Observatoire des inégalités : 4,8 millions de pauvres au risque de l’inflation

La crise du Covid n’a pas aggravé la situation, mais la France compte néanmoins 4,8 millions de pauvres, et l’inflation actuelle constitue un sujet de préoccupation majeur, d’après l’Observatoire des inégalités.

(c) adobestock
(c) adobestock

La crise du Covid n’a pas aggravé le phénomène de la pauvreté en France, grâce aux mesures de soutien mises en place par l’État, d’après l’Observatoire des inégalités. Celui-ci présentait les conclusions de son « Rapport sur la pauvreté en France », édition 2022-2023, le 6 décembre dernier, lors d’une conférence de presse en ligne.

Au total, la France compte 4,8 millions de pauvres, soit 7,6 % de la population, suivant les paramètres adoptés par l’Observatoire : un revenu de 940 euros par mois pour une personne seule, en comptant les prestations sociales, soit 50 % du niveau de vie médian. « Le taux de pauvreté est relativement stable sur 20 ans, il connaît des variations faibles, même s’il y a des oscillations », décrit Anne Brunner, directrice des études. Toutefois, la population globale ayant grandi, celle des pauvres s’est accrue aussi : plus 500 000 personnes, entre 2010 et 2020. Durant cette période, leurs revenus ont stagné, tandis que ceux des classes moyennes et des plus riches augmentaient, l’écart se creusant d’autant.

Par ailleurs, les revenus des pauvres avant prestations sociales ont baissé. En conséquence, « ils dépendent de plus en plus de la solidarité nationale, ce qui génère un sentiment de dépendance accrue », note Anne Brunner.

Certaines catégories de la population sont plus exposées que d’autres à la pauvreté. En termes d’âge, la moitié de cette population a moins de trente ans. « Il s’agit d’enfants qui subissent les faibles revenus de parents, lesquels sont au chômage ou seuls, et de jeunes adultes qui connaissent des difficultés d’insertion de plus en plus longues sur le marché du travail », précise Anne Brunner. L’inactivité constitue également un facteur de pauvreté, ce qui n’empêche pas 1,2 million de travailleurs d’être dans cette situation. Autres facteurs de pauvreté : un faible niveau de diplômes, l’appartenance au milieu ouvrier ou employé, le fait d’être immigré ou handicapé.

L’enjeu crucial de choix politiques

L’étude a également réalisé un focus sur la « grande pauvreté » qui touche les personnes vivant avec moins de 940 euros par mois, parfois quelques centaines, voire, moins. D’après l’Insee, elles seraient environ deux millions. Toutefois, d’après l’Observatoire, le phénomène est probablement assez largement sous-estimé : certaines personnes ayant droit au RSA (revenu de solidarité active) ne le touchent pas, des SDF échappent aux recensements... Mais des données parcellaires illustrent la gravité de la situation : en 2021, 300 000 personnes sont sans domicile, selon la Fondation Abbé Pierre. Entre 2 et 4 millions d’individus font appel à l’aide alimentaire. « Cela souligne les failles de la protection sociale », analyse Anne Brunner, pointant, notamment, la faiblesse du niveau du RSA et la situation des jeunes de moins de 25 ans, dépourvus de filet de sécurité.

Par ailleurs, le contexte actuel comporte des risques d’aggravation de la pauvreté. Concernant l’inflation, en particulier, « pour l’instant, la protection sociale a été réactualisée à peu près au rythme de l’inflation, mais il faudra rester vigilant. S’il y a une désindexation, l’effet sera massif », met en garde Louis Maurin, directeur de l’Observatoire. L’inquiétude porte également sur l’évolution du Smic et des salaires. « Pour les salariés des PME, ou d’entreprises de services, rien ne dit que les salaires suivront les prix. Or, c’est souvent là que se situent les travailleurs pauvres qui subissent le temps partiel », ajoute Louis Maurin. Autre souci, l’indice des prix est une moyenne qui ne reflète pas la diversité des situations des ménages. Ceux ayant de fortes dépenses pour se chauffer ou rouler verront leur pouvoir d’achat se dégrader considérablement. Pour le directeur de l’Observatoire, il existe un véritable « décalage » entre la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, qui relève plutôt de « l’aide caritative », et des mesures comme la réduction des allocations chômage, susceptibles d’avoir un fort impact sur la pauvreté, en particulier celle de jeunes qui ont peu cotisé.