La rénovation du bâtiment, une occasion perdue ?

Longtemps stable, le marché de la rénovation dans le bâtiment devient de plus en plus irrégulier, mais continue de bénéficier d’une demande contrainte. En revanche, de trop lourdes obligations empêchent les artisans de profiter du potentiel lié aux enjeux énergétiques, d’après la Capeb.

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La rénovation pourrait représenter une valeur sûre pour les artisans, dans un marché aujourd’hui très secoué. Le 24 mai dernier, à Paris, au cours d’une journée « Rencontres de la Capeb », organisée par la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, une table ronde était consacrée aux « artisans du bâtiment face au défi de la rénovation des logements ».

En toile de fond, le marché de la rénovation présente des caractéristiques bien spécifiques, dévoile Laurent Frelat, vice-président de Xerfi Specific, institut d’études. Historiquement, depuis 1980, « ce marché a connu une dynamique très régulière, relativement lente mais constante, avec une croissance d’environ 1 % par an, jusqu’à la rupture de 2008-2009 », explique l’expert. Depuis, la courbe est devenue plus irrégulière. En 2008 et 2009, le niveau d’activité a baissé. Plus récemment, la chute exceptionnelle d’activité de 2020 a été suivie d’un rebond les deux années successives, atteignant des niveaux d’activité « sans précédents », note Laurent Frelat. Par ailleurs, les études montrent une forte corrélation entre l’évolution du PIB et le marché de la rénovation, sur la longue période. A contrario, « l’élasticité prix est très faible », ajoute l’économiste. Bonne nouvelle en période d’inflation, une augmentation des prix n’impacte donc pas la demande de manière très importante. C’est en particulier le cas pour celle concernant les travaux qui relèvent de l’urgence et ne peuvent donc être reportés.

Le RGE, « trop compliqué »

Au fil des décennies, les artisans ont toujours contribué à rénover les logis des Français, amenant des améliorations successives. Dans les années 30, l’électricité – les premiers électriciens étant les forgerons, dans les villages, qui savaient travailler le métal-, puis les salles de bains, le chauffage… « Jusqu’à présent, nous avons amené du confort, de la technique pour chaque foyer. Aujourd’hui, le grand défi est de ne plus penser seulement aux foyers de manière individuelle, mais à l’ensemble de la population et au sort de la planète », pointe David Morales, vice-Président de la CAPEB, en charge des affaires économiques. Désormais, en matière de rénovation, l’enjeu majeur est celui énergétique, en théorie servi par le calendrier serré et contraignant pour les propriétaires : en 2025, l'ensemble des logements classés G (soit 7% du parc actuellement) seront interdits à la location, puis les F en 2028 (10%) et les E en 2034 (22%). Toutefois, « Nous avions prévenu que le calendrier était intenable et nous demandons sa modification. Pour les logements classés G, l’échéance est dans 18 mois ! Or, les deux tiers d’entre eux sont en copropriété, laquelle a une temporalité qui lui est propre », souligne Loïc Cantin, président de la FNAIM, Fédération nationale de l’immobilier.

Pour Camille Galtier, maire de Manosque ( PACA), très engagé dans une démarche de rénovation, dans le cadre du programme « Action cœur de ville », l’une des difficultés dans la réalisation de ces rénovations réside dans le fait de parvenir à trouver des artisans labellisés RGE, Reconnu garant de l'environnement, distinction nécessaire pour obtenir des aides financières. « Nous ne disposons pas de 100 artisans au m², c’est difficile. De plus, il arrive que certains artisans viennent mais renoncent au chantier, jugeant le dossier trop complexe», poursuit l’élu local. « Mettre sur pied des dossiers, obtenir des aides est très compliqué. Nous voudrions que la démarche soit simplifiée », confirme David Morales. De fait, en 2021, Qualibat, organisme de certification, a observé une baisse du nombre d'entreprises et artisans qualifiés RGE, 59 009 entités détenaient le sigle en 2021, contre 59 945 en 2020 (-1,6%).