« Les entreprises partenaires de Kodiko peuvent valoriser leur marque employeur et donner du sens aux salariés »

Depuis 2016, Kodiko œuvre pour l'insertion socio-professionnelle des personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Interview de Cécile Pierrat, sa présidente et co-fondatrice.

Cécile Pierrat, présidente et co-fondatrice de l’association Kodiko
Cécile Pierrat, présidente et co-fondatrice de l’association Kodiko

Quelle est la genèse de la création de Kodiko ?

Kodiko est une association d’intérêt général qui a vu le jour en 2016 avec la crise syrienne à l’initiative de deux citoyennes françaises. Sa raison d’être ? Créer une société plus inclusive en faveur de l’insertion professionnelle des personnes réfugiées et permettre aux entreprises, de plus en plus sensibles à leur impact social et sociétal, de développer leur politique RSE et répondre au besoin d’engagement des salariés. En termes de population aidée, nous ne nous positionnons pas sur l’urgence. Nous ne sommes pour le moment pas encore mobilisés sur les réfugiés ukrainiens. Nous laissons les associations idoines gérer les problématiques d’accueil de logement. Nous intervenons plutôt en aval, une fois la logique de l’urgence finalisée et le statut de réfugié obtenu. Nous serons là par la suite pour accompagner les réfugiés ukrainiens qui souhaitent rester en France, comme nous avons pu le faire auparavant pour les Syriens ou les Afghans. D’après le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés, le nombre de réfugiés ukrainiens ayant fui vers les pays voisins vient de franchir le cap symbolique de 4 millions de personnes.

Que propose Kodiko aux entreprises ?

Le cœur de métier de Kodiko, c’est un programme « co-training » de six mois, basé sur la constitution de binômes entre une personne réfugiée et un salarié d’entreprise partenaire. Les salariés volontaires qui veulent permettre à ces personnes réfugiées de s’intégrer en France sur le long terme les accompagnent, via le mentorat, dans leur insertion professionnelle. Concrètement, la rencontre se fait sur le lieu de l'entreprise et pendant les horaires de travail. Cela prend la forme d’un accompagnement personnel et d’un parcours collectif. Après un mois d’incubation pour réaliser un co-diagnostic, identifier les besoins et définir un projet professionnel avec des coachs, les binômes se forment et se rencontrent deux fois par mois, pendant cinq mois, soit au total dix rencontres de deux heures. En complément, des ateliers d’accompagnement collectif –50 heures au total sur six mois– permettent aux personnes réfugiées de s’approprier les codes socioprofessionnels et les outils de recherche d’emploi –comment présenter un projet, faire un CV ou rédiger une lettre de motivation, un mail… L’objectif est de partir de leurs compétences et de voir avec eux comment ils souhaitent les mettre à profit.

Quels sont les avantages de ce partenariat ?

C’est une démarche « gagnant-gagnant » pour les deux parties. Dans ce mode d’action humaniste et positif, toutes les parties prenantes peuvent s’enrichir humainement grâce à des relations interpersonnelles de qualité et à des découvertes interculturelles. D’autant qu’un salarié qui s’engage va garder le lien avec la personne réfugiée après les six mois d’accompagnement. Pour les salariés, cela participe à déconstruire le regard très stigmatisé qu’ils peuvent avoir sur les réfugiés. Ils sont formés en amont, à la fois sur la thématique de l’asile et sur les codes interculturels et peuvent ainsi entrer en lien et échanger des bonnes pratiques avec leurs pairs mentors qui participent eux aussi au programme. Enfin, ce mécénat de compétences permet aux collaborateurs d’être fiers de l’engagement pris par leur employeur et pour les entreprises, de valoriser leur marque employeur et de donner du sens aux salariés. Du côté des réfugiés, l’objectif est de développer leur réseau, de les rendre autonomes dans leur recherche d’emploi et de leur redonner confiance en eux, afin qu’ils puissent réaliser un projet qui leur permette de se projeter, de s’intégrer dans la société et de trouver la place qu’ils et elles méritent en France. Nous souhaitons lutter contre le déclassement professionnel que subissent les personnes réfugiées à qui l’on propose souvent des postes bien en-dessous deçà de leurs compétences.

Quels sont les résultats de cet accompagnement ?

Depuis la création de Kodiko en 2016, 1 080 binômes ont été formés. Ainsi ce sont 1 080 salariés et 1 080 réfugiés qui ont participé au programme. Notre bilan d’impact montre qu’au bout de six mois, 76% des personnes réfugiées trouvent une opportunité professionnelle, que ce soit une formation ou un emploi de plus de six mois. Depuis la création de Kodiko, 40 fondations et entreprises se sont engagées à nos côtés. Le programme s'adresse à tout type d'entreprise. Parmi nos partenaires, nous comptons beaucoup de grands groupes du Cac 40, car ils ont souvent des implantations dans les territoires, comme la SNCF, la Société Générale, le groupe Vinci, Suez ou Veolia. Mais aussi des entreprises plus locales –des TPE et start-up comme Pum, Klaxoon ou Utopies, ou de grosses PME comme l’Aéroport de Rennes ou L’Alsacienne de restauration. Des chiffres venus d’Allemagne montrent que les entreprises qui sont les plus diverses seraient 20% plus performantes que les autres. Que ce soit dans le cas du mentorat, ou mieux encore dans le cas de l’embauche, toutes les parties concernées apprennent les unes des autres et s’enrichissent.

Quels sont les projets de l’association ?

L’association, présente à Paris, Tours, Strasbourg et Rennes, soit sur quatre territoires, n’est pas encore présente dans le Nord-Pas-de-Calais. Si jusqu’à maintenant, nous étions plutôt dans la démarche d’ouverture de nos antennes en propre, nous avons un gros projet d’essaimage depuis 2021, pour proposer des franchises sociales. Soit offrir à d’autres porteurs de projet la possibilité d’ouvrir des antennes Kodiko et de lancer le programme sur leur territoire.

Charlotte DE SAINTIGNON