Le metaverse déjà passé de mode ? Les applications tardent…

Beaucoup de spécialistes préfèrent parler de « web immersif ». Ils prennent leur distance avec le terme « metaverse » survendu par Meta (Facebook). Les applications professionnelles se cherchent. Et les infrastructures – dont la 5G - ne sont pas prêtes.

Le metaverse déjà passé de mode ? Les applications tardent…

Premier paradoxe, le metavers (metaverse, en anglais) était encore très cité, à la fin de 2022, quelques jours avant l’ouverture du salon de l’électronique CES de Las Vegas. Or, les reportages ont escamoté le sujet. Rappelons que le terme lui-même est « réchauffé » : il a été inventé en 1992 par un auteur de science-fiction, Neal Stephenson, qui parlait déjà d’avatars. C’était dix ans avant que ne survienne la plateforme virtuelle Second Life, aujourd’hui oubliée…

Beaucoup de spécialistes préfèrent parler de « web immersif » ou « Internet 3.0 ». Il est question d’applications de « réalité augmentée », de « réalité virtuelle ». C’est ce que concrétisent, effectivement, les lunettes ou casques VR (virtual reality) - comme chez HTC, Meta (Oculus Quest), Sony (PlayStation), Microsoft (HoloLens 2), etc. Rien n’interdit de les tester. Leur poids s’allège, leur champ de vision se « panoramise » (jusqu’à 115°) et la bande sonore qui les accompagne est très flatteuse (cf. Apple) ; pourtant, leurs ventes restent cantonnées à l’univers du jeu, à la formation, à l’apprentissage (simulateurs). Les versions professionnelles coûtent jusqu’à 1 500 euros.

Il y deux ans, Meta (Facebook) prédisait que nos réunions de travail seraient bouleversées par des solutions telles que Horizon Workrooms, avec la possibilité de réunions hybrides, rapprochant des personnes physiquement présentes et d’autres à distance. Pour tenter de créer des espaces immersifs personnalisables, Microsoft tire mieux son épingle du jeu grâce à l’interaction de ses applications Mesh avec Office et Teams. Les collaborateurs sont censés se déplacer virtuellement pour travailler en réunion sans bouger de leur bureau – un casque VR vissé sur la tête…

La dimension olfactive

Le metavers pourrait-il rebondir grâce à des innovations « disruptives », comme celle de la start-up OVR Technology ? Elle introduit le sens olfactif par une cartouche (Ion Scentware) posée sur la joue (sous le casque VR…) et pilotée par une application mobile ; celle-ci libère des senteurs à partir d’une combinaison de millier de particules odoriférantes. Ce qui, avec une bande son hi-fi, pourrait conduire à une immersion bluffante dans des univers reconstitués.

Pour l’heure, toutes les applications émergentes ne convainquent pas. Quelques voies s’ouvrent. Dans l’automobile, Stellantis et Microsoft s’associent pour créer un showroom virtuel. Partenaire, l’équipementier Valeo réalise déjà l’insertion d’images et de messages au conducteur ; et peut projeter des marquages de sécurité sur la chaussée, grâce à un pilotage de l’éclairage LED.

Sur le fond des océans, Nemo's Garden (Italie) et Siemens mènent une expérimentation de cultures dans des biosphères sous-marines ; elle repose sur le « jumeau numérique » d’une ferme aquacole. Ce même concept de jumeau numérique se retrouve dans une usine futuriste de BMW : à partir d’acquisitions de données, on peut inspecter tous les processus de fabrication et les améliorer.

Dans les ascenseurs ThyssenKrupp, des responsables de maintenance commencent à utiliser des casques VR pour visualiser des installations avant une intervention. Ils anticipent ainsi leurs gestes et leurs besoins en outillage. Le gain de temps serait de 50%.

Des infrastructures en construction

L’imagination et la créativité ne vont pas suffire pour assurer le développement de ces univers parallèles. Des infrastructures de communication en temps réel, dotées d’une très faible latence, s’imposeront. Les coûts sont élevés. La 5G apportera une grande partie de la réponse – quand elle sera mûre : fréquences millimétriques pour les très hauts débits en local. Il sera nécessaire de constituer un maillage très dense de connexions à très haut débit, reposant aussi sur la fibre optique.

Oublions les applications de réseaux sociaux, oublions le concept de metavers à la mode Facebook : l’enjeu des applications professionnelles (B2B) est de connecter des objets entre eux. Cela concernera les applications de jumeaux numériques, les bâtiments intelligents, l’information aux automobilistes, la signalisation… Bref, un vaste chantier pour une décennie qui, en plus, doit être écoresponsable.

Pierre MANGIN