L'économie française chahutée

0,3% de croissance au premier trimestre 2022, une inflation à 3%, un déficit commercial record de 84,7 milliards d'euros, en 2021... Difficultés structurelles et conjoncturelles se conjuguent et créent une situation chahutée pour l'économie française, montrent les chiffres de l'Insee et des Douanes.

Photo d'illustration Adobe Stock
Photo d'illustration Adobe Stock

Cela tangue... Le 8 février étaient rendus publics les résultats du commerce extérieur par les Douanes, et le « Point de conjoncture » de février de l'Insee. Julien Pouget, son chef du département de la conjoncture a rappelé le contexte mouvant dans lequel s'inscrit l'économie, lors d'une web conférence de presse : tensions géopolitiques persistantes qui font monter le prix du pétrole, inflation qui induit l'hypothèse d'une politique de resserrement monétaire, vague Omicron et ses mesures sanitaires. Toutefois, « l'ombre portée par la vague Omicron (…) devrait être circonscrite et temporaire », juge Julien Pouget. En conséquence, pour les deux premiers trimestres de l'année 2022, l'Insee prévoit une croissance de l'ordre de 0,3%, suivie de 0,6%. L’acquis de croissance à mi-année s’élèverait à +3,2 %.

Et pour l'instant, le constat est celui d'un quatrième trimestre 2021 où « la France a retrouvé son niveau d'activité d'avant crise », annonce Julien Pouget. Il se situe même 1% au dessus du dernier trimestre de l'année 2019. Toutefois, sur l'ensemble de l'année, il demeure inférieur à celui de 2019. L'activité économique a évolué de manière contrastée selon les secteurs : les services marchands ont dépassé leur niveau d'avant crise, mais l'hébergement et la restauration restent très en deçà (16%). C'est aussi le cas de l'industrie, mais avec des disparités. A contrario, le secteur de l'information, communication et informatique, très dynamique, a dépassé ce seuil.

Du côté de la demande, « la consommation a retrouvé son niveau d'avant crise », poursuit l’économiste. Autre prévision de l'Insee à la hausse, celle de l'inflation, avec un taux entre 3 et 3,5% dans les mois à venir : la hausse des prix de production devrait se transmettre aux prix à la consommation des biens alimentaires et manufacturés. « Industrie et agriculture connaissent une hausse des prix de production depuis un an », rappelle Olivier Simon, chef de la division synthèse conjoncturelle. Ces augmentations sont, respectivement, de 16,9% pour l'industrie et 17,6% pour l'agriculture (en décembre 2021, sur un an). A contrario, « les services connaissent une hausse de leurs prix de production plus modérée », ajoute l’expert. Contenue à 2,9%, elle est toutefois beaucoup plus élevée pour certains secteurs sous tension, comme le transport maritime (+85% sur un an, automne 2021). L'Insee note par ailleurs que la hausse globale actuelle de l'inflation aurait été supérieure d'au moins un point sans les boucliers tarifaires du gaz et de l'électricité.

Inquiétudes sur le recrutement, l'approvisionnement, l'export...

Dans ce contexte mouvant, l'Institut de statistique a également pris la mesure de deux phénomènes préoccupants, les recrutements et les difficultés d'approvisionnement. Ces dernières ont « un peu reflué », constate Julien Pouget. Alors que 45% des entreprises industrielles déclaraient rencontrer des problèmes en octobre dernier, elles sont 35% aujourd'hui. Mais « cela reste un niveau très élevé », commente Julien Pouget. Dans le bâtiment, le taux, aux alentours de 30%, n'a pas vraiment évolué depuis l'automne dernier. A contrario, les difficultés liées à la demande demeurent limitées (20%). Autre sujet dolent, « en début d'année, les difficultés de recrutement se sont accentuées ou maintenues à un haut niveau », poursuit Julien Pouget. Dans l'industrie, elles se situent à un niveau record : 61%, soit le double du chiffre habituel. Dans les services, le taux s'élève à 54%. Et dans le bâtiment, il atteint 77%, mais son niveau est similaire à celui d'avant crise.

Autre motif préoccupant, annoncé celui-ci par les Douanes : le record atteint par le déficit commercial. Ce dernier s'est creusé de 20 milliards d'euros pour atteindre 84,7 milliards d'euros en 2021, période durant laquelle le PIB progressait de 7%. Plusieurs phénomènes sont en cause. Portés par la consommation des ménages et l'investissement des entreprises, les importations de biens et matériaux ont augmenté de 19%, alors que les prix explosaient, en particulier ceux de l'énergie. Les exportations, elles, ont progressé de 17% mais restent pénalisées par les moindres performances de secteurs clés comme l'aéronautique. Par ailleurs, la part de marché de l'Hexagone dans les exportations de biens dans la zone euro a continué de reculer l'an dernier, d'après le cabinet Rexocode, cité par le quotidien économique Les Échos du 8 février. Elle est tombée à 12,5 %, contre 12,9 % en 2020 et 13,9 % en 2019. A l'inverse, Italie et Espagne ont gagné des parts de marché.