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L’ANDRH veut lancer un plan "Un senior, une solution"

L’ANDRH (Association nationale des directeurs des ressources humaines) a fait le point sur les grands enjeux de la rentrée sociale. L’occasion d’évoquer la question de l’emploi des seniors. L’association, qui souhaite « remettre le sujet au cœur des débats » a même lancé un plaidoyer en leur faveur.

(© Adobe Stock)
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56,9%. C’est le taux d'emploi des seniors de 55 à 64 ans, en France, en 2022. Un taux qui continue à progresser, en lien notamment avec les réformes des retraites qui se succèdent et allongent les durées de cotisation et reculent l'âge d'ouverture des droits. S’il est au plus haut depuis 1975, selon la direction statistique du ministère du travail (Dares), il se situe néanmoins en deçà de la moyenne européenne (62,4%), plaçant la France en 17ème position parmi les 27 Etats membre de l'Union européenne.

Pour Benoît Serre, vice-président délégué de l’ANDRH, la problématique des seniors s’explique en grande partie par la conjoncture et la création d’une « dizaine de dispositifs pour faire partir les collaborateurs » : « On sort de 40 ans de chômage de masse », et ceux qui sont aux deux extrémités, les jeunes et les seniors, sont les grands perdants. Avec 7% de chômage et les problématiques actuelles que l’on connaît en matière de recrutement, « on commence à voir l’intérêt de recruter des seniors », explique-t-il. D’autant que la capacité à les maintenir dans l’emploi a augmenté, via la création de plusieurs dispositifs. « Les entreprises ont fait des efforts pour les conserver. Elles ont encore des efforts à faire. Vu le classement de la France, c’est une responsabilité collective des pouvoirs publics et des pouvoirs sociaux », plaide-t-il. Confiant sur l’issue de l’emploi des seniors, il insiste en revanche sur le fait qu’il faut « accélérer le temps. Le sujet va se résoudre, ne serait que pour des raisons démographiques ». Mais le vice-président craint néanmoins que cela ne prenne « 15 ans ».

Un plan seniors à l’image du plan « Un jeune, une solution »

Forte de son rôle d’alerte et d’accompagnement des grandes mutations qui impactent le monde du travail et la fonction RH, l’ANDRH, entend se mobiliser sur le sujet. Dans son plaidoyer en faveur des seniors, l’association met en avant le paradoxe des difficultés de recrutement et le fait que les salariés seniors soient parfois laissés de côté, alors que pour elle « ils ont toute leur place sur le marché de l’emploi et la discrimination fondée sur l’âge est illégitime ». L’ANDRH,met en avant la divergence de vision entre, d’un côté ce que considère le collectif sur les seniors –les problématiques de santé, d’absentéisme, de manque d’engagement– et, de l’autre, la réalité. « Lorsque l’on interroge les seniors, on voit qu’ils sont toujours autant engagés, qu’ils ont moins de contraintes et donc plus de temps et qu’il n’y a pas de sujet santé, excepté sur les métiers pénibles », relève ainsi Audrey Richard, présidente nationale de l’ANDRH. « Il y a aujourd’hui beaucoup de déclarations d’intention pour l’emploi des seniors, mais peu d’actions concrètes mises en place sur le terrain ».

A l’image du plan « Un jeune, une solution », l’association plaide pour l’élaboration d’un plan « Un senior, une solution » sur le même modèle. Pour rappel, le dispositif reposait sur trois piliers : l’aide à l’insertion dans la vie professionnelle, la formation des jeunes et l’accompagnement vers l'emploi ou la formation. Lancé à l’été 2020, avec plus de 9 milliards d’euros investis, il prévoyait, notamment, des aides à destination des entreprises et visait à offrir une solution à chaque jeune.

Congé reconversion et CDI senior

Interrogés sur « comment agir pour l’emploi des seniors », 68% des DRH ont mis en avant le congé reconversion, en cas d’usure professionnelle – conditions de travail difficiles comme le travail de nuit ou en cas d’accident grave ou de métier difficile. Dans les faits, celui-ci est « peu réalisé », constate Audrey Richard. Autre mesures plébiscitées par les RH, le CDI senior, à 64%, l’ouverture des négociations sur le compte épargne-temps universel (CETU) à 55%, et dans une moindre mesure, le fait de rendre le sujet de l’emploi des seniors obligatoire dans les négociations des GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels) (34%) et la mise en place d’un index senior (23%). La Première ministre, Élisabeth Borne, considérant que « Les entreprises ont une responsabilité centrale dans l’embauche et le maintien en emploi des salariés seniors », avait prévu la mise en place d’un tel index. Ce document à remplir par les entreprises pour justifier d'un taux d'employabilité de salariés de plus de 55 ans, qui avait été pensé et envisagé sur le même modèle que l'index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, avait finalement été retoqué par le Conseil constitutionnel.

Pour Audrey Richard, l’objectif est d’aller vers de l’affichage. Insistant sur le fait qu’« il n’y a pas de progrès sans mesure », Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’ANDRH plaide elle aussi pour sa mise en place. Même si Audrey Richard rappelle que la majorité des DRH ayant répondu à l’enquête viennent d’entreprises qui comptent moins de 300 salariés et ne disposent, de fait, pas d’équipes RH et que la mise en place d’un tel index représenterait pour elles une « charge administrative ». La mesure « CDI Senior » ou « CDI fin de carrière », qui était prévue dans le projet de loi sur la réforme des retraites pour inciter les entreprises à recruter les plus de 60 ans, a été elle aussi censurée par le Conseil constitutionnel, le 14 avril dernier, pour des raisons juridiques et n'a donc pas vu le jour. Pour Audrey Richard, celle-ci peut pourtant être « une bonne initiative », dans le sens où elle peut rassurer l’employeur. Côté formation, Benoît Serre s’étonne que le CPF (Compte personnel de formation) ne soit pas « supérieur à ce qu’il est aujourd’hui » à partir de 50 ans. « Il faut anticiper sa deuxième partie de carrière et ne pas y réfléchir à 58 ans », mais avant, insiste-t-il. Pour l’heure, l’ANDRH reste dans l’expectative : « On attend toujours le texte sur la retraite progressive », a conclu Laurence Breton-Kueny.

Charlotte DE SAINTIGNON