Le plan du gouvernement pour surmonter les tensions de recrutement

L'Etat va débloquer 1,4 milliard d'euros pour pousser les entreprises à former salariés et chômeurs. Via son Plan de réduction des tensions de recrutement, Jean Castex veut inciter à la reprise de l'emploi, renforcer l'attractivité des métiers et mobiliser la formation, afin de faire se rencontrer les besoins des employeurs et les compétences disponibles.

Photo d'illustration Adobe Stock
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Quelque 300 000 emplois seraient à pourvoir selon la Banque de France. Soit « un petit peu plus de 10 % du nombre de chômeurs », compare Jean Castex, principalement dans l’hôtellerie-cafés-restauration, le BTP, l’industrie, la santé et le grand âge, les transports et la logistique et le commerce. Parmi les principales difficultés de recrutement rencontrées, un nombre de candidatures insuffisant et un manque de compétences adaptées (expérience ou formation insuffisantes). « Les employeurs peinent à pourvoir les emplois vacants, mais aussi à trouver des salariés qui correspondent à leurs besoins, constate le Premier ministre. De trop nombreux demandeurs d’emploi restent en situation de recherche, à commencer par les chômeurs de longue durée, et la reprise est bridée, et donc notre activité. »

Pour répondre à ces défis, Jean Castex a lancé un « Plan de réduction des tensions de recrutement ». Son objectif : former les salariés et les demandeurs d’emploi pour répondre aux besoins immédiats des entreprises et les orienter vers les métiers porteurs. Budget total : 1,4 milliard d’euros, avec 600 millions consacrés à la formation des salariés pour les PME de 51 à 300 salariés pour « former 350 000 personnes supplémentaires », 560 millions dédiés à la formation des demandeurs d’emploi et 240 millions de prime à l’embauche en contrat de professionnalisation, pour les demandeurs d’emploi de longue durée.

Le plan passe d’abord par la mise en œuvre de la réforme de l’assurance-chômage au 1er octobre et ses dernières dispositions qui entreront en vigueur le 1er décembre, afin d' « encourager le travail » et « faire en sorte que l'activité rémunère plus et mieux que la non-activité ». Autre réponse apportée par le gouvernement, le renforcement de l’attractivité des métiers, qui passe « par l’ouverture de négociations sur les conditions de travail, les évolutions professionnelles et les salaires dans les branches professionnelles », détaille Jean Castex.

Des salariés qui montent en compétences

Premier axe, renforcer la montée en compétences et les reconversions des salariés. Pour permettre aux entreprises de « former leurs salariés en permanence », le FNE formation sera abondé et le dispositif « Transitions collectives » simplifié. Depuis 2020, près de 440 000 salariés placés en activité partielle pendant la crise ont pu bénéficier du FNE formation. En 2021, le dispositif a été adapté pour financer des formations plus qualitatives et plus longues. Objectif, prévenir le risque de déclassement ou l’entrée dans un chômage de longue durée. Pour répondre aux nouveaux besoins liés aux mutations économiques et technologiques, le fonds sera abondé pour proposer 50 000 formations « longues » (400 heures en moyenne) et 300 000 formations « courtes » (40 heures) pour répondre aux enjeux immédiats de reprise, ciblés pour les TPE-PME.

Déployé depuis le 15 janvier 2021, le dispositif, « Transitions collectives », vise à faciliter la reconversion professionnelle des salariés volontaires dont l’emploi est menacé, vers des métiers porteurs sur le même territoire, via des formations financées par l’Etat sans passer par la case chômage. Celui-ci pourrait dorénavant être mis en place par le Comité social et économique (CSE), pour être accessible aux PME.

Des demandeurs d’emploi formés en situation de travail

Deuxième axe, amplifier l’effort de formation des demandeurs d’emploi pour répondre aux besoins des entreprises. Le gouvernement s’est ainsi fixé l'objectif de « former 1,4 million de demandeurs d'emploi en 2022 ». Le Plan d’investissement dans les compétences (PIC), lancé en 2018, vise à former des personnes en recherche d’emploi – 1,3 million cette année–, quel que soit leur niveau de qualification. Il a en outre permis 460 000 formations vers les métiers en tension en 2020. Parmi les actions mises en place, des formations associées à une promesse d’embauche, sous la forme d’une formation préalable au recrutement (AFPR) ou de la Préparation opérationnelle à l’emploi (POE) de moins de 400 heures. « Dans ce dispositif, la personne intègre directement l'équipe de travail pour apprendre le métier », a expliqué le Premier ministre.

Le gouvernement entend par ailleurs renforcer les formations plus longues et qualifiantes, en direction des professions qui exigent des compétences particulières ou très spécialisées. Ces formations en situation de travail, qui reposent sur l’entrée immédiate du demandeur d’emploi dans l’entreprise, affichent des taux de retour à l’emploi parmi les plus forts (85 %), y compris pour les chômeurs de longue durée. «Nous assumons le parti pris de privilégier au maximum les formations en entreprise, directement opérationnelles », a indiqué le Premier ministre. Le plan permet à la fois d’augmenter le nombre de ces formations et d’en simplifier le recours pour les entreprises.

Des parcours de remobilisation pour les chômeurs longue durée

Troisième axe, déployer un plan spécifique et massif pour les demandeurs d’emploi de longue durée de plus d’un an. Ces derniers représentent plus d'un inscrit sur deux à Pôle emploi. « Nous sommes les mauvais élèves de l’Europe en termes de chômage de longue durée. Celui-ci a augmenté depuis le début de la crise de 10% », signale Jean Castex.

Ce plan spécifique repose sur la remobilisation de ces demandeurs d’emploi, principalement par l’immersion en entreprise et des parcours associés à une promesse d’embauche. Via Pôle Emploi, ils bénéficieront d’un diagnostic personnalisé, d’un plan d’actions pour prendre en compte l’ensemble de leurs difficultés et d’une aide à l’embauche en contrat de professionnalisation vers les métiers qui recrutent.

Pour les demandeurs d’emploi de très longue durée, soit 800 000 personnes inactives depuis plus de deux ans, Pôle emploi proposera un « parcours de remobilisation » plus intensif encore. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé l’extension « sur toute l'année 2022 » de l'aide à l'embauche des alternants, « qui fonctionne très bien pour les jeunes », pour « rendre plus incitatif le recours aux contrats de professionnalisation pour l'embauche d'un chômeur de longue durée ». Cette aide de 8 000 euros versée à l’employeur durant la première année d’exécution du contrat sera ainsi applicable aux contrats de professionnalisation pour les demandeurs d'emploi longue durée âgés de plus de 30 ans.

Enfin, 3 000 cadres inactifs depuis plus d’un an vont bénéficier du programme d’accompagnement de sept mois « Nouveaux horizons » de l’Apec, avec le doublement du nombre de places pour l’occasion.

                                                                                                             Charlotte DE SAINTIGNON