Forte croissance de la finance à impact

Avec 24,5 milliards d'euros d'encours, la finance solidaire est en forte croissance. Cette pratique originellement militante, bien enracinée en France est en train de se transformer en profondeur, avec l'arrivée de nouveaux acteurs.

Lors de la conférence de presse, à Paris, tenue chez Farinez’ vous, boulangerie agréée entreprise d’insertion
Lors de la conférence de presse, à Paris, tenue chez Farinez’ vous, boulangerie agréée entreprise d’insertion

Sur un an, +26,6% : de plus en plus de Français choisissent d'épargner tout en contribuant à des causes d'intérêt général. Le 31 mai, à Paris, lors d'une conférence de presse, Fair, association qui réunit 120 acteurs de la finance à impact, présentait la vingtième édition du « Baromètre de la finance solidaire », Fair- La Croix. Le bilan de l'année dernière témoigne de la forte croissance du phénomène, qui s'est par ailleurs fortement transformé ces dernières années. En 2021, la finance solidaire a atteint 24,5 milliards d'euros d'encours, soit 5,1 milliards d'euros de plus qu'en 2020. Au total, cela représente 699 millions d'euros distribués à quelque 1 350 projets à impact social ou environnemental. L'objectif visé est social (logement, lutte contre l'exclusion, insertion par l'activité...) dans plus de la moitié des cas, environnemental à 17% ( filière bio, énergies renouvelables...) et 13% des projets soutenus sont liés à la cohésion des territoires et à l'économie de la proximité. « Historiquement, la finance solidaire adresse surtout des thèmes sociaux, comme la pauvreté ou le logement, mais de plus en plus les acteurs intègrent une logique environnementale », explique Jon Sallé, responsable de l'Observatoire de la finance à impact social chez Fair.

L'épargne solidaire provient de différents flux, qui, tous, dans des proportions diverses, ont connu une forte croissance en 2021. Avec 14,1 milliards d'euros, l'épargne salariale concentre à elle seule plus de la moitié des encours. En 2021, elle a bénéficié d'une croissance de 21%, « dans la continuité des dernières années », observe Jon Sallé . En deuxième position, le canal de collecte bancaire et de l'assurance pèse 9,5 milliards d'euros (+ 38%, en 2021). Et enfin, la collecte en direct auprès des particuliers recueille près d'un milliard d'euros, en croissance de 15%.

Ces différents flux sont nourris par trois types de produits financiers différents, qu'agrège le baromètre. En premier lieu, ceux labellisés Finansol. Le label, né il y a 25 ans est géré par Fair. Il garantit à l'épargnant que « tout ou partie de l’épargne collectée finance une activité et/ou un projet solidaire, avec des niveaux de solidarité différents selon la nature des placements ». Et qu'« au moins 25% des intérêts sont versés de façon régulière (au moins annuellement) par l’épargnant sous forme de don à des organismes bénéficiaires ». Deuxième type de produits, ceux de l'épargne salariale solidaire, qui suivent des principes comparables, même s'ils ne sont pas labellisés Finansol. Et enfin, troisième type, les « unités de compte solidaires », des contrats d'assurance-vie.

Quel que soit le canal de distribution, « les produits solidaires sont de plus en plus disponibles. Ils peuvent prendre des formes très variées. Certains sont très militants, d'autres, très sécurisés », explique Jon Sallé. Les épargnants peuvent, par exemple, investir dans Railcoop, entreprise ferroviaire au statut coopératif qui propose des trajets en train sur les petites lignes, un projet à la fois impactant sur le plan environnement et de l'aménagement du territoire, mais qui n'a pas encore fait la preuve de la rentabilité de son modèle économique. Ou alors, ils peuvent opter pour des solutions sécurisées, à l'image du très populaire livret Agir du Crédit Coopératif, qui propose à l'épargnant de partager 50 % de ses intérêts avec une association.

Objectif : 1%

Progressivement, depuis plusieurs années, le contexte législatif et réglementaire est venu encourager l'épargne solidaire. Dernière nouveauté, depuis le 1er janvier 2022, la présence d'unités de compte solidaires est devenue obligatoire dans les contrats d'assurance-vie, en application de la loi Pacte de 2019. Une dizaine d'année plus tôt, la loi LME avait imposé aux sociétés de proposer un fonds solidaire à leurs salariés, dans le cadre de l'épargne d'entreprise. La baisse du forfait social sur cette épargne pour les TPE-PME a renforcé le dispositif en 2019. Résultat, côté offre, « le marché est en train de se structurer avec de nouveaux entrants », constate Jon Sallé. Par exemple, des assureurs créent leurs propres produits ou en distribuent. De nouvelles unités de compte sont apparues sur le marché. C'est le cas notamment de Novaxia R chez Novaxia, (190 millions d’euros d'encours) ou de Sycomore inclusive jobs chez sycomore AM (105 millions d'euros d'encours) . De nouveaux acteurs apparaissent , les spécialistes du « private equity impact ». Ils investissent dans les projets qui cumulent rentabilité et soutien à une cause d'intérêt général, tout en prêtant une attention soutenue à la mesure de l'impact de ce soutien. Comme par exemple, Alter Equity, un fonds qui investit dans les « start-up contribuant à la transition vers un monde plus inclusif et plus durable ». Le changement s'est amorcé dans les années 2000, lorsque les acteurs de la finance traditionnelle ont commencé à intégrer d'autres critères que celui financier dans leur performance. Leur offre s'ajoute donc aujourd'hui à celle des acteurs de l'épargne salariale, originellement plus militante, comme la Nef, coopérative bancaire née en 1988. Dans cette décennie, étaient apparus les produits dits « de partage », qui consistent à utiliser les rendements des placements financiers pour soutenir des associations, via des dons. L'épargne solidaire s'est ensuite déployée, dix ans plus tard, avec les produits financiers tracés qui indiquaient précisément à quoi allait être utilisé l’argent des épargnants.

Les prochaines années, pour Fair, la finance solidaire devrait poursuivre sa croissance. L'offre devrait monter en puissance, au fur et à mesure que les réseaux de distribution se forment aux nouveaux produits. Et du côté de la demande, « la finance solidaire répond à une appétence des épargnants », estime Jon Sallé. Elle répond aux exigences de transparence, en proposant d'investir dans des projets précis et identifiables, et à celle de contribuer à l'intérêt général. Le tout, sans forcément renoncer à son propre intérêt : d'après une étude de l' AMF, Autorité des marchés financiers (2021), la rentabilité des gammes solidaires ne serait pas inférieure à celle des produits classiques. En revanche, leurs frais financiers seraient moindres... Il y a 20 ans, la finance solidaire représentait 500 millions d’euros d'encours et 0,02% de l'épargne des Français. Aujourd'hui, ce pourcentage est monté à 0,41%. Pour Jon Sallé, « le chiffre reste modeste, mais la croissance de l'épargne solidaire est plus rapide que celle de l'épargne au global. L'objectif consiste à atteindre 1% ».