Les Français se détournent-ils de la culture ?

Les Français sont loin d'avoir repris leurs activités culturelles au même niveau qu'avant la pandémie, d'après une étude d'opinion du ministère de la Culture. Un véritable défi pour les institutions, obligées de revoir leur offre pour s'adapter à une demande qui a évolué.


 Photo d'illustration Adobe Stock
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Quatorze millions de spectateurs se sont rendus au cinéma en octobre, en France, d'après les estimations du CNC, Centre national du cinéma et de l'image animée. Le chiffre, inférieur de 29% à celui d'octobre 2019, fait échos aux résultats de l'étude d'opinion publiée le 27 octobre par le ministère de la Culture. Son objectif : connaître l’impact de la crise sur les pratiques culturelles des Français quelques mois après la crise (jusqu'à l'été). Dans tous les domaines artistiques, cet impact est majeur. Seulement 51% des Français qui ont déclaré se rendre au cinéma y sont retournés et 40% de ceux ayant affirmé visiter des musées et des expositions. Le score est encore plus bas pour les spectacles vivants : un tiers des Français qui assistaient à ces événements sont revenus cet été, après l’instauration du passe sanitaire. Dans le détail, c'est le cas de 27% de ceux qui indiquaient se rendre à un concert et de 31% de ceux ayant assisté aux spectacles de danse.

Au niveau global, seuls 28% des Français ont voulu rattraper les occasions perdues et indiquent être sortis cet été plus souvent qu’avant la crise. Et quatre Français sur 10 déclarent avoir repris leurs habitudes de sortie dès la réouverture des lieux culturels. A rebours, « la perception du risque sanitaire reste très forte, au détriment de la fréquentation culturelle », indique l'étude : plus de la moitié des personnes interrogées expliquent avoir redouté les lieux très fréquentés à cause du risque d’attraper le virus de la Covid ou de le transmettre. Dans le même sens, l'impact négatif du passe sanitaire sur la fréquentation des lieux de culture s'avère important : un quart des Français ont déclaré ne pas disposer du précieux sésame ou ne pas vouloir réaliser un test antigénique, afin de pouvoir accéder à un lieu ou un événement culturel.

Moins de culture ou une culture transformée ?

Le panorama des pratiques culturelles des Français en sortie de crise va donc dans le sens d'une restriction, et les intentions exprimées pour les mois à venir pourraient bien confirmer la tendance. En effet, près du tiers des répondants estiment que leurs sorties vont diminuer dans les prochains mois, principalement en raison de la situation sanitaire. Plus inquiétant encore, 11% des sondés précisent qu’ils iront dans les lieux culturels moins souvent qu’avant, lorsque la pandémie sera finie !

Car au delà de la diminution des pratiques, des tendances nouvelles se dessinent, qui semblent engendrées par des dynamiques diverses : le déploiement de nouveaux usages durant les confinements et les attentes des plus jeunes générations. Les deux se conjuguent pour accorder une place accrue au recours au numérique dans le champ culturel. En effet, 46% des personnes interrogées ont pris l’habitude nouvelle d’utiliser des moyens numériques pour accéder aux œuvres. Une pratique qui n'est pas sans conséquence : près du quart des Français ayant déclaré qu'ils sortiraient moins d'ici la fin de l'année mentionnent leur préférence pour les moyens numériques. Et cette appétence est particulièrement nette chez les moins de 35 ans (32%). Autre tendance particulièrement prégnante chez les jeunes, celle du remplacement des sorties culturelles par d'autres activités de loisirs. Cela concerne 20% de la population, et le tiers des 18 à 24 ans.

Ces évolutions sont-elles d'ordre conjoncturel ou structurel ? L'effet générationnel semble aller dans le sens de la seconde hypothèse... Quoi qu'il en soit, pour le ministère de la Culture, l'enquête démontre la nécessité de « préparer l'avenir des secteurs culturels », et notamment, le numérique, en particulier dans le cadre de la stratégie en faveur des industries culturelles et créatives ou du plan France 2030. Un enjeu économique, mais aussi de société.