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Initiative France se mobilise en faveur de l'entrepreneuriat féminin

Environnement critique, tendance à sous-dimensionner ses projets … Les causes de la faiblesse de l'entrepreneuriat féminin sont multiples. Sous la houlette d'Initiative France, plusieurs réseaux mobilisés sur ce sujet se réunissent pour apporter des réponses pertinentes.

(© Adobe Stock)
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Mobilisation générale autour de la cause de l'entrepreneuriat féminin. Le 19 décembre 2023, à Paris, lors d'une conférence de presse intitulée « Libérer tout le potentiel entrepreneurial des femmes », Initiative France, réseau de financement et de soutien à l'entrepreneuriat, officialisait ses ambitions en la matière. Ce, en présence de plusieurs entrepreneuses et acteurs engagés pour cette cause et dont la diversité illustre déjà la complexité du sujet : Action'elles, réseau d'entrepreneuses, Femmes des territoires, association qui accompagne des porteuses de projet, Force Femmes, dédié à l'emploi et à l'entrepreneuriat des femmes de plus de 45 ans, et enfin, Les Premières, un réseau d'incubateur (1 300 entrepreneuses chaque année depuis 20 ans). Si Initiative France a choisi de se mobiliser de manière aussi importante, c'est parce que le pourcentage de projets féminins soutenus par l'association peine à décoller : 43% du total des projets en 2023, 40% en 2018, et 41% les trois années suivantes.

Pourtant, l'association a déjà commencé à déployer plusieurs dispositifs en faveur de l'entrepreneuriat féminin. Dans plusieurs régions, en Île-de-France, Bourgogne, Nouvelle-Aquitaine et Auvergne Rhône-Alpes, les plateformes locales ont organisé des concours d'entrepreneuriat au féminin. « Plusieurs centaines de femmes se présentent, et l'écho est important au niveau régional. Des exemples d'entrepreneuses dont l'entreprise est bluffante sont mises en lumière », précise Guillaume Pépy, président d’initiative France. Au total, 24 lauréates sont distinguées chaque année et 60 000 euros de dotations financières versés. Autre dispositif déjà initié par l'association qui entend le déployer plus largement dans les années à venir : le programme « Vis ma vie » permet à des porteuses de projet de passer quelques jours en immersion avec une entrepreneuse. « L'effet est un peu magique », commente Guillaume Pepy, évoquant la confiance en soi que retirent les participantes de l'expérience.

« Le problème commence à se poser lorsque la femme devient mère »

Au delà du nombre limité de projets féminins soutenus par l'association, un sondage réalisé par celle-ci auprès des entrepreneuses qu'elle suit témoigne des difficultés qu'elles rencontrent : elles sont 71% à déclarer avoir fait face à des clichés et des préjugés en temps que femme. Dans le même sens, 65% d'entre elles ont eu du mal à faire reconnaître leur légitimité et 27% à accéder à des financements. Cette perception négative est particulièrement forte chez les entrepreneuses de moins de 35 ans : 35% considèrent qu'il est plus facile d'entreprendre quand on est un homme, contre 21% des plus de 45 ans.

En fait, le constat des difficultés de l'entrepreneuriat féminin ne fait pas vraiment débat. En revanche, la question du diagnostic, cruciale pour réaliser un choix pertinent des actions à mener s'avère complexe. Lors de la conférence, représentantes des réseaux spécialisés et entrepreneuses ont témoigné de réalités très diverses et qui ne s'excluent pas les unes des autres. « Comme chercheuse, je rencontrais les mêmes difficultés que dans l'entrepreneuriat. Cela reflète simplement les blocages de la société », estime par exemple Marie Cambot. Après une carrière de chercheuse, elle a fondé Innovhem, solution de prédiction de l'aggravation de l'état des malades de drépanocytose ( Val-de-Marne). Le ressenti dAïcha Blili, fondatrice de Dress lab, une marque de prêt à porter, (sa deuxième entreprise), est différent. « Pour moi, le problème commence à se poser lorsque la femme devient mère », juge la jeune femme qui a obtenu le prêt pour sa société au moment où elle accouchait. « J'ai du faire face aux préjugés. Même mes parents, qui sont pourtant entrepreneurs, pensaient qu'il fallait que je sois d'abord mère (…). Mais travailler me donne de l'énergie », témoigne-t-elle.

Des projets sous-dimensionnés et des revenus aussi

Plus pernicieux encore, les blocages à l'entrepreneuriat féminin pourraient bien provenir des intéressées elles-mêmes. Ainsi, Marjolaine Pierrat-Feraille, présidente de Les Premières, constate que les entrepreneuses ont tendance à sous-estimer leurs projets. « C'est chronique. Dans les business plans, les prix sont inférieurs à ce qu'ils devraient être. C'est logique, puisque les femmes sont sous-payées. Mais une femme qui ne se rémunère pas bien se met en danger, et elle met aussi son projet en danger », regrette-t-elle. Johanny Grandclaude, cofondatrice, avec son mari, de l'agence Senior compagnie, spécialisée dans l'aide à domicile pour personnes âgées et dépendantes, à Metz, ne peut que se reconnaître dans cette description. Il lui a fallu tout l'encouragement de ses proches pour qu'elle se lance enfin dans l'aventure entrepreneuriale. « Je m'étais mise des freins toute seule. Mais autour de moi, on m'a dit ‘pourquoi est ce que tu ne le fais pas ?’», témoigne-t-elle. Deux ans après le lancement de la société, le succès est au rendez-vous. Le regard de l'entrepreneuse a évolué. «Je suis fière et à l'aise de défendre mon prix, car je sais ce qu'il recouvre, mais c'est quelque chose que j'ai dû apprendre », explique-t-elle, sans oublier de souligner, à plusieurs reprise, les diverses aides et accompagnements dont elle a bénéficié...

Au delà des difficultés, il existe une autre dimension spécifique à l'entrepreneuriat féminin, souligne l'étude d'Initiative France : les projets des femmes soutenues par l'association comptent une dimension sociétale ou environnementale plus importante que les hommes au moment de la structuration de leur société ( 56 % contre 52% ). Et elles affirment des convictions plus fortes, qu'il s'agisse d'écologie, d'impact social ou de partage de la valeur et du pouvoir ( 90% contre 83% pour ce dernier critère). Combien comptent ces convictions ? Combien pèse la sous-estimation chronique de leurs projets évoquée par Marjolaine Pierrat-Feraille ? Quoi qu'il en soit, ces entrepreneuses sont très nettement plus nombreuses que les hommes à se déclarer insatisfaites de leur niveau de rémunération ( 63% contre 56%).

Anne DAUBREE

Profil modeste des cheffes de petites entreprises

Les femmes, qui représentent 49 % de la population active, ne sont que 12 % à diriger une PME ou une ETI et 6% une entreprise de plus de 1 000 salariés, selon une étude de

Bpifrance Le Lab (2022). Ces cheffes d’entreprises de plus de 10 salariés ont en moyenne 50 ans. Plus souvent célibataires ou divorcées que les hommes, elles ont en général moins d’enfants. Leur rémunération (salaires, dividendes, avantages en nature, etc.) apparaît comme nettement plus faible que celle des dirigeants, quels que soient la taille de l’entreprise, le secteur d’activité et le taux de détention du capital.