Budget 2023 : le mariage de la carpe et du lapin ?

Dans un contexte économique et social dégradé, qui rend les projections macroéconomiques très incertaines, le budget 2023 cherche à concilier des objectifs nombreux et parfois contradictoires pour ce nouveau quinquennat…


(c) Adobe Stock
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L’exercice est périlleux, mais convenu : tenter de démontrer lors de la présentation du projet de loi de finances (PLF) et du « programme de loi de programmation des finances publiques sur le quinquennat » (sic) que, sur la base d’hypothèses très optimistes, une embellie économique est possible à partir de 2023. D’où certainement le titre du budget 2023 : « Protéger les Français et aller vers le plein emploi ». Incantation ou vœu pieux ? Toujours est-il qu’il faudra, durant l’année 2023 et sur tout le quinquennat, marier parfois la carpe et le lapin, afin d’une part de baisser les impôts, protéger le pouvoir d’achat des ménages et éviter la faillite des entreprises face à la flambée des coûts énergétiques, et d’autre part, de maîtriser les dépenses publiques pour réduire le déficit public et la dette.

158,5 milliards d’euros de déficit budgétaire

Globalement, les dépenses nettes de l’État se monteraient à 500 milliards d’euros en 2023, en légère baisse « cosmétique » par rapport à 2022, tandis que les recettes nettes augmenteraient très peu à 345 milliards d’euros. La défense, l’enseignement, l’emploi et l’écologie sont les missions qui voient leur ligne budgétaire s’envolait le plus, même si les crédits alloués à l’usage des énergies fossiles augmentent aussi. Le déficit budgétaire demeurera ainsi abyssal en 2023, à 158,5 milliards d’euros, contre 57,7 milliards d’euros après la première année du mandat de Macron.

En ce qui concerne les dépenses publiques, qui incluent les dépenses de toutes les administrations (État, collectivités, Sécurité sociale et administrations publiques diverses), le gouvernement prévoit leur réduction continue jusqu’en 2027, où elles atteindraient 53,8 % du PIB. Le taux de prélèvement obligatoire, quant à lui, se stabiliserait à 44,3 % du PIB en fin de mandat. Ainsi, le solde public, différence entre les dépenses publiques et les recettes publiques, déclinerait lentement de 5 % du PIB en 2023 à 2,9 % du PIB en 2027. Passer sous la barre des 3 % du PIB permettrait tout à la fois de ne pas être tancé par la Commission européenne pour déficit excessif et d’apparaître, auprès des partenaires européens, un tantinet crédible en matière budgétaire. Et concernant la dette publique, elle ne reculerait guère et resterait aux alentours de 111 % du PIB, ce qui pose la question de sa soutenabilité au regard de la hausse actuelle des taux d’intérêt.

Soutien aux ménages et aux entreprises

Assurément, les crises se sont conjuguées durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron : gilets jaunes, Covid-19… et maintenant l’inflation ! Et pour éviter l’effondrement économique et la crise sociale, le gouvernement n’a eu d’autres choix que de mettre la main au portefeuille depuis cinq ans. La Sécurité sociale n’a pas été en reste, d’où son déficit. Son budget, voté plus tard, et à part du PLF, pourrait réserver encore quelques passes d’armes.

Assurément, le « quoi qu’il en coûte » est loin d’être terminé, l’urgence du budget de l’État étant visiblement de préserver en premier le pouvoir d’achat des ménages. Pour ce faire, le bouclier tarifaire mis en place l’année d’avant sera prolongé en 2023, afin de contenir l’augmentation des prix du gaz et de l’électricité à 15 %. Cela pour un coût net estimé à environ 20 milliards d’euros, dans lequel il faut inclure les « chèques énergie exceptionnels », annoncés par la Première ministre, Elisabeth Borne, pour soutenir « les 12 millions de foyers les plus modestes ».

Le budget se veut également rassurant en matière d’imposition, avec une indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, une déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et la suppression définitive de la taxe d’habitation sur les résidences principales. Bref, il s’agit de soutenir le pouvoir d’achat des ménages au moyen d’aides de l’État et de baisses d’impôts. Un grand écart qui, à terme, pèsera inévitablement sur les contribuables.

Quant aux entreprises, 3 milliards d’euros sont prévus pour leur venir en aide face à la flambée des prix de l’énergie. De plus, dans l’espoir que la réduction des impôts de production soutiendra la compétitivité des entreprises, la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sera supprimée sur deux ans, ce qui est loin de faire les affaires des collectivités territoriales… Des mesures sont aussi annoncées pour aider à l’embauche des alternants, la formation des salariés et accompagner les demandeurs d’emploi de longue durée.

En définitive, l’enjeu pour le gouvernement consiste désormais à trouver le meilleur moyen de faire voter son budget par le Parlement. À défaut, un passage en force à la faveur de l’article 49-3 s’accompagnerait inévitablement du vote d’une motion de censure envers le gouvernement et d’une crise politique, susceptible de s’aggraver si Emmanuel Macron ripostait par une dissolution de l’Assemblée nationale…