« Il faut que nous revenions à une production nucléaire massive »

En pleine crise énergétique, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire était à Penly le 9 décembre pour affirmer le soutien du gouvernement à la filière nucléaire qui a de grands défis devant elle...

Grand carénage des anciennes centrales, EPR 2, SMR... mais aussi énergies renouvelables. Bruno Le Maire compte sur un EDF renationalisé, pour faire feu de tout bois. (© Aletheia Press / B.Delabre)
Grand carénage des anciennes centrales, EPR 2, SMR... mais aussi énergies renouvelables. Bruno Le Maire compte sur un EDF renationalisé, pour faire feu de tout bois. (© Aletheia Press / B.Delabre)

Il n'y aura pas d'avenir énergétique pour la France sans le nucléaire. Alors que le pays vit au rythme de la « météo » écowatt et redoute des coupures de d'électricité, Bruno le Maire, ministre de l'Economie, est venu porter un message fort en faveur de l'atome, ce vendredi 9 décembre, à Penly. Pour lui, en effet, l'indépendance énergétique et la compétitivité de la France passent toutes les deux par le nucléaire... ainsi que la décarbonation de l'énergie. En clair, la filière a sans doute de beaux jours devant elle, et l'idée d'une sortie du nucléaire semble totalement écartée. « Mais que diable sommes-nous allés remettre en cause, ce qui est notre atout décisif pour notre économie, pour notre compétitivité, pour la lutte contre le changement climatique au XXIe siècle ? », a clamé le ministre devant un parterre acquis à cette cause.

Objectif 750 térawattheures

Défendant la production énergétique comme « la condition de notre prospérité économique », Bruno Le Maire a insisté : « Réindustrialiser la France va demander de produire beaucoup plus d'électricité, 750 térawattheures en 2050 contre 450 térawattheures aujourd'hui. » Aussi a-t-il rappelé les grands chantiers engagés par le président de la République, lors de son discours de Besançon en février 2022, cherchant ainsi à démontrer le volontarisme du gouvernement. Au menu : le développement de la technologie SMR, les réacteurs de petite et de moyenne puissances, « avec la construction d'un réacteur pilote que nous voulons disponible en 2030. » Et surtout, 6 nouveaux réacteurs EPR doivent entrer en service à l'horizon 2035.

Ces technologies restent toutefois controversées, notamment du fait des déboires de l'EPR Finlandais, et des colossaux retards sur ceux de Flamanville (Manche) et d'Hinkley Point (Royaume-Uni). Un détail selon Bruno Le Maire : « Il se passera sur nos réacteurs nucléaires EPR comme SMR, la même chose que pour le Rafale. Les mêmes qui les critiquent aujourd'hui viendront s'extasier devant leurs performances, demain. »

Deux EPR à Penly : c'est presque sûr

Cette stratégie s'appuiera probablement sur la centrale de Penly, qui espère accueillir deux EPR 2. « Il ne m'a pas échappé, même si je ne peux pas me prononcer aujourd'hui, que le site de Penly est candidat à l'accueil d'une paire de ces nouveaux réacteurs - lisez mon sourire - je n'en dis pas plus... ». Initialement pensée pour accueillir 4 réacteurs, dont deux seulement ont été construits, le site de Penly fait figure de tête de liste et se prépare activement.

Déjà, des hangars de stockages des actuels réacteurs sont en cours de déménagement et la séparation physique du site actuel et du probable futur chantier est en cours de construction. Et l'Astrolabe, un bâtiment utilisé comme centre de coordination des chantiers lors de la construction des premiers réacteurs (mis en service en 1990 et 1992), pourrait reprendre du service avec les mêmes fonctions. Bref, tout le monde est dans les starting blocks en attendant l'annonce officielle du gouvernement. « Nous sommes prêts à déposer la demande de permis de construire en 2023, et à démarrer les travaux dès 2024 », a assuré Luc Rémont, le nouveau président-directeur général d’EDF.

La falaise pourrait à nouveau être rabotée si le site de Penly devait accueillir deux réacteurs EPR2. (© Aletheia Press / B.Delabre)

10 à 15 000 embauches par an

En parallèle, un vaste plan de recrutement a été lancé, en s'appuyant notamment sur l'Université des Métiers du nucléaire, soutenue par le plan de relance. Le ministre a d'ailleurs remis leurs bourses d'étude à 14 lycéens dieppois en cours de formation de robinetiers. Ceux-ci travaillent notamment sur un espace « maquette » qui permet de travailler, si ce n'est en conditions réelles, au moins sur des copies conformes des installations de production.

Ces jeunes en cours de formations viendront apporter des compétences fort utiles à la filière, qui ne manque pas de chantiers... Car outre le lancement des EPR2 et des SMR, elle doit aussi résoudre ses problèmes de corrosion sous contrainte, et engager le « grand carénage », chantier colossal destiné à prolonger la durée de vie des centrales actuelles.

Le tout en poursuivant les visites décennales et la maintenance régulière des installations... « Nous avons besoin de recruter de 10 000 à 15 000 personnes par an d'ici 2030. Il faut que nous convainquions, nos étudiants, nos lycéens, nos bac pros de revenir vers la filière nucléaire, et nous devons consacrer tous nos efforts à la formation de ces compétences », a appuyé Bruno Le Maire. Un vrai défi.

Pour Aletheia Press, Benoit Delabre