Recrutements de cadres : une dynamique mise au pas par la crise

Le baromètre des intentions de recrutement de cadres* au second trimestre 2022 de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec) met en avant le climat d’incertitude qui pèse sur la population cadre et pourrait contrarier la forte dynamique des embauches.

Photo d'illustration
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 La dynamique de l’emploi cadre pourrait être altérée par le conflit russo-ukrainien et ses conséquences et marquer le pas, après le fort rebond constaté en 2021 (+18 % pour les recrutements de cadres versus 2020). Les prévisions de recrutements de cadres pour l’année 2022, bien que légèrement minorées, resteraient toutefois bien orientées et devraient renouer avec leur niveau d'avant-crise (+0,2 %, comparé à 2019) : 282 000 embauches en contrats à durée indéterminée ou CDD de plus d'un an, soit +5 % par rapport à 2021. « 2021 fut l’année du rebond pour l’emploi cadre, avec une forte dynamique dans beaucoup de secteurs, fonctions et territoires, même si des disparités nuancent ce bilan. Alors que l’année 2022 semblait prendre le même chemin, les impacts de la guerre en Ukraine viennent infléchir légèrement nos prévisions de recrutements de cadres. Les entreprises continuent néanmoins d’envisager des embauches à un niveau très élevé », commente Gilles Gateau, directeur général de l’Apec.

Les chiffres 2022 ont ainsi été revus à la baisse de 2,5 % à la suite de la crise russo-ukrainienne. L’année avait bien commencé avec l’augmentation de trois points par rapport au trimestre précédent de la part d’entreprises ayant recruté des cadres au premier trimestre 2022, malgré des difficultés de production (absences liées au Covid-19, problèmes d’approvisionnent) et de recrutement**. Mais l’incertitude liée à la guerre et ses impacts a affecté le moral des entreprises et entraîné un fléchissement relatif des intentions de recrutement dans les PME et les grandes entreprises. En cause, leur confiance dans l'évolution de leur activité à court terme (-6 points, en trois mois), même si celle-ci reste relativement élevée (72 %). Dans le détail, si les intentions de recrutement de cadres à trois mois restent, bien orientées, à de hauts niveaux, elles sont néanmoins en baisse côté PME (16%, soit -3 points) et côté grandes structures (58 % ; - 9 points). A contrario, elles sont en légère progression dans les TPE (9 %, + 2 points).

Difficultés de recrutement

Et près de huit entreprises sur dix anticipent toujours de fortes difficultés pour recruter. Un chiffre qui reste stable par rapport aux précédents trimestres. Dans les faits, 69 % des entreprises ayant embauché des cadres au cours de ces trois premiers mois de 2022 jugent qu’il a été effectivement difficile de le faire, soit 8 points de plus qu’au trimestre précédent. Des tensions qui les conduisent fréquemment à allonger les délais de recrutement. Ainsi, dans les TPE, particulièrement exposées à ces difficultés, 71 % des postes à pourvoir sont ouverts depuis plus de trois mois.

Côté cadres, le marché, jugé plus favorable, les incite à porter davantage attention aux opportunités. Résultat, ils sont de plus en plus à l’écoute du marché avec 45 % d’entre eux qui se déclarent en veille (+3 points). Dans ce contexte de tension, ils sont aussi toujours plus nombreux à concevoir la mobilité externe comme une opportunité (56 % ; + 3 points) avec des intentions de changer d’entreprise qui se maintiennent à hauteur de 13 % pour le second trimestre. « Côté cadres, certains signaux d’inquiétude apparaissent et la mobilité, elle, se stabilise. Dans ce contexte, attention à ce que les difficultés de recrutement, qui perdurent, ne viennent pas accentuer ce fléchissement » [de l’emploi cadre, NDLR], avertit Gilles Gateau.

Trois secteurs moteurs traditionnels

Trois secteurs moteurs de l’emploi cadre (ingénierie-R&D, activités informatiques, activités juridiques comptables et conseils) se montrent particulièrement actifs et pourraient renouer avec les niveaux d’avant crise : 45% des recrutements de cadres sont prévus dans ces trois secteurs, en 2022. D’autres resteraient, en revanche, très en retrait, comme l’hôtellerie-restauration, la communication et les médias, l’automobile et l’aéronautique ou la distribution spécialisée.

En termes géographiques, si certaines régions retrouveraient les standards d’avant crise, voire les dépasseraient (Bretagne, Nouvelle-Aquitaine, PACA), d’autres, notamment celles à vocation industrielle (Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est, Hauts-de-France), resteraient en deçà.

* Baromètre réalisé selon deux enquêtes menées du 7 mars 2022 au 18 mars inclus, en ligne auprès d’un échantillon représentatif de 2 000 cadres et téléphonique auprès d’un échantillon de 1 000 entreprises employant au moins un cadre

** Enquête annuelle menée par téléphone, du 24 novembre 2021 au 24 janvier 2022, auprès d’un échantillon permanent de 1,4 million de salariés, dont 345 500 cadres du secteur privé, de 8 000 entreprises


Charlotte DE SAINTIGNON