».

Un premier « plan vélo » avait éclos en septembre 2018, à Angers, en présence du Premier ministre, Edouard Philippe. 350 millions d’euros étaient alors annoncés pour sept ans, le plus gros montant jamais débloqué par l’Etat pour ce secteur. Puis les engagements ont progressé proportionnellement à l’avancée de la carrière politique d’Elisabeth Borne. En mai 2020, observant les pistes cyclables temporaires tracées durant le premier confinement, la ministre de la Transition écologique lançait aux élus et aux associations : « ne laissez pas la voiture reprendre la place ! » En 2022, le budget annuel était porté à 200 millions d’euros.

Le 5 mai, la Première ministre reprenait le discours qu’elle tient sur ce sujet depuis 2017 : « la moitié des déplacements en voiture font moins de 5 kilomètres ; le vélo doit donc jouer un rôle essentiel ». Parmi les 2 milliards d’euros annoncés le 5 mai, les trois quarts sont consacrés aux infrastructures cyclables. Les collectivités locales, qui répondent à des appels à projets lancés par l’Etat, soumettent des projets précis : passerelle, passage sous une route, stationnement, structure de location, etc. Au début de cette année, le dernier appel à projets a enregistré 610 réponses, témoignant, selon le gouvernement, « de la forte attente des collectivités ».

L’Etat s’engage en outre, dans le cadre des contrats de plan Etat-région, à « aider les régions à compléter le maillage territorial ». Selon Vélo et territoires et le Club des villes et territoires cyclables et marchables, deux associations d’élus, « 70% des collectivités agissent pour le vélo », et parmi elles « 100% des régions » et « 99% des départements ». Les collectivités totalisent un budget 4 milliards d’euros pour les infrastructures cyclables, qui s’ajoutent donc aux 2 milliards annoncés par l’Etat. Le gouvernement espère porter à 80 000 le nombre de kilomètres de pistes cyclables d’ici la fin du quinquennat, contre 57 000 aujourd’hui. Mais l’argent ne fait pas tout. Selon la FUB, « la moitié » du kilométrage existant serait « entièrement à refaire ».


Le plan annoncé le 5 mai comporte la prolongation des aides octroyées aux personnes achetant un vélo neuf, qu’il soit à assistance électrique ou non. Pour un vélo-cargo ou une remorque, le montant de l’aide peut atteindre 2 000 euros, à condition de faire partie des ménages les moins imposés. Le gouvernement encourage aussi l’apprentissage du vélo à l’école, espérant former « une classe d’âge, soit 850 000 élèves » d’ici 2027. Enfin, l’économie n’est pas oubliée. Si la plupart des vélos vendus en France sont importés, une industrie locale commence à se structurer. Un appel à projets doté de plusieurs dizaines de millions d’euros assurera aux entreprises concernées des garanties de prêts ou des subventions.

Si les annonces ont été reçues favorablement par le secteur concerné, les associations représentants les piétons se sont montrées déçues. Certes, l’ensemble des éléments de communication du gouvernement comportent l’expression « vélo et marche ». Mais les dispositions visant à encourager les déplacements à pied sont pratiquement absentes des mesures annoncées, à l’exception d’un petit fonds de 4 millions d’euros. 35% des collectivités ont pourtant engagé ou préparé une stratégie en faveur de la marche.