L’hydrogène, énergie du futur ou simple vecteur ?

L’idée refait surface : l’hydrogène pourrait aussi se positionner comme source d’énergie, ou « carburant », et non pas comme simple vecteur d’énergie dans des piles à combustible. Les industriels se contredisent parfois…Eclairage.

Photo d'illustration Adobe Stock
Photo d'illustration Adobe Stock

A l’heure où les incertitudes pèsent sur les livraisons et le prix du pétrole et du gaz, l’Europe veut encore accélérer la transition énergétique vers moins d’énergie fossile et moins de CO2. Dans ce contexte, l’hydrogène « vert » occupe une place croissante. Y compris comme possible combustible.

Constituant une très grande part du soleil (en fusion thermonucléaire), l’atome H qui possède l’isotope le plus élémentaire (un proton, un électron), pourrait changer la donne dans les sources d’énergie, grâce au développement des piles à combustible générant de l’électricité. Mais aussi comme carburant ou combustible directement dans des moteurs ou turbines - après de grandes précautions car, on le sait, c’est un gaz très inflammable, qu’il faudrait idéalement stocké sous forme liquide (à moins 252°C).

Mais encore faut-il que cet hydrogène soit produit en quantité suffisante et qu’il soit « vert », c’est à dire avec un bilan environnemental acceptable sur tout son cycle de vie ; ou que de nouvelles prospections dans l’écorce terrestre (-1000 à – 6 000 m) confirment son existence en quantité suffisante.

Car si ’hydrogène est potentiellement présent sur toute la terre (dans chaque molécule d’eau et dans tous les composés), il existe très peu à l’état naturel, comme au Mali. Et son transport suppose des gazoducs sur des milliers de kilomètres ou une liquéfaction coûteuse, puis un acheminement sécurisé (comme le GNL).

La promotion de l’hydrogène vert

Pour l’heure, l’hydrogène continue d’être produit industriellement sous la désignation « dihydrogène » ou H2 (constitué de 2 atomes). Il est obtenu par « vaporeformage » de méthane, procédé coûteux, endothermique (très absorbeur de chaleur) et anti-écologique (génération de CO2). En attendant d’être « reverdi », il reste stratégique pour la sidérurgie, la métallurgie, la fabrication d’engrais (ammoniaque), le raffinage des produits pétroliers, la fabrication du verre, etc.

L’autre moyen de production de l’hydrogène, et à l’état pur, est l’électrolyse de l’eau : un courant électrique traverse le liquide « alcalin » et sépare les atomes d’oxygène et d’hydrogène. Le procédé reste coûteux, très consommateur d’énergie électrique. Il devient écologique lorsque l’énergie utilisée est « verte » (solaire, éolien, turbine hydraulique…) ou « décarbonée » (énergie nucléaire).

Source d’énergie face à la pile à combustible

Pour autant, l’hydrogène devenu vert peut-il prospérer comme source d’énergie en soi ? Car beaucoup d’industriels préfèrent miser sur la pile à combustible à hydrogène. Celle-ci a vocation à générer de l’électricité. Elle fonctionne donc à l’inverse de l’électrolyse, produisant de l’électricité par « oxydoréduction » : dans un électrolyte, entre une « anode » (le -), qui reçoit de l’hydrogène et une cathode (le +) de l’oxygène, on produit un flux d’électrons, et donc un courant électrique continu, ainsi qu’un peu d’eau.

Beaucoup de développements progressent à grands pas autour de la pile à combustible notamment pour des générateurs d’énergie dans les collectivités, les grands ensembles et pour les transports (trains, poids lourds, bateaux). Pour les véhicules légers, la motorisation électrique sur batteries rechargeables a pris le dessus. Mais pour combien de temps ? Car la fabrication et la maintenance des batteries présentent un bilan environnemental peu vertueux. Ainsi, en France, dans les deux-roues, la start-up Pragma Industries, à Biarritz, joue cette carte : elle va présenter Alpha Néo, la troisième génération de son vélo à pile à hydrogène...

Un bon nombre d’industriels considèrent toujours que l’hydrogène puisse constituer un combustible à utiliser directement dans un moteur ou une turbine. Les moteurs de fusée l’utilisent à grande échelle en l’injectant et en le mélangeant dans les tuyères : une combustion trois fois plus efficace que celle de l’essence. Et dans ses projections à 2030 et 2050, Airbus l’envisage, excluant les batteries, beaucoup trop lourdes et réservant la pile à hydrogène à une source d’appoint.

Y compris dans des moteurs à explosion ?


Et qu’en est-il pour les moteurs thermiques ? Pourra-t-on utiliser l’hydrogène comme, jadis, le GPL ? Et de façon sûre et sans usure prématurée. Pas impossible. Ainsi, récemment, le groupe Toyota a montré un prototype de moteur V8 fonctionnant à l’hydrogène et voué à équiper la Lexus RC F. Jusque-là, on songeait à des bolides de course… Or, commande a été officiellement passée à Yamaha Motor pour parachever des développements commencés il y a cinq ans. Jusqu’ici, Toyota semblait tout miser sur la pile à combustible (cf. son modèle Mirai, et les taxis Hype en Ile-de-France). Cherchez l’erreur…

Pierre MANGIN